BERLIN : Olaf Scholz se rend vendredi en Chine pour une visite très controversée à un moment où l'Occident durcit sa position face à Pékin pour sa proximité avec la Russie et ses violations présumées des droits humains.
Il rencontrera le président Xi Jinping et son premier ministre Li Keqiang sur une seule journée en raison de la politique zéro Covid drastique sur place.
La Chine attend de ces consultations "un nouvel élan" dans ses "relations étroites" avec l'Allemagne, a indiqué mardi un porte-parole du ministère des Affaires étrangères Zhao Lijian, ajoutant que "la situation internationale" serait aussi au menu.
Côté chancellerie, ce déplacement, le premier d'un dirigeant européen depuis 2019, est présenté comme une "visite d'entrée en fonction" d'Olaf Scholz, au pouvoir depuis près d'un an.
Il sera accompagné d'industriels, comme les patrons de Volkswagen et BASF, la Chine étant le premier partenaire économique de l'Allemagne et un marché vital pour son puissant secteur automobile.
Leur présence a suscité de vives critiques de toutes parts en Allemagne.
"Les Allemands s'envolent vers Pékin dans l'espoir de faire du +business as usual+", s'est notamment insurgé le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung dans un éditorial au vitriol.
Mauvais timing
Et ce alors même que les tensions s'accumulent avec la Chine, en raison de sa "neutralité" affichée - vue comme un soutien tacite au Kremlin - dans la guerre en Ukraine, ses menaces répétées sur l'île de Taïwan dont elle revendique la propriété et les violations des droits humains, notamment contre la minorité musulmane des Ouïghours du Xinjiang.
Après qu'un rapport fin août du Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l'Homme (HCDH) a évoqué de possibles crimes contre l'humanité dans cette région, le chancelier a décidé d'aller à Pékin et "de rendre hommage à Xi Jinping au mépris des souffrances endurées par des millions de personnes", a fustigé Dolkun Isa, président du congrès mondial des Ouïghours, devant la presse mardi à Berlin.
La date du déplacement est jugée de surcroît malheureuse car elle intervient peu de temps après la reconduction de Xi Jinping à la tête du parti communiste chinois et du pays tout entier.
"Naturellement, les pouvoirs politiques chinois vont pouvoir présenter la visite du chancelier comme une justification de leur politique" autocratique, décrypte pour l'AFP Heribert Dieter, politologue à l'institut de géopolitique allemand SWP.
Olaf Scholz aurait tout aussi bien pu attendre la réunion des chefs d'Etats du G20 en Indonésie à la mi-novembre pour consulter le président chinois avec ses partenaires occidentaux.
"Nous avons donc un conflit géopolitique entre la Chine et les pays occidentaux, en particulier les Etats-Unis. Et la partie allemande montre clairement qu'elle veut poursuivre ses relations intensives avec la Chine", poursuit M. Dieter.
Berlin choisit de suivre "son propre chemin", juge le politologue.
Le chancelier s'en défend toutefois. Son porte-parole Stefan Hebestreit a fait état lundi de consultations en amont de la visite avec ses principaux alliés européens. Et les sujets des droits de l'homme seront aussi abordés, a-t-il assuré.
«Chine bashing»
Pour Olaf Scholz, la Chine sera l'un des grands centres d'influence dans le monde multipolaire en émergence dont on ne peut pas se détourner.
Une façon de réduire la dépendance économique consiste à diversifier les sources d'approvisionnement et les investissements directs, a récemment rappelé Stefan Hebestreit.
Une voie que les grands groupes très engagés en Chine rechignent à suivre à ce stade. Le patron du groupe chimique BASF Martin Brudermüller a récemment mis en garde contre le "Chine bashing".
Le chancelier marche sur la corde raide entre le lobbying des grands patrons et les pressions exercées dans sa coalition.
Les ministres écologistes des Affaires étrangères et de l'Economie exhortent à une plus grande fermeté avec la Chine, notamment sur la question des droits humains.
"Nous ne devons plus dépendre d'un pays qui ne partage pas nos valeurs", au risque de se rendre "politiquement vulnérables au chantage", a plaidé récemment la cheffe de la diplomatie Annalena Baerbock, appelant à ne pas commettre les mêmes "erreurs" qu'avec la Russie.
Berlin a déjà durcit quelque peu le ton, notamment depuis la guerre en Ukraine, qui a mis en évidence la dépendance de l'Allemagne vis-à-vis du gaz russe.