"Cancel culture", l’arme efficace qui se nourrit des réseaux sociaux

"Cancel culture", l’arme efficace qui se nourrit des réseaux sociaux
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Publié le Jeudi 23 juillet 2020

"Cancel culture", l’arme efficace qui se nourrit des réseaux sociaux

  • Elle divise observateurs et spécialistes entre partisans d’un outil de progrès, et d’autres qui l’accusent de destruction
  • Grandes marques, célébrités, dirigeants, mais aussi individus, personne n'est plus à l'abri de la "cancel culture"

NEW YORK: La "cancel culture" se propage. Ce phénomène qui, basé sur l’historique  de chacun sur les réseaux sociaux, dénonce des errements et demande des comptes. Du mouvement #MeToo à l’affaire George Floyd en passant par Donald Trump, la pratique du "cancelling" s’impose comme fait nouveau. Elle divise observateurs et spécialistes entre partisans d’un outil de progrès, et d’autres qui l’accusent de destruction.
Grandes marques, célébrités, dirigeants, mais aussi quidams, personne n'est plus à l'abri de la "cancel culture", au point que certains dénoncent ses excès et sa contribution à la polarisation politique.
L'écrivaine J.K. Rowling en a fait les frais pour des propos jugés insultants pour les personnes transgenres: une déclaration polémique, un tweet ambigu vieux de dix ans, une vidéo compromettante, et les réseaux sociaux s'attaquent à l'auteur.
Il faut le "cancel", littéralement le supprimer mais plus concrètement ternir son image, perturber son activité, jusqu'à ce qu'il rende les armes, s'excuse, essaie de réparer.
Le YouTubeur star Shane Dawson et de vieilles vidéos au contenu raciste, ou la chanteuse Lana Del Rey et un message Instagram qui critique des artistes noires ont tous deux été rattrapés par la vague "cancel".
Il y a aussi les marques, du riz Uncle Ben's et son imagerie jugée raciste, au géant agroalimentaire Goya, attaqué après le soutien de son directeur général à Donald Trump. 
"L'activisme sur Twitter, c'est facile: en une poignée de secondes, on peut attaquer quelqu'un ou faire circuler une pétition pour qu'il soit licencié ou mis à l'index", souligne Richard Ford, professeur de droit à Stanford.
Cet universitaire fait partie des plus de 150 personnalités du monde des arts et des sciences signataires d'une lettre "sur la justice et le débat ouvert", publiée début juillet sur le site du magazine Harper's, qui s'inquiète des dérives de ce mouvement.
Il reconnait néanmoins qu'"une partie de l'activisme sur les réseaux sociaux est constructif et légitime".
Beaucoup voient dans la "cancel culture" l'émergence d'un nouveau pouvoir, désormais à la disposition du plus grand nombre alors qu'il était jusqu'ici l'exclusivité d'une poignée.
"L'époque où les gens qui sont traités injustement et ne pouvaient pas répondre aux opinions rétrogrades et toxiques est terminée", se félicite Lisa Nakamura, professeure à l'université du Michigan, qui a étudié la "cancel culture".
"Si une personnalité veut écarter les transgenres", dit-elle, "il n'y a pas de raison qu'elle ne soit pas écartée en retour."
#MeToo
Comme d'autres, l'enseignante voit aussi dans ce mouvement, qui avait connu sa première heure de gloire avec le mouvement #MeToo en 2017, un spectre beaucoup plus large, qui inclue désormais les manifestations ordinaires de comportements discriminants.
Elle cite l'exemple d'Amy Cooper, filmée à Central Park en train de réclamer à la police d'arrêter un homme noir sans raison valable.  
"La cancel culture, c'est ce qui se passe quand les victimes de racisme et de sexisme ne taisent plus l'identité de leurs agresseurs", considère Lisa Nakamura.
Récupération politique
Mais pour Keith Hampton, professeur de médias et informations à l'université de Michigan State, si les réseaux sociaux peuvent être vecteurs de changement et de progrès, le "cancelling" peut "déraper".
"S'il s'agit d'essayer de détruire les gens", dit-il, "alors cela crée d'autres problèmes."
Les auteurs de la lettre ouverte de Harper's avertissent d'une radicalisation du mouvement, qui ne laisse plus place à la discussion.
Les réseaux sociaux "incitent aux provocations et à la colère, tout en étant quasiment dénués de nuances", affirme Richard Ford.
Il s'alarme du fait que la "cancel culture" s'exprime désormais régulièrement au-delà des réseaux sociaux, dans le monde académique ou du travail en général. "Parfois, le but est seulement la satisfaction de faire tomber quelqu'un", regrette-t-il.

En outre, "la honte et la mise à l'index ne changent pas les opinions", ajoute Keith Hampton, pour qui cet aspect du mouvement "va probablement augmenter la polarisation" de la société américaine.
Cette polarisation est alimentée selon lui par des forces qui ont intérêt à semer la division et enflammer le climat social. 
A l’ère de Trump
Donald Trump et ses partisans dénoncent ainsi ce concept depuis plusieurs semaines en l'utilisant pour diaboliser le mouvement né après la mort de l'Afro-Américain George Floyd. Ils accusent les manifestants de menacer les fondements de la société américaine en pratiquant la "cancel culture" à outrance, et en faisant notamment tomber les statues de personnalités liées à l'esclavage et aux persécutions des minorités.
C'est pourtant le président américain lui-même, rappelle Richard Ford, qui a favorisé la "cancel culture" ces dernières années en s'en prenant nommément, notamment sur Twitter, à des individus ou groupes qu'il voulait discréditer.
Le phénomène "peut être problématique quand il divise un mouvement social ou s'en prend aux mauvaises personnes", estime Lisa Nakamura, mais "il a déjà été un outil important du changement."
"Le mouvement Black Lives Matter aurait été très différent sans les exemples de racisme ordinaire dans les supermarchés Walmart, sur les pistes de jogging ou dans d'autres endroits publics."
 


Casse du musée du Louvre: des suspects interpellés mercredi en cours de défèrement

Des policiers français patrouillent devant le musée du Louvre après son cambriolage, avec la pyramide du Louvre conçue par Ieoh Ming Pei en arrière-plan, à Paris le 19 octobre 2025. (AFP)
Des policiers français patrouillent devant le musée du Louvre après son cambriolage, avec la pyramide du Louvre conçue par Ieoh Ming Pei en arrière-plan, à Paris le 19 octobre 2025. (AFP)
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  • Sept suspects au total ont été interpellés dans l’enquête sur le spectaculaire casse du Louvre, dont le butin — estimé à 88 millions d’euros en bijoux de la Couronne — reste introuvable
  • L’enquête, fondée sur des traces ADN, la vidéosurveillance et la téléphonie, met aussi en lumière une « faille sécuritaire majeure » au Louvre, selon la ministre de la Culture Rachida Dati

PARIS: Des défèrements de suspects ayant été interpellés mercredi dans le cadre de l'enquête sur le casse du Louvre, dont le butin a été estimé à 88 millions d'euros, étaient en cours samedi devant des magistrats du tribunal judiciaire de Paris.

"Il y a des défèrements sur commission rogatoire", a indiqué le parquet de Paris sollicité par l'AFP, sans préciser le nombre de suspects déférés.

Cinq nouvelles interpellations liées à ce cambriolage spectaculaire avaient été annoncées jeudi matin par la procureure de Paris Laure Beccuau qui avait précisé que les bijoux volés restaient introuvables.

Ces nouvelles interpellations se sont ajoutées à celles de deux trentenaires arrêtés il y a une semaine et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place.

Ces deux habitants d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), âgés de 34 et 39 ans, ont été mis en examen et placés en détention provisoire mercredi soir.

En garde à vue, ces deux hommes - un arrêté à l'aéroport de Roissy alors qu'il tentait de rejoindre l'Algérie, l'autre à Aubervilliers - "se sont livrés à des déclarations (...) minimalistes par rapport à ce qui nous paraît être démontré par le dossier", avait indiqué Laure Beccuau.

Parmi les nouveaux interpellés se trouve un autre membre présumé du commando ayant commis le 19 octobre en moins de huit minutes ce casse qui a fait le tour de la planète, avait précisé la procureure. "Des traces ADN" le lient au vol, avait-elle noté.

Les autres personnes interpellées "peuvent éventuellement nous renseigner sur le déroulement de ces faits", avait éclairé la procureure, sans vouloir en dire plus sur leur profil.

Ces nouvelles interpellations "n'ont pas été du tout liées aux déclarations" des deux mis en examen, mais "à d'autres éléments dont nous disposons au dossier", les traces ADN, la vidéosurveillance ou encore l'examen de la téléphonie, avait-elle ajouté.

Les nouvelles interpellations ont eu lieu à Paris et dans son agglomération, notamment en Seine-Saint-Denis, avait-elle indiqué.

- "Faille sécuritaire majeure" -

Mme Beccuau avait souligné sa "détermination", comme celle de la centaine d'enquêteurs mobilisés, à retrouver le butin et l'ensemble des malfaiteurs impliqués.

Concernant les bijoux, la procureure avait expliqué que l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) explorait "un certain nombre de marchés parallèles" car ce n'est vraisemblablement pas sur le marché légal des oeuvres d'art qu'ils surgiront.

Parmi les hypothèses des enquêteurs: celle que ces joyaux puissent "être une marchandise de blanchiment, voire de négociation dans le milieu", a-t-elle pointé.

L'affaire a provoqué des débats-fleuves sur la sécurité du Louvre, musée d'art le plus visité du monde.

La ministre de la Culture Rachida Dati a dévoilé vendredi les premières conclusions de l'enquête de l'Inspection générale des affaires culturelles, avec un bilan très critique: "une sous-estimation chronique, structurelle, du risque intrusion et vol" par le Louvre, "un sous-équipement des dispositifs de sécurité", une gouvernance "pas adaptée" et des protocoles de réaction aux vols et intrusions "totalement obsolètes".

"On ne peut pas continuer comme ça", a martelé Rachida Dati.

Le jour du casse, les quatre malfaiteurs avaient pu garer un camion-élévateur au pied du musée, permettant à deux d'entre eux de se hisser avec une nacelle jusqu'à la galerie d'Apollon où sont conservés les joyaux de la Couronne.

Tout en réaffirmant que les dispositifs de sécurité à l'intérieur du Louvre avaient fonctionné, Mme Dati a annoncé des mesures pour répondre à une "faille sécuritaire majeure" à l'extérieur du musée.

"Nous allons mettre des dispositifs anti-voiture-béliers, anti-intrusion", a-t-elle annoncé, assurant que ces nouvelles installations seraient en place "avant la fin de l'année".


A Paris, le Centre Pompidou s'offre une dernière fête avant cinq ans de fermeture

un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
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  • Le Centre Pompidou organise un dernier week-end festif baptisé « Because Beaubourg » avant cinq ans de travaux, transformant ses huit étages en un immense terrain de jeu mêlant concerts, performances et expériences immersives
  • L’événement, réunissant 80 artistes et plusieurs grandes marques partenaires, célèbre la culture et l’esprit d’ouverture du lieu avant sa fermeture pour rénovation complète

PARIS: Dans un tourbillon de musique, d'images et de patins à roulettes, le Centre Pompidou à Paris s'offre un dernier week-end festif avant cinq ans de travaux, avec "Because Beaubourg", événement qui transforme l'intégralité du bâtiment en un immense terrain de jeu.

"Je suis venu parce que j'ai entendu dire que c'était la fermeture. Et j'avais envie de participer à ça une dernière fois, pour en profiter un petit peu", explique à l'AFP Eliot Ibert, 23 ans, en coloriant une fresque participative.

Fermé au public depuis le 22 septembre, le bâtiment aux emblématiques tuyaux colorés rouvre ses portes ce week-end avec un parcours inédit. De vendredi à dimanche, quelque 80 artistes se produisent à travers concerts, DJ sets, performances, masterclasses, projections et expériences immersives sur les huit étages.

"C'est le plus grand événement que le Centre Pompidou ait fait depuis son ouverture", assure Paul Mourey, codirecteur artistique de l'événement, imaginé avec le label Because Music.

- "Spleen" -

Chaque étage propose une expérience différente. Au niveau -1, des pianistes amateurs se succèdent devant une fresque des étudiants des Beaux-Arts, tandis que le Forum, au rez-de-chaussée, devient le théâtre de performances en journée et un club illuminé la nuit.

Le Village des enfants prend place au 3e étage, tandis que plusieurs artistes et sociétés ont investi le 4e niveau. Shygirl, Shay ou Pedro Winter, fondateur du label Ed Banger, ainsi que les entreprises Spotify, Samsung et Snapchat, qui proposent de tester ses lunettes de réalité augmentée, participent à des installations et expériences interactives.

Autant de partenaires qui contribuent à financer l'événement.

Le premier et le sixième étage accueillent, de jour comme de nuit, des artistes tels que Catherine Ringer, Christine and the Queens, Selah Sue, Keziah Jones ou Sébastien Tellier.

Le musicien français, qui profite de l'événement pour promouvoir son nouvel album prévu en janvier, souligne l'importance de participer à cette célébration : "La culture, aujourd'hui, elle est rare. Quand il y a des petits îlots de culture, c'est important d'y être. Je n'avais pas envie de manquer ça."

Brigitte Baleo, 78 ans, retraitée ayant travaillé dix ans à la bibliothèque du Centre Pompidou, confie que la fermeture lui laisse "un peu de spleen".

"Ça tend l'estomac, il y a trop de souvenirs", ajoute-t-elle, émue. "Mais il faut que la fermeture ait lieu, pour réhabiliter ce monument".

Conçu en 1977 comme un lieu "ouvert à tous" par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, le bâtiment souffre aujourd'hui de vétusté.

Désamiantage, accessibilité du lieu, sécurité et complet réaménagement intérieur sont au menu de ses importants travaux de rénovation.

- Rollers et vue panoramique -

Cette fermeture, "c'est quelque chose qui me touche", abonde Florence, qui n'a pas souhaité donner son nom.

Férue d'électro, la Bordelaise de 57 ans vient d'assister au deuxième étage à "Space Opera", un film musical du duo français Justice projeté comme une expérience de clubbing, à quelques pas de l'installation inédite Camera/Man de Thomas Bangalter, un des deux membres de Daft Punk.

Pour encore plus de mouvements, elle compte bien expérimenter le Roller Disco qui fait vibrer l'ancienne galerie 1, au dernier étage.

Entre DJ sets, patins à roulettes et vues panoramiques sur Paris, l'ambiance mêle nostalgie et effervescence festive.

Gulliver Hubard, un étudiant britannique de 20 ans, savoure lui sa première visite. "C'est une chance de le voir avant sa fermeture", assure-t-il.

En journée, le programme est entièrement gratuit, et les organisateurs espèrent accueillir entre 10.000 et 15.000 visiteurs par jour.

Le programme nocturne, payant, a lui été pris d'assaut : les 12.000 billets se sont arrachés en à peine une journée.


AlUla ou comment le désert devient atelier d’art

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  • AlUla se transforme en laboratoire artistique où design, architecture et patrimoine dialoguent avec le désert
  • Entre traditions locales et innovation contemporaine, le désert devient un espace d’expérimentation, d’apprentissage et de création, où culture et paysage s’influencent mutuellement

PARIS: De la résidence de design à la construction du futur musée d’art contemporain confié à Lina Ghotmeh, AlUla se façonne dans le respect de sa mémoire et de son paysage.

À Paris, une table ronde organisée par la RCU et AFALULA a révélé les coulisses de cette transformation, celle d’un territoire millénaire devenu laboratoire d’expérimentation et vitrine du dialogue culturel franco-saoudien.

Dans le parc de l’hôtel des maisons (un hôtel particulier parisien construit au XVIII), la conversation s’est ouverte sur une question presque philosophique : comment bâtir dans le désert sans le dominer ? Comment concevoir à AlUla, ce paysage d’infini, une architecture qui parle à l’échelle humaine ?

La table ronde, intitulée “From the Land Up: Designing AlUla from Desert to Human Scale”, a réuni les acteurs clés du projet et plusieurs anciens résidents du programme AlUla Design Residency, créé il y a deux ans.

Ils ont tous en commun d’avoir approché cette terre d’exception, non comme un territoire vierge, mais comme un organisme vivant, porteur d’histoires et de voix anciennes.

L’événement, organisé par la Commission royale pour AlUla (RCU) et l’agence Française pour le développement d’Alula (AFALULA), a célébré l’ADN rare de cette région, qui est un mélange entre fouilles historiques, architecture, design et diplomatie culturelle notamment avec la villa Hegra. 

AlUla, déjà célèbre pour son patrimoine nabatéen et ses falaises sculptées par le vent, devient aujourd’hui un territoire d’expérimentation artistique mondiale, où le passé inspire le futur, et lui donne forme.

Au centre du projet, la vision de Lina Ghotmeh, architecte franco-libanaise à la tête du futur musée d’art contemporain d’AlUla, « Le musée ne doit pas être une icône posée dans le désert » explique-t-elle, « mais un générateur de liens, un espace de rencontre et d’hospitalité ».

Implanté près d’une ancienne oasis agricole, le musée s’enracinera dans le paysage tout en redonnant vie à des savoir-faire ancestraux, « nous travaillons avec la terre locale, avec des techniques de construction traditionnelles : torchis, terre comprimée, architecture bioclimatique, l’objectif est de renouer avec les ressources naturelles et la mémoire des lieux », souligne l’architecte.

Ghotmeh évoque aussi le dialogue qu’elle a tissé avec la communauté locale, « j’ai passé du temps à rencontrer les habitants, à partager un thé sous un oranger, à écouter les femmes qui ravivent l’artisanat, à visiter les écoles ».

Un jour, une fillette m’a dit, « le musée, c’est le lieu de l’extraordinaire, cette phrase m’accompagne toujours, car au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, créer un lieu qui relie la connaissance, l’émotion et la beauté ».

Dans son approche sensible, le musée devient un prolongement du paysage, un lieu où les visiteurs respireront la même lumière que les habitants, où la culture se fera conversation et échange.

« Il ne s’agit pas d’importer la culture, mais de la créer à partir du territoire », souligne Arnaud Morand, responsable des arts et industries créatives à AFALULA, c’est cette conviction qui guide toute la programmation culturelle d’AlUla.

L’une des premières grandes expositions préfigurant le musée verra le jour en janvier prochain, consiste en une collaboration entre AlUla et le Centre Pompidou, présentée d’abord dans une architecture temporaire conçue sur place avant de voyager dans le monde.

« C’est une coopération basée sur l’échange de savoirs et la lenteur, dit-il. À AlUla, on apprend à prendre le temps, l'art naît du sol, pas de la vitesse ».

Cette philosophie irrigue aussi les résidences de design et d’artistes qu’AFALULA co-dirige sur place, des programmes où jeunes talents et créateurs confirmés expérimentent à ciel ouvert, dans une relation directe avec le territoire, « Là-bas, chaque projet s’élabore dans l’écoute et l’humilité » affirme Morand.

« Lorsque nous arrivons à AlUla, nous devons laisser nos certitudes à la porte du désert » observe Ali Al Gazzaoui responsable du programme de résidences d’artistes, « il faut apprendre à écouter les habitants, à comprendre leur rapport au paysage, à la lumière, à la convivialité ».

C’est cette humilité partagée qui transforme le désert en école, les fondateurs du Studio Raw Material, Dushyant Bansal et Priyanka Sharma, anciens résidents du programme, racontent leur découverte émerveillée d’un lieu où « le matériau est partout de la roche, au sable, à la chaleur, et la lumière, tout devient matière à création ».

Leur expérience les a conduits à réfléchir à une forme de design « hors des centres urbains » à la faveur d’une pratique ancrée dans la vie quotidienne et les gestes ordinaires, « à AlUla, on apprend à se salir les mains, à construire, à inventer avec ce que la nature nous offre ».

Cette approche artisanale et poétique rejoint la vision d’Ali Alghazzawi, pour lui, « notre mission est de créer un écosystème où les créatifs peuvent dialoguer librement avec le paysage et expérimenter, car la durabilité ne se décrète pas, elle se vit ».

Tout ceci confère à AlUla qui est un site touristique d’exception, une autre dimension qui est celle de pépinière d’idées, de territoire d’apprentissage et de création contemporaine.