LONDRES: Première crise au sein du gouvernement du Premier ministre britannique Rishi Sunak: sa ministre de l'Intérieur Suella Braverman s'est retrouvée sous forte pression lundi, entre sa gestion de l'afflux de migrants et les questions qui entourent sa renomination.
Cette ultraconservatrice de 42 ans, qui partageait récemment son "rêve" de voir des demandeurs d'asile arrivés illégalement sur le sol britannique expulsés vers le Rwanda - un projet controversé actuellement bloqué - est confrontée à la dure réalité.
Malgré les promesses du Brexit de mieux maîtriser les frontières britanniques, le Royaume-Uni connaît un afflux sans précédent de migrants qui traversent la Manche à bord de petites embarcations. Près de 40 000 ont traversé depuis le début de l'année l'un des détroits les plus fréquentés au monde au péril de leur vie.
S'y ajoute à la situation critique au centre d'accueil de Manston (sud-est de l'Angleterre), surpeuplé, confronté à de graves problèmes sanitaires et à des durées de séjour qui s'étirent, dans ce qui est censé être un centre de transit.
La situation y est "totalement inacceptable", a dénoncé le député conservateur Roger Gale sur la BBC. "Il y a simplement trop de gens et on n'aurait jamais dû laisser cette situation en arriver là", a-t-il déclaré.
Le centre accueille plus 4 000 personnes, selon le député. "Le responsable, qu'il s'agisse de la précédente ministre de l'Intérieur ou de celle-ci, doit rendre des comptes, car une mauvaise décision a été prise et a conduit à ce que je considère comme une atteinte aux droits", a-t-il ajouté sur Sky News.
Traversées de la Manche: trois passeurs présumés arrêtés
Trois passeurs présumés, soupçonnés de vouloir faire traverser la Manche à des migrants albanais sur un puissant bateau semi-rigide, ont été arrêtés dimanche lors d'une opération conjointe des services britanniques et belges, a annoncé lundi l'agence britannique de lutte contre la criminalité (NCA).
Selon les autorités britanniques, jusqu'à 80% des migrants effectuant la dangereuse traversée de la Manche à bord de petites embarcations sont des ressortissants albanais. Près de 40.000 traversées ont été enregistrées depuis le début de l'année, un niveau record qui met à mal la promesse du Brexit de permettre au Royaume-Uni de maîtriser l'immigration.
La police fédérale belge a arrêté deux hommes de 34 et 44 ans, établis dans le sud de l'Angleterre, lors de leur arrivée sur la côte près de Nieuport dimanche à 04H30 locales. Douze migrants, vraisemblablement albanais, ont également été arrêtés, selon un communiqué de la NCA.
Un troisième homme, âgé de 46 ans, a été arrêté un peu plus tard le même jour à environ 80 kilomètres au nord-ouest de Londres, soupçonné d'aide à l'immigration illégale. Il reste en garde à vue, selon l'agence britannique.
Les enquêteurs pensent que ce groupe fait partie d'une organisation plus large de passeurs à destination du Royaume-Uni depuis l'Europe continentale.
La NCA indique qu'elle mène plus de 60 enquêtes sur des réseaux ou individus au plus haut niveau de la criminalité organisée liée à l'immigration ou la traite d'êtres humains.
Il y a près de deux semaines, une Albanaise de 31 ans, passeuse présumée, a été arrêtée par la NCA. Il y a un mois, la police espagnole a annoncé le démantèlement d'un important réseau de passeurs albanais, en collaboration avec la NCA, donnant lieu à sept arrestations.
Le réseau, dont les activités remonteraient à 2014, demandait aux migrants de 3.000 à 15.000 euros pour les faire passer clandestinement à bord de ferries ou de cargos naviguant entre le nord de l'Espagne et la Grande-Bretagne, dans des conditions "dangereuses pour leur vie ou leur intégrité physique", avait expliqué la police espagnole.
Cocktails molotov
A cette surpopulation s'est ajoutée le transfert temporaire de 700 personnes dimanche, après qu'un centre d'accueil où débarquent les migrants à Douvres a été attaqué avec des cocktails molotov, faisant deux blessés légers, dans un contexte de tensions dans la ville portuaire.
Le suspect a ensuite été retrouvé mort dans une station-service, selon la police, des informations de presse affirmant que l'homme a mis fin à ses jours.
La ministre de l'Intérieur Suella Braverman a évoqué des faits "bouleversants" sur Twitter, sa première expression publique ses derniers jours.
La patronne du "Home Office" a quitté le gouvernement de Liz Truss le 19 octobre, après avoir reconnu avoir envoyé indûment un document officiel depuis une adresse email personnelle.
Mais dans la foulée de son arrivée à Downing Street la semaine dernière, le nouveau chef du gouvernement Rishi Sunak l'a renommée six jours plus tard.
Sunak confirme sa confiance
Mise sous pression par l'opposition travailliste, Suella Braverman a publié lundi un récit détaillé des événements. Si elle a transféré à six reprises des documents gouvernementaux vers sa boîte mail personnelle, ils n'étaient pas classés "secrets" ou "top secrets", ni n'étaient de nature à faire bouger les marchés financiers, a-t-elle assuré.
"J'ai été transparente à propos de mes erreurs", a-t-elle écrit dans sa lettre adressée à une commission parlementaire, estimant l'affaire "close".
Le porte-parole officiel du Premier ministre a assuré lundi que Suella Braverman a la pleine confiance de Rishi Sunak, et que celui-ci estime qu'elle a livré un "compte-rendu détaillé" des faits.
"Nous avons besoin d'actes de la part du Home Office (...) et pour le moment on ne voit rien", a fustigé sur Sky News la députée d'opposition Yvette Cooper, responsable des questions de sécurité au parti travailliste.
Rishi Sunak a promis "intégrité, professionnalisme et responsabilité, on n'a aucune de ces trois choses de la part de la ministre de l'Intérieur", a accusé Yvette Cooper.
Dans une lettre ouverte publiée lundi, plus de 120 associations et ONG ont exhorté la ministre à créer des voies sûres pour les demandeurs d'asile et respecter le droit international et Convention des Nations-Unies pour les réfugiés. "Alors", conclut la lettre, "vous auriez vraiment fait quelque chose qui vaut qu'on en rêve".