SAN FRANCISCO: Elon Musk a officiellement pris le contrôle de Twitter pour 44 milliards de dollars, ouvrant une nouvelle ère incertaine pour cette plateforme d'influence majeure, sous la houlette de l'homme le plus riche du monde, qui effraie autant qu'il fascine.
"Que la fête commence", a tweeté vendredi le patron de Tesla (véhicules électriques) et SpaceX (vols spatiaux), grand amateur de provocations. Il avait déjà lancé "l'oiseau est libéré", jeudi soir, après avoir licencié l'équipe de direction de l'entreprise californienne.
Les réactions, enthousiastes ou dépitées, se sont multipliées, mais la plus retentissante est celle de General Motors (GM).
Le constructeur automobile a indiqué vendredi qu'il arrêtait temporairement de payer pour des publicités sur Twitter, devenant ainsi le premier grand annonceur à remettre en cause sa présence sur le réseau social.
"Nous discutons avec Twitter pour comprendre la direction de la plateforme sous son nouveau propriétaire", a expliqué le groupe, un concurrent direct de Tesla.
Elon Musk s'est érigé en défenseur ultime de la liberté d'expression, faisant craindre un regain d'abus (harcèlement, racisme, désinformation) sur l'application.
Il a notamment ouvert la porte à un retour de Donald Trump, évincé de Twitter après avoir soutenu ses partisans qui ont pris part à l'assaut du Capitole en janvier 2021.
Or les marques, qui représentent l'essentiel des revenus de Twitter, préfèrent généralement adosser leurs pubs à des contenus consensuels.
La décision de GM confirme donc les avertissements formulés par de nombreux observateurs depuis des mois.
Vendredi, le nouveau propriétaire a tenté de rassurer en annonçant la formation prochaine d'une "conseil de modération des contenus avec des points de vue très divers".
"Aucune décision majeure sur les contenus ou réactivation de compte n'aura lieu sans l'intervention du conseil", a précisé le multimilliardaire.
Rebondissements
"La fusion entre Twitter et X Holdings II", société "contrôlée par Elon Musk, a été actée le 27 octobre", a notifié la Bourse de New York (le NYSE) vendredi matin. "Toutes les actions de Twitter ont été échangées contre 54,20 dollars en numéraire", a-t-elle précisé
Elon Musk avait jusqu'à vendredi pour conclure l'acquisition du réseau social, faute de quoi un procès devait avoir lieu en novembre.
L'opération traînait en effet depuis l'annonce fin avril, quand Twitter avait acceptée à contrecœur l'offre d'acquisition de l'entrepreneur, qui a ensuite cherché à s'en extraire.
Le conseil d'administration de l'entreprise avait saisi la justice, et au début du mois, à quelques jours de l'ouverture d'un procès que Twitter semblait bien parti pour gagner, Elon Musk a finalement proposé de conclure la transaction au prix initialement convenu.
Aider l'humanité
Jeudi, Elon Musk a tenté de clarifier sa vision, affirmant vouloir permettre à toutes les opinions de s'exprimer sur le site, sans en faire une plateforme "infernale" où tout serait permis.
Il est "important pour l'avenir de la civilisation d'avoir une place publique en ligne où une grande variété d'opinions peuvent débattre de façon saine, sans recourir à la violence", a-t-il écrit dans un message spécifiquement adressé aux annonceurs.
Il y assure aussi qu'il n'a pas engagé cette acquisition parce que c'était "facile" ou "pour se faire de l'argent", mais pour "essayer d'aider l'humanité".
Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a prévenu le milliardaire que Twitter allait devoir respecter la nouvelle réglementation de l'UE sur le numérique qui contraint les grandes plateformes à modérer leurs contenus.
"En Europe, l'oiseau volera selon nos règles européennes", a tweeté M. Breton.
Après le rachat de Twitter par Elon Musk, les utilisateurs testent la liberté d'expression
Les utilisateurs de Twitter n'ont pas attendu une seule seconde vendredi pour tester les limites de la liberté d'expression sur la plateforme, désormais propriété d'Elon Musk, avec des tweets sur l'identité de genre ou l'utilité des masques.
Quelques heures après que le patron de Tesla et SpaceX ait pris le contrôle de Twitter pour 44 milliards de dollars, les conservateurs ont célébré ce qu'ils décrivent comme le retour de la liberté de parole.
L'animateur de podcast conservateur Buck Sexton (@BuckSexton) a sauté sur l'occasion en tweetant: "Il s'avère que les hommes NE PEUVENT PAS tomber enceinte, qu'est ce que vous avez à dire à ça les libéraux".
Licenciements ?
Twitter, qui comptait 238 millions d'usagers quotidiens dits "actifs" fin juin, attire un public moins large qu'un géant comme Facebook, mais beaucoup de décideurs politiques, d'entreprises et de médias.
Sur le plan financier, la partie s'annonce serrée pour une entreprise qui peine depuis toujours à dégager des bénéfices et va devoir en plus rembourser l'emprunt de 13 milliards de dollars qu'a contracté Elon Musk pour son rachat.
Jeudi soir, le nouveau propriétaire a licencié le patron de la plateforme, Parag Agrawal, et deux autres dirigeants, le directeur financier Ned Segal et la responsable des affaires juridiques Vijaya Gadde, selon plusieurs médias américains.
Ned Segal a remercié vendredi ses ex-collègues pour la période la "plus épanouissante" de sa carrière. Twitter est capable de "démocratiser la communication et la connaissance", a-t-il tweeté. "C'est une immense responsabilité pour tous ceux qui travaillent en ce sens. Je leur souhaite force, sagesse et prévoyance", a-t-il écrit.
Elon Musk prévoit en outre de licencier des milliers d'employés du groupe, selon plusieurs médias américains.
La sortie de la cote de Twitter lui donne toute latitude.
Au début du mois, il avait pourtant déclaré qu'il était "essentiel" que son fleuron Tesla soit coté à Wall Street, "parce que si le public n'aime pas ce que fait Tesla, le public peut acheter des actions et voter différemment", ajoutant, hilare: "C'est très important que je ne puisse pas juste faire ce que je veux."