DJEDDAH : Les archéologues en Arabie saoudite voient les anciennes civilisations désertiques de la péninsule d’une toute nouvelle perspective grâce aux dernières technologies de drones.
L’amélioration de l’accès à la photographie aérienne et aux satellites a ouvert bien des voies sur la carte de l’Arabie et de la région qui l’entoure, révélant un nombre impressionnant de constructions rocheuses connues sous le nom de «kites du désert».
Ces structures en pierre sèche, composées de longs murs qui convergent vers un enclos ont été découvertes en 1920. Des pilotes de la Première guerre mondiale qui survolaient les déserts du Levant et du nord de l’Arabie saoudite avaient affirmé avoir vu des constructions en forme de polygones, d’entonnoirs et de triangles.
Les chercheurs ont de nombreuses théories concernant la fonction de ces kites. D’aucuns pensent qu’ils constituaient des villages ou des pièges de chasse. D’autres estiment que ce sont des tombes ou des cimetières.
Réparties dans toute la région ouest du Royaume, ces structures, probablement néolithique, sont présentes en grand nombre près de Harrat Khaybar, l'un des plus grands champs de lave de la péninsule.
Les relevés aériens ont pour conclusion que les formes variées des kites pourraient être un indicateur de leurs fonctions, et qu’ils auraient été construits par les premiers ingénieurs des tribus pastorales sur une période de milliers d’années.
D’après une étude de recherche effectuée par David Kennedy, Rebecca Banks et Mathew Dalton, il y aurait environ 917 kites de formes et de tailles différentes autour de Khaybar. Certains datent du cinquième, ou même du septième siècle avant J.-C. Ils prennent la forme de portes, de triangles, de cerfs-volants, de cibles et de trous de serrure.
Le capitaine Abdelaziz Al-Dakhil, homme d’affaires et pilote passionné, cartographie les cerfs-volants depuis 2015 du cockpit de son avion biplace. Aidé par ses collègues, ses photographies aériennes des constructions ont été prises dans la région ouest de l'Arabie saoudite.
Avec l’aide de Google Maps et d’autres sites d’imagerie satellite, M. Al-Dakhil a passé de longues heures dans les airs afin de localiser leurs emplacements approximatifs.
«La forme des structures diffère dépendamment de l’emplacement. Certaines sont méticuleusement conçues, tandis que d’autres l’ont été aléatoirement. Il est extrêmement difficile de les regrouper dans une seule catégorie ou dans un seul emplacement, c’est un travail qui nécessite beaucoup d’efforts», dit-il.
Bien que la plupart des constructions soient situées autour du champ de lave de Khaybar, elles peuvent également être retrouvées au sud du Rubu’ al-Khali.
L’artiste et explorateur, Moath Alofi, est intrigué par ces structures depuis qu’il a rejoint l’équipe du capitaine Al-Dakhil il y a cinq ans. Il a confié que, grâce à la technologie satellite, l’équipe a pu documenter les structures à travers les paysages désertiques et que les images haute résolution avaient permis aux archéologues de développer davantage leur compréhension des fonctions de ces structures et des ingénieurs qui en sont à l’origine.
«Certains sont très sophistiqués et bien conçus. Nous pouvons les retrouver dans les plaines et sur les flancs des montagnes. Le nombre de kites autour de Harrat Khaybar est énorme», ajoute M. Alofi. En 2017, il a publié «People of Pangaea», une série de photographies aériennes montrant ces structures désertiques.
Cachés entre des cratères de volcan et perdus dans l’obscurité des champs de basalte, les kites peuvent ressembler à des animaux, des pyramides aplaties, des loups qui hurlent au clair de lune et même à des sapins de Noël. «Je les recherche activement et les étudie depuis longtemps. Ils sont une énigme, et leur conception surréelle m’attire et me fascine. Lorsque nous pensons que nous avons tout trouvé, nous découvrons de nouvelles choses, et le processus d’exploration prend beaucoup de temps».
«Ces kites ne sont pas une découverte récente. Ils sont connus depuis des années, mais grâce à l’imagerie satellite et à la photographie aérienne, les Saoudiens pourront découvrir quelque chose d’unique qui permet de raconter l’histoire des civilisations historiques qui ont vécu dans ce pays. Notre pays est parsemé de mystères qui attendent d’être résolus», ajoute-t-il.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com