Business France: «Nous ferons Moyen-Orient notre zone prioritaire de développement»

Pour Axel Baroux, le nouveau délégué français au commerce et à l'investissement aux EAU et directeur régional de Business France au Moyen-Orient, le moment est favorable pour renforcer la présence française. Capture d'écran.
Pour Axel Baroux, le nouveau délégué français au commerce et à l'investissement aux EAU et directeur régional de Business France au Moyen-Orient, le moment est favorable pour renforcer la présence française. Capture d'écran.
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Publié le Samedi 29 octobre 2022

Business France: «Nous ferons Moyen-Orient notre zone prioritaire de développement»

  • Pour Axel Baroux, le nouveau délégué français au commerce et à l'investissement aux EAU et directeur régional de Business France au Moyen-Orient, le moment est favorable pour renforcer la présence française
  • Pour aider à l'expansion des entreprises françaises dans la région, le nouveau délégué mettra en place un plan d’action avec comme point fort l’accompagnement individuel des entreprises dans la durée

PARIS : Dans un contexte de crise géopolitique et énergétique où les alliances sont remises en cause, la France et les pays du Golfe ont tissé des liens stables et créé une relation de confiance. 

Si Paris a su établir également une présence économique forte dans la majorité des pays du Proche et Moyen-Orient, consolidée par les dialogues stratégiques et les visites de haut niveau, il reste cependant de la marge pour progresser. Mais le contexte est très concurrentiel, car la région, stimulée par la hausse des prix du pétrole et les réformes économiques et sociétales, enregistre un des taux de croissance les plus importants au monde. Elle est donc courtisée par le monde entier. Selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI), l’économie des Émirats arabes unis (EAU) devrait croître de 5,1% cette année et de 4,2% en 2023. Elle sera suivie par Oman (4,1%), l’Arabie saoudite (3,7%), le Koweït (2,6%) et le Qatar (2,4%) l’année prochaine. 

Pour renforcer sa position à l’international, la France s’est dotée depuis 2017 d’un instrument de promotion économique, la «Team France», qui regroupe les chambres de commerce françaises, la banque d’investissement publique BPI France, les conseillers du commerce extérieur, les ambassades, et Business France (agence publique de promotion de l’économie française à l’international). Cette dernière a pour mission notamment d’accompagner les nouveaux acteurs sur le marché à l’étranger, de créer les opportunités de signature de contrats et de partenariats entre entreprises françaises et étrangères, ainsi que de promouvoir l'attractivité tricolore auprès des investisseurs étrangers. 

Pour Axel Baroux, le nouveau délégué français au commerce et à l'investissement aux EAU et directeur régional de Business France au Moyen-Orient, le moment est favorable pour renforcer la présence française. «La région est en plein boom économique avec des opportunités multiples et multisectorielles, et il en est de même sur le plan financier. Les relations bilatérales sont excellentes, donc on a, dans cette région du monde, et aux Émirats en particulier, toutes les possibilités de faire un travail de très grande qualité», déclare-t-il à Arab News en français. «Mon ambition est de faire de cette zone une zone prioritaire pour l’agence Business France, et de faire de cette région une success story gagnant-gagnant», ajoute-t-il.  

Avec le bureau régional établi à Dubaï, l’agence est présente dans sept pays: l’Arabie saoudite (avec des bureaux à Riyad et à Djeddah), le Koweït, le Qatar, la Turquie, Israël et les EAU. En tout, une soixantaine de personnes chargées de répondre aux demandes des entreprises françaises «très intéressées notamment par les Émirats et par les grands projets annoncés en Arabie saoudite».  

Principal centre économique et financier de la péninsule Arabique depuis une quinzaine d’années, les Émirats sont le premier client de la France parmi les pays du Proche et Moyen-Orient (35% des exportations françaises vers la région en 2021) et son deuxième fournisseur (17% des importations françaises), derrière l’Arabie saoudite. Le commerce bilatéral (exportations et importations) s'élevait à 5,6 milliards d'euros, après 4,8 milliards d'euros en 2019 (+ 8% ) et 3,9 milliards d'euros en 2020. Les exportations françaises sont tirées notamment par l’aéronautique (25% avec près d’un milliard d’euros de commandes) et les produits de luxe, parfums et cosmétiques, en passant par les équipements de communication et les produits pharmaceutiques (la France est le cinquième fournisseur de produits pharmaceutiques aux Émirats). Quant aux importations françaises, elles se concentrent sur les produits pétroliers. 

La France a la cote dans la région: elle a signé l’an dernier de gros contrats stratégiques avec les EAU dans le secteur de la défense pour un montant de 19 milliards de dollars (1 dollar = 0,99 euro). Au Qatar, TotalEnergies a été récemment sélectionné pour s'associer à QatarEnergy sur le champ gazier Giant North Field East. 

Bilan et nouveau plan d'action  

Malgré tout, Paris se place seulement troisième parmi les partenaires européens, en parts de marché, dépassé par Berlin et Londres. «Il y a encore de la place pour de l’amélioration. il s’agit simplement d’être meilleur que les autres», lance Axel Baroux. «La France est perçue comme un pays d’ingénieurs. Je souhaite que l’on soit perçu aussi comme une nation de commerçants dorénavant.» 

Pour aider à l'expansion des entreprises françaises dans la région, le nouveau délégué mettra en place un plan d’action avec comme point fort l’accompagnement individuel des entreprises dans la durée. «Nous allons continuer notre travail sur les plus grands salons à Dubaï, mais il ne s’agit pas uniquement d’assurer la présence de l’entreprise à un ou plusieurs salons. Il faut suivre son évolution sur la durée et sur l’ensemble des marchés de la région», explique-t-il. «L’Expo 2020 a été cruciale pour façonner une nouvelle dynamique. Nous avons soutenu plus de 400 entreprises françaises à travers différents événements sur le pavillon France et avons connecté plus de 1600 acteurs économiques lors de nos sessions de networking», ajoute M. Baroux. 

Dans l’élan, «nous allons organiser également un forum régional d’affaires afin de développer de nouveaux business entre acteurs régionaux et entreprises françaises». Le forum se tiendra l’année prochaine à Paris, sous le haut patronage du président de la République, et aura lieu au ministère de l’Économie et des Finances, avec le soutien du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. 

Enfin, Business France souhaite développer ses plateformes d’e-commerce: des vitrines dans les domaines de la cosmétique ou de l’agroalimentaire pour mieux connecter les acheteurs de la région avec les acteurs français. 

La présence française double en dix ans 

Historiquement très liée à la région, la France est un important investisseur: le stock d'investissements directs étrangers (IDE) français aux EAU s’établissait à 2,5 milliards d’euros en 2020. Selon les dernières données locales, Paris était le 3e investisseur étranger dans l’émirat d’Abu Dhabi en 2016, avec 7,7% du stock d’IDE, tandis qu’à Dubaï, il se plaçait au 5e rang en 2018 (chiffres gouvernement français). En Arabie saoudite, le stock d’investissements directs français est estimé à quelques 3 milliards de dollars. Cela représente 25% des IDE français au Moyen-Orient (Qatar: 1%, EAU: 21%) 

Le nombre d’entreprises françaises a plus que doublé en dix ans aux EAU, passant de 250 en 2009 à près de 600 aujourd’hui, représentant plus de 30 000 emplois directs. Elles sont près de 150 en Arabie saoudite et plus de 200 au Qatar. Plusieurs grands groupes (Total, EDF, Thales, Safran, Alstom, Airbus, Engie, mais aussi Sanofi, Ipsen, Servier, Air Liquide et Hygienair…), entreprises de taille intermédiaire (ETI), et petites et moyennes entreprises (PME) ont établi leurs quartiers régionaux à Dubaï, notamment dans les zones franches, profitant du positionnement central du pays pour atteindre aussi les marchés africains ou asiatiques. Les Français sont présents dans tous les principaux secteurs de l’économie régionale: aéronautique et espace civil et militaire, produits de luxe, énergie, développement durable, transport urbain, banque et assurance, hôtels, commerce de détail et industrie, etc. «Avec quelques success stories, comme celle de l’agence créative Studio BK – qui fait partie de BK international Group –, en charge du marketing pour de grandes entreprises comme Emaar ou Dubai Holding et productrice du contenu du dôme Al Wasl à l’Expo 2020 de Dubaï par exemple, ou encore celle de la société de technologie quantique Pasqal qui s’est associée à Saudi Aramco pour développer des applications d'informatique quantique pour le secteur de l'énergie», ajoute Axel Baroux. D'autres événements de jumelage d'entreprises sont également en train de voir le jour dans le secteur de la construction, de l'industrie et de la mobilité. 

Les entreprises françaises innovantes sont aussi reconnues dans le monde entier pour leur expertise dans CyberSec, FinTech, IA. 

«Les startups françaises sont en plein essor. L'année dernière, elles ont levé globalement 11,7 milliards d'euros (+ 115% par rapport à l'année précédente). Dans les six premiers mois du 2022, elles ont levé 8,4 milliards d’euros dans le monde. En plus des fonds souverains, on constate aussi un intérêt croissant de la part des capitaux privés de la région dans nos start-up. Nous travaillons sur certains projets avec des entreprises privées, par exemple dans le secteur de recherche et développement (R&D)», déclare Raffaella Silvetti, directrice du département Invest in France chez Business France. 

Car au-delà de l’accompagnent des entreprises à l’international, la mission de Business France consiste aussi à attirer les investisseurs vers l’hexagone. «Pour la troisième année consécutive, la France est devenue le pays le plus attractif au niveau européen pour les investisseurs étrangers, devant le Royaume-Uni et l'Allemagne, selon l'étude d'attractivité européenne du cabinet de conseil indépendant Ernst & Young (EY)», ajoute Raffaella Silvetti. La France redevient également le leader européen pour les projets industriels ainsi que pour les décisions d'investissement en R&D, toujours selon la même étude. 

Les EAU sont déjà l'un des plus grands investisseurs étrangers du Moyen-Orient en France à travers notamment des fonds souverains. Ces investissements devraient croître à la suite de la signature de partenariats d'investissement avec Mubadala et avec l'ADQ à l'occasion de la visite du président Macron aux EAU en décembre 2021. 

L’agenda à venir 

Après avoir réuni une soixantaine d’entreprises au salon tech Gitex de Dubaï en octobre, Business France participera au rendez-vous annuel mondial des professionnels de l’énergie ADIPEC a Abu Dhabi, avec une délégation de 37 entreprises françaises spécialisées dans les technologies du pétrole, du nucléaire, ou encore des énergies renouvelables.

Les 22 et 23 novembre, dans le cadre du dialogue stratégique avec les EAU, Business France, CCI France-UAE, Borouge et Adnoc organiseront la 6e édition des «jours d’énergie» à Abu Dhabi et Al-Ruwais.

Le secteur français de la construction sera présent, lui aussi, en décembre prochain au Big 5 Show de Dubaï. Plus d’une centaine d’entreprises françaises se rendront au Beauty World Middle East (31 octobre-2 novembre 2022).

La France est le premier partenaire commercial des EAU pour les produits cosmétiques, avec une part de marché estimée à 20% en 2021. Elle est le leader de la parfumerie avec 36% de part de marché.

À travers le label français de la santé, Business France souhaite réunir plus de 80 PME françaises à Arab Health.

Dans le domaine agro-alimentaire, plus de 50 fabricants d'équipements et d'ingrédients seront présents à Gulfood Manufacturing en novembre prochain. 


En Nouvelle-Calédonie, situation «plus calme» mais vie quotidienne difficile

Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
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  • Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation
  • Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel

NOUMÉA, France : La vie quotidienne des Néo-Calédoniens devient de plus en plus difficile samedi, malgré une situation «plus calme» sur la majeure partie de l'archipel français du Pacifique Sud, au sixième jour des émeutes causées par une réforme électorale qui a provoqué la colère des indépendantistes.

Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation.

Mais pour les habitants, les dégâts de plus en plus étendus compliquent le ravitaillement dans les commerces, ainsi que le fonctionnement des services publics, notamment de santé.

Le danger subsiste par ailleurs dans les quartiers où les émeutiers sont les plus nombreux et les mieux organisés.

Dans l'un d'eux, la Vallée du Tir à Nouméa, un motard s'est tué vendredi en fin d'après-midi dans un accident de la route en heurtant une épave de voiture, selon le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a appelé lors d'une conférence de presse à cesser barrages et barricades.

«On est en train de s'entretuer et on ne peut pas continuer comme ça», a déclaré Vaimu'a Muliava, membre du gouvernement chargé de la fonction publique.

«Des gens meurent déjà non pas à cause des conflits armés, mais parce qu'ils n'ont pas accès aux soins, pas accès à l'alimentation», a-t-il ajouté.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a aussi recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel.

Les autorités françaises espèrent que l'état d'urgence en vigueur depuis jeudi va continuer à faire reculer les violences, qui ont débuté lundi après une mobilisation contre une réforme électorale contestée par les représentants du peuple autochtone kanak.

Depuis, la crise qui frappe ce territoire colonisé par la France au XIXe siècle a fait cinq morts, dont deux gendarmes et trois civils kanaks, et des centaines de blessés au cours de violentes nuit d'émeutes. En réponse, le gouvernement a envoyé des renforts policiers, interdit TikTok - réseau social prisé des émeutiers -, et déployé des militaires.

- Strict minimum -

Devant les rares magasins de Nouméa qui n'ont pas été ravagés par les flammes ou pillés, les files d'attente restaient très longues samedi.

«Cela fait plus de trois heures qu'on est là», soupirait Kenzo, 17 ans, en quête de riz et de pâtes.

Selon la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, les violences ont «anéanti» 80% à 90% de la chaîne de distribution commerciale de la ville.

Le représentant de l'Etat français en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a promis la mobilisation de l'Etat pour «organiser l'acheminement des produits de première nécessité» et un «pont aérien» entre la métropole et son archipel, séparés de plus de 16.000 km.

De son côté, un responsable de l'hôpital de Nouméa, Thierry de Greslan, s'est alarmé de la dégradation de la situation sanitaire. «Trois ou quatre personnes seraient décédées hier (jeudi) par manque d'accessibilité aux soins», en raison notamment de barrages érigés dans la ville, a-t-il avancé sur la radio France Info.

Face à la «gravité» de la situation et afin «de répondre aux besoins sanitaires de la population», l'Etablissement français du sang (EFS) a annoncé vendredi l'envoi de produits sanguins.

- «Grande fermeté» -

A Paris, le ministre de la Justice a demandé au parquet «la plus grande fermeté à l'encontre des auteurs des exactions». Eric Dupond-Moretti a aussi indiqué qu'il envisageait de transférer les «criminels» arrêtés sur le «Caillou» en métropole «pour ne pas qu'il y ait de contaminations (...) des esprits les plus fragiles».

Parallèlement, la justice française a ouvert une enquête sur «les commanditaires» des émeutes, ciblant notamment le collectif CCAT (Cellule de coordination des action de terrain), frange la plus radicale des indépendantistes, déjà mis en cause par le gouvernement.

«J'ai décidé d'ouvrir une enquête visant notamment des faits susceptibles de concerner des commanditaires», parmi lesquels «certains membres de la CCAT», a déclaré le procureur Yves Dupas, pointant «ceux qui ont instrumentalisé certains jeunes dans une spirale de radicalisation violente». Au total, depuis dimanche, 163 personnes ont été placées en garde à vue, dont 26 ont été déférées devant la justice, selon le parquet.

Jeudi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait qualifié la CCAT d'organisation «mafieuse».

Vendredi, ce collectif a demandé «un temps d'apaisement pour enrayer l'escalade de la violence». Sur la radio RFI, un de ses membres, Rock Haocas, a assuré que son organisation «n'a pas appelé à la violence», attribuant ces émeutes à une «population majoritairement kanak marginalisée».

Sur le front politique, après l'annulation d'une visioconférence avec tous les élus calédoniens jeudi, le président français Emmanuel Macron a commencé vendredi à avoir des échanges avec certains d'entre eux mais son service de communication a refusé d'en dire plus.

Présentée par son gouvernement, la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales sur l'archipel. Les partisans de l'indépendance estiment que cette modification risque de réduire leur poids électoral.

Paris a par ailleurs détaillé ses accusations portées contre l'Azerbaïdjan «d'ingérences» en Nouvelle-Calédonie, archipel stratégique pour la France qui veut renforcer son influence en Asie Pacifique et de part ses riches ressources en nickel.

Paris a évoqué une «propagation massive et coordonnée» de contenus relayés par des comptes liés à Bakou et accusant la police française de tirer sur des manifestants indépendantistes.

 

 


Rouen: un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
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  • Selon une source proche du dossier, l'homme était armé «d'un couteau et d'une barre de fer»
  • «Il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé», a précisé le procureur

ROUEN: Des policiers ont abattu vendredi matin un homme armé notamment d'un couteau qui tentait de mettre le feu à une synagogue à Rouen et les menaçait, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Vers 6h45, les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", située rue des Bons enfants dans le centre historique de Rouen, a détaillé une source policière à l'AFP.

"Un individu a mis le feu à la synagogue de Rouen. Il aurait pris à partie les policiers et les pompiers", a pour sa part indiqué à l'AFP le procureur de Rouen, Frédéric Teillet.

Selon une source proche du dossier, l'homme était armé "d'un couteau et d'une barre de fer".

"Ensuite, il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé", a précisé le procureur.

Une première enquête a été ouverte pour "incendie volontaire" visant un lieu de culte, "violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique confiée à la DGPN, a fait savoir le parquet.

Un autre enquête a été ouverte sur les circonstances du décès de l'individu armé pour "violences volontaires avec armes ayant entrainé la mort sans intention de la donner", confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", a écrit M. Darmanin sur X.

L'homme abattu par les forces de l'ordre n'a pas été immédiatement identifié, a-t-on précisé de source policière.

Sollicité par l'AFP, le Parquet national antiterroriste indique être en train d'évaluer s'il se saisit du dossier.

De nombreux pompiers et policiers étaient déployés sur place vendredi matin, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Sous le choc»

Selon le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, les pompiers maîtrisaient vendredi matin le départ de feu et il n'y aurait "pas d'autres victimes que l'individu armé".

"A travers cette agression et cette tentative d'incendie de la synagogue de Rouen, ce n'est pas seulement la communauté israélite qui est touchée. C'est toute la ville de Rouen qui est meurtrie et sous le choc", a réagi  le maire sur X.

"Tenter de brûler une synagogue, c'est vouloir intimider tous les Juifs. Une nouvelle fois, on veut faire peser un climat de terreur sur les Juifs de notre pays. Combattre l'antisémitisme, c'est défendre la République", a affirmé sur X le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi.

Gérald Darmanin avait demandé le 14 avril dernier aux préfets de renforcer la sécurité devant les lieux de culte juifs ainsi que devant les écoles confessionnelles, au lendemain de l'attaque menée par l'Iran contre Israël.

Les opérations militaires lancées par l'Etat hébreu contre la bande de Gaza, qui ont causé la mort de plus de 35.000 personnes, en représailles à l'attaque des combattants du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier ont provoqué une forte hausse des actes d'antisémitisme en France.

Début mai, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé que "366 faits antisémites" avaient été enregistrés au premier trimestre 2024, soit "une hausse de 300% par rapport aux trois premiers mois de l'année 2023".

Face à cette hausse, "pas un acte ne doit rester impuni, pas un antisémite ne doit avoir l'âme tranquille", avait affirmé le chef du gouvernement en promettant de "faire preuve d'une fermeté exemplaire à chaque acte".


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.