BRUXELLES: Normes renforcées de qualité de l'eau et de l'air, indemnisation des victimes de la pollution atmosphérique, traitement des eaux usées à la charge des industriels: Bruxelles a détaillé mercredi son plan "Zéro pollution" pour 2050.
La feuille de route est ambitieuse, mais les ONG environnementales sont dubitatives sur son application réelle par les Etats.
"Plus nous attendons pour réduire cette pollution, plus les coûts pour la société seront élevés", a martelé le vice-président de la Commission chargé du "Pacte vert" de l'UE, Frans Timmermans.
La Commission européenne s'était fixée en mai 2021 des objectifs de réduction de la pollution de l'air, de l'eau et des sols d'ici la fin de la décennie, avec l'ambition d'atteindre en 2050 des niveaux qui ne soient "plus nocifs pour la santé humaine et les écosystèmes naturels".
Elle dévoile désormais ses propositions pour y parvenir: celles-ci seront négociées entre le Parlement européen et les Etats membres, dont certains sont très hostiles à tout durcissement réglementaire.
Le plan vise notamment à réduire de 75% d'ici 2030 le nombre de décès prématurés (actuellement 300 000 par an dans l'UE) causés par la pollution atmosphérique due aux particules de 2,5 microns (PM 2,5), principal polluant et le plus dangereux car pénétrant profondément dans les poumons.
La Commission propose d'abaisser la valeur limite annuelle pour ces particules fines à 10 microgrammes/m3 en 2030, contre 25 aujourd'hui -- et, plus généralement, d'aligner "plus étroitement" ses normes de qualité de l'air sur les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
ONG et eurodéputés écologistes réclament, eux, un "plein alignement" sur l'OMS, dont la recommandation est de 5 microgrammes/m3 pour les particules PM 2.5.
"On a fixé des standards pour 2030 tenant compte de la faisabilité technique et des facteurs sociaux-économiques (...) Des révisions auront lieu, et ce dès 2028, ce qui permettra de s'aligner pleinement sur l'OMS dès que les technologies et politiques publiques le permettront", argumente le commissaire à l'Environnement Virginijus Sinkevicius.
Actions en justice
Par ailleurs, le texte "garantira aux personnes dont la santé est affectée le droit d'être indemnisées en cas de violation des règles européennes de qualité de l'air". Elles pourront notamment être représentées par des ONG dans le cadre d'"actions collectives" pour réclamer réparation en justice.
Les procédures permettant aux autorités locales et régionales de sanctionner les entreprises polluantes seront "assouplies".
Et si les Etats restent libres de décider des mesures spécifiques pour atteindre les normes de qualité de l'air, Bruxelles propose un système renforcé de surveillance, avec des "sanctions efficaces" en cas de manquements.
"Il est encourageant de voir de nouvelles règles sur l'accès à la justice (...) Mais la proposition comporte des échappatoires qui permettent aux Etats de s'en tirer avec des violations flagrantes des règles", observe Ugo Taddei, de l'ONG juridique ClientEarth.
Il redoute une "promesse vide" si les infractions ne sont pas rapidement suivies de sanctions financières: "L'absence de mécanisme pour garantir sa mise en oeuvre pourrait saper les ambitions du texte".
"La révision propose une surveillance superficielle des particules ultrafines, du carbone et de l'ammoniac, aucun alignement sur la science, et aucun outil garantissant que les États soient tenus responsables", abonde Margherita Tolotto, du European Environment Bureau (EEB).
La Commission vise par ailleurs "un traitement plus efficace et plus rentable des eaux urbaines résiduaires", en imposant la récupération les "nutriments" (azote, phosphate, composants chimiques...) et en étendant l'obligation de traitement des eaux aux petites communes de 1.000 habitants (contre 2.000 habitants actuellement).
"Étant donné que 92% des micropolluants toxiques trouvés dans les eaux usées proviennent de produits pharmaceutiques et cosmétiques, un nouveau système de responsabilité élargie exigera que les industriels les produisant paient le coût de leur élimination", souligne l'exécutif européen.
"Cela les incitera à exclure les substances toxiques de leurs produits pour s'assurer qu'ils n'auront rien à payer", a souligné M. Sinkevicius.
Enfin, Bruxelles veut ajouter aux listes de polluants de l'eau à "contrôler plus strictement", via des seuils contraignants, 25 substances "problématiques" pour la nature et la santé humaine.
Parmi ces dernières, on trouve le bisphénol A, les PFAS (groupe de composants polluants persistants, présents dans les ustensiles de cuisine, vêtements et meubles) et plusieurs pesticides, dont le glyphosate, mais aussi certains antiobiotiques.