Ukraine: le ministre russe de la Défense s'entretient avec Paris, Ankara et Londres

Un soldat ukrainien tient son fusil d'assaut dans la ville de Bakhmut, dans la région de Donbas, dans l'est de l'Ukraine, le 23 octobre 2022, dans le cadre de l'invasion militaire de la Russie en Ukraine. (AFP).
Un soldat ukrainien tient son fusil d'assaut dans la ville de Bakhmut, dans la région de Donbas, dans l'est de l'Ukraine, le 23 octobre 2022, dans le cadre de l'invasion militaire de la Russie en Ukraine. (AFP).
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Publié le Dimanche 23 octobre 2022

Ukraine: le ministre russe de la Défense s'entretient avec Paris, Ankara et Londres

  • Il s'agit d'échanges d'une intensité inédite en un seul jour pour le ministre russe de la Défense depuis le début de l'offensive russe en Ukraine fin février
  • Lors de la conversation avec M. Lecornu, le ministre russe a dénoncé la situation en Ukraine "qui a une tendance à une escalade incontrôlable", selon le communiqué de l'armée russe

MOSCOU : Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, s'est entretenu dimanche au téléphone avec le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, et ses homologues turc, Hulusi Akar, et britannique Ben Wallace pour discuter du conflit en Ukraine, a annoncé l'armée russe.

Il s'agit d'échanges d'une intensité inédite en un seul jour pour le ministre russe de la Défense depuis le début de l'offensive russe en Ukraine fin février.

Lors de la conversation avec M. Lecornu, le ministre russe a dénoncé la situation en Ukraine "qui a une tendance à une escalade incontrôlable", selon le communiqué de l'armée russe.

Il lui a également fait part, comme à M. Akar et à M. Wallace, de "ses préoccupations liées à d'éventuelles provocations de la part de l'Ukraine avec recours à une 'bombe sale' ", a ajouté la même source.

Le ministère français des Armées a confirmé pour sa part dans un communiqué qu'avait été évoquée la crainte russe d'une "frappe de bombe sale par les Ukrainiens sur leur territoire, pour en faire porter la responsabilité à la Russie".

Sébastien Lecornu a rappelé que "la France (refusait) toute forme d'escalade, singulièrement nucléaire", soulignant aussi sa détermination "à contribuer à une résolution pacifique du conflit, aux côtés de ses alliés".

Vendredi, Sergueï Choïgou s'était déjà entretenu au téléphone avec son homologue américain, Lloyd Austin, pour leur deuxième conversation depuis le début du conflit en Ukraine. La situation en Ukraine figurait parmi les sujets abordés, selon Moscou et Washington.

Ces discussions interviennent alors que la Russie fait face à une vaste contre-offensive ukrainienne et dénonce une "augmentation considérable" des tirs ukrainiens sur plusieurs régions russes frontalières.

En Ukraine, la vie près du front continue sous terre

A Kryvyï Rig dans le Sud de l'Ukraine, le front est tout proche mais les enfants peuvent quand même participer à une compétition d'arts martiaux, dans un abri anti-nucléaire.

Filles et garçons défilent en tenue blanche pour les finales de la compétition municipale annuelle, dans ce bunker construit à grands frais dans les années 1960 pour parer toute éventuelle attaque nucléaire pendant la Guerre froide.

Ils s'affrontent ensuite sur des tapis carrés, sous l'oeil de leurs parents à la mine épuisée, écroulés sur des bancs ou appuyés contre les murs.

Un commentateur enthousiaste détaille chaque combat. Les échos du haut-parleur résonnent bien au-dessus du niveau de la terre.

"Psychologiquement, c'est important pour les enfants de voir que les adultes ne les ont pas oubliés", observe Anatoli Volochine, l'entraîneur national. Il crie pour couvrir le bruit ambiant.

"Ils n'ont pas été à l'école depuis des mois. Ils ont besoin de sentir qu'ils comptent à nouveau", ajoute-t-il.

Anatoli Volochine officie comme maître de cérémonie en l'absence du maire-adjoint, Serguiï Milioutine, coincé à son bureau pour surveiller les coupures de courant qui affectent sa ville.

«Sang-froid»

Après huit mois de guerre, le maire-adjoint, un homme robuste et enjoué âgé de 45 ans et ingénieur de formation, a pris l'habitude d'être constamment sur son téléphone. Les dernières nouvelles du front ajoutent à sa bonne humeur coutumière.

Les forces russes ont été repoussées à environ une heure de route des faubourgs de Kryvyï Rig, ville industrielle et russophone dont le président Volodymyr Zelensky et son épouse sont originaires.

La contre-offensive ukrainienne a obligé les autorités d'occupation russe à commencer l'évacuation de Kherson, capitale régionale voisine prise début mars.

Mais à l'approche des rudes mois d'hiver, les forces russes ont frappé le réseau d'électricité du pays.

Le maire-adjoint se veut philosophe en mâchant son sandwich tout en cherchant sur son téléphone quels districts de sa ville ont besoin d'aide d'urgence.

"Bien sûr, je suis fatigué physiquement", concède-t-il. "Mais j'ai atteint le point où je survis juste en poursuivant ma route. Il faut garder son sang-froid et économiser son énergie. Personne ne sait combien de temps cela va durer".

Kryvyï Rig, à l'instar d'autres villes industrielles en Ukraine, essaie de trouver une sorte d'équilibre entre le désespoir et la joie.

L'approche de chaque missile ou --de plus en plus souvent-- d'un drone suicide est annoncée par les hurlements déchirants des sirènes. Jour et nuit.

L'annonce de chaque missile abattu est célébrée sur les réseaux sociaux dans ce pays qui semble avoir transféré en ligne une bonne partie de sa vie quotidienne.

Certains quartiers dans les villes principales sont complètement ruinés ou totalement dépourvus d'éclairage et de courant.

D'autres en revanche sont remplis de gens faisant leurs courses ou de couples souriants avec des poussettes ou promenant leur chien sans se préoccuper le moins du monde des alertes aériennes.

«Ne relâchez pas l'attention»

Le maire-adjoint ne sait trop comment faire pour que ses administrés prennent les sirènes autant au sérieux qu'aux premiers jours de la guerre.

"Nous passons notre temps à rappeler aux gens +s'il vous plaît, s'il vous plaît ne relâchez pas l'attention", insiste-t-il, la voix soudainement grave.

Les écoles et les cinémas sont fermés en Ukraine à cause des menaces de bombardement.

Pour redonner un semblant de normalité à la vie des habitants, Kryvyï Rig a transformé son abri anti-nucléaire, comme d'autres constructions souterraines semblables, en salle de spectacles et de rencontres sportives.

Il accueille des concerts de musique pop aussi bien que des shows de l'équipe de Kvartal 95, la société de production dont M. Zelensky était co-propriétaire et la vedette clé jusqu'à son élection à la tête de l'Etat en avril 2019.

Des centaines de personnes s'y pressent le week-end, malgré la guerre qui fait rage à leurs portes.

Il a fallu quelques mois, explique M. Milioutine, pour que chacun réalise qu'il était possible de renouer avec un semblant de vie normale grâce à ces bunkers oubliés qui parsèment le pays depuis l'époque soviétique.

"Tout le monde est très joyeux là en dessous", assure l'entraîneur Anatoli Volochine. "C'est comme s'il n'y avait pas de guerre".


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »