DUBAÏ : Face aux effets aggravants des variations météorologiques éventuellement liées au changement climatique, de nombreux pays se sont fixé des objectifs. Ces derniers réduiraient à zéro leur émission de carbone d’ici 2050, dans l’espoir d’éviter que la Terre se réchauffe de 1,5 degrés Celsius au-dessus des niveaux préindustriels.
L’Arabie Saoudite, le Koweït, Bahreïn, le Qatar, les Emirats arabes unis et Oman – les six pays membres du Conseil de coopération du Golfe – abritent près du tiers des réserves mondiales de pétrole et environ un cinquième des réserves de gaz naturel.
Dans le cadre d’une stratégie d’atténuation efficace du changement climatique, les États du CCG se considèrent comme les pionniers de l’économie hydrogène en dévoilant des plans ambitieux qui pourraient approvisionner l’Europe et la région Asie-Pacifique en carburant à faible émission et respectueux de l’environnement.
Les Émirats arabes unis et l’Arabie Saoudite se sont engagés à réduire à zéro leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 et 2060, respectivement. Bahreïn s’est engagé à atteindre ce même objectif d’ici 2060.
Cette réduction à zéro signifie que toutes les émissions de gaz à effet de serre produites sont contrebalancées par le nombre égal d’émissions retirées de l’atmosphère.
Afin d’atteindre cet objectif important, une décarbonation rapide est nécessaire. En tant que nouveau vecteur énergétique, l’hydrogène peut jouer un rôle-clé dans la réussite de la décarbonisation des secteurs les plus compliqués, comme le transport maritime, l’aviation, la sidérurgie et la chimie.
Partiellement remplacer les combustibles fossiles par de l’hydrogène serait un grand pas vers la réalisation des objectifs de réduction des émissions de gaz à l’effet de serre fixés dans l’Accord de Paris, un traité international adopté en 2015 qui évoque l’atténuation ainsi que le financement et l’adaptation au changement climatique.
L’Agence internationale pour les énergies renouvelables a prévu dans un rapport publié en janvier que l’hydrogène pourrait couvrir 12% de la consommation mondiale d’énergie d’ici 2050 et que 30% de l’hydrogène pourraient être commercialisés à l’échelle internationale dans le même délai. Par conséquent, malgré les prix élevés du pétrole et les prix-records de l’essence aujourd’hui, les actifs fossiles pourraient être dévalués d’ici le milieu du siècle.
Tournés vers l’avenir, les pays du Golfe explorent les moyens de diversifier leurs économies et de se décarboner en produisant l’hydrogène à partir de leurs propres réserves combustibles fossiles, à partir desquels est d’ailleurs produit le captage du carbone ou l’hydrogène bleu.
Parmi ces pays, l’Arabie Saoudite envisage de s’étendre au-delà de l’hydrogène bleu, vers d’autres formes alternatives encore plus propres, telles que l’hydrogène vert, fabriqué en utilisant des énergies renouvelables pour diviser l’eau.
Le projet NEOM Green Hydrogen, qui sera mis en service en 2026, sera la plus grande usine d’hydrogène vert au monde entièrement alimentée par des énergies renouvelables. Selon le développeur et opérateur énergétique saoudien ACWA Power, le projet aura une capacité de production de 650 tonnes d’hydrogène par jour.
Selon les déclarations du ministre saoudien de l’énergie, le prince Abdel-Aziz ben Salmane lors du Forum économique mondiale de l’année dernière, l’Arabie Saoudite continue de développer son propre programme d’énergie renouvelable conformément aux règlementations de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Elle encouragera par ailleurs la production d’hydrogène rose.
L’hydrogène rose est produit par électrolyse à l’aide de l’énergie nucléaire. Cette année, le prince Abdel-Aziz a signé plusieurs accords d’utilisation des transports publics alimentés par des piles à hydrogène dans tout le Royaume.
Au début du mois dernier, l’IRENA a rejoint 14 entreprises mondiales afin de mettre en place une nouvelle alliance visant à décarboner les industries et à aider les pays à atteindre les objectifs de réduction à zéro, conformément à l’Accord de Paris.
L’alliance pour la décarbonation de l’industrie a été dévoilée lors du Forum d’investissement de l’IRENA sur les transitions énergétiques à Bali, en Indonésie, le 1er septembre.
Le directeur général de l’IRENA, Fransesco La Camera, s’est exprimé lors de l’évènement : « L’action climatique a besoin des leaders de l’industrie ».
« Cette alliance représente l’engagement croissant de l’industrie mondiale à agir sur la décarbonation et à débloquer les opportunités qui découlent de l’industrialisation verte grâce aux énergies renouvelables et à d’autres technologies liées à la transition, comme l’hydrogène vert ».
Il a ajouté : « En nous unissant, nous envoyons un message clair de solidarité avant la COP27 (Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques) et nous invitons de nouveaux partenaires à rejoindre notre vision commune.»
La première réunion de l’alliance devrait avoir lieu de la réunion COP27 de cette année, tenue à Sharm el Sheikh en Égypte en novembre. Les membres de l’alliance comprennent Taqa d’Abu Dhabi, l’Italien Enel Green Power, l’Egyptien Taqa Arabia, Eni et Technip Energies.
En bref
- La journée mondiale de l’énergie est célébrée chaque année le 22 octobre afin de sensibiliser à l'utilisation de l’énergie, son abordabilité, sa sécurité et sa durabilité.
- Lancée en octobre 2021, l’initiative Saudi Green a mis en place 60 programmes pour réduire les émissions, planter des arbres de 10 mètres et protéger les habitats.
- L’Arabie Saoudite a également lancé la Middle East Green Initiative, une alliance régionale unique en son genre afin de lutter contre le changement climatique.
- Le Royaume est également impliqué dans la Global Ocean Alliance, visant à protéger au moins 30% des océans d’ici 2030.
Karim Amin, membre du conseil d’administration de Siemens Energy a déclaré en s’adressant au forum de Bali : « Nous devons réduire de toute urgence les émissions de gaz à effet de serre si nous voulons lutter contre le changement climatique ».
« Représentant plus d’un quart des émissions mondiales, le secteur industriel en est le deuxième émetteur et nécessite une décarbonation rapide. Les partenariats sont essentiels à cet égard ».
« Avec nos technologies, chez Siemens Energy, nous cherchons constamment à créer de la valeur avec nos partenaires vers un avenir à faible émission de carbone. Je suis convaincu que l’alliance pour la décarbonation accélèrera cette dernière en installant un forum d’échange pour les partenaires industriels, technologiques et du savoir ».
Lors de la COP26 à Glasgow en 2021, l’IRENA a dévoilé la plateforme de financement de l’accélération de la transition énergétique (ETAF) d’un milliard de dollars afin de soutenir de nouveaux projets d’énergie renouvelable dans les pays en développement. Masdar – Abu Dhabi Future Energy Co. – et le Fonds d’Abu Dhabi pour le développement soutiennent la plateforme.
En juin, l’IRENA a signé des accords avec l’ADFD et Masdar afin de fournir l’investissement de base de 400 millions de dollars à l’ETAF.
La Camera a déclaré à Arab News : « Le défi climatique est universel. Il nécessite une transformation rapide et holistique de notre système énergétique et la décarbonation des processus industriels est une partie importante de ce défi ».
« Cependant, cela présente également une grande opportunité. Il s’agit d’une tâche difficile qui nécessite les plus hauts niveaux de coopération entre les leaders de l’industrie. Dirigée par l’IRENA et le secteur privé, cette alliance jouera un rôle déterminant dans la coordination des efforts et ouvrira la voie à la réduction à zéro ».
Concilier leurs engagements environnementaux ambitieux avec leur dépendance actuelle aux hydrocarbures sera à la fois un défi et un voyage coûteux pour l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis. Pour ces deux pays, le voyage commence par la décarbonation de leur production de pétrole et de gaz afin de réduire leur empreinte-carbone et d’augmenter leur production nationale d’énergie verte.
Cela ne signifie sûrement pas qu’ils cesseront complètement de produire des hydrocarbures. Comme l’a souligné l’expert en énergie du Moyen-Orient, Ruba Husari, dans un article pour l’Institut du Moyen-Orient, bien que la demande de pétrole et de gaz se poursuive au-delà de 2050, « et bien qu’à des niveaux inférieurs à ceux d’aujourd’hui – leur objectif de réduction à zéro n’équivaut pas à zéro pétrole et gaz ». Leur transition sera plutôt différente de celle des autres pays et se déroulera à un autre rythme.
Lors du Youth Green Summit à Riyad en octobre 2021, le prince Abdel-Aziz a annoncé son objectif de devenir le plus grand producteur d'hydrogène au monde.
Durant la même année, Saudi Aramco, la compagnie nationale de pétrole et de gaz naturel a publié son premier rapport de développement durable, détaillant son projet vers la réduction à zéro. Selon le rapport, son ambition était de décarboner ses opérations et d’atteindre « une empreinte nette nulle d’ici 2050 sur l’ensemble de ses actifs exploités en propriété exclusive».
Le rapport a reconnu que ce serait « un énorme défi » d’atteindre des émissions opérationnelles nettes nulles tout en développant ses activités pour répondre à la demande énergétique mondiale.
Aramco a fixé des objectifs préliminaires pour 2035, prévoyant de réduire les émissions de carbone de 10,2 kilogrammes d’équivalent dioxyde de carbone par baril d’équivalent pétrole (CO2e/bep) en 2018 à 8,7 kg de CO2e/bep d’ici 2035, soit une réduction de plus de 15%.
La stratégie d’entreprise d’Aramco est basée sur « sa capacité à produire le pétrole le moins cher et le moins carboné et son intention de travailler avec les clients tout au long de la chaine de valeur afin de proposer des produits qui soutiennent leurs ambitions en matière de carburants à faible émission de carbone ».
Depuis le lancement de Vision 2030 en 2016, l’Arabie Saoudite a pris de mesures importantes afin de renforcer l’action climatique et la protection de l’environnement en s’appuyant davantage sur les énergies propres et en compensant les émissions.
Lancée lors du premier forum de l’initiative verte le 23 octobre 2021, l’initiative verte saoudienne est composée de plus de 60 initiatives, dont la première vague implique des investissements d’une valeur de 700 milliards de SR, (soit 187 milliards de dollars, 1$ = 1,01 euro) afin de contribuer à la croissance d’une « économie verte ».
Dans le cadre de leur stratégie de réduction à zéro, les Émirats arabes unis ont l’intention d’investir 600 milliards de dirhams émiratis (163,37 milliards de dollars) dans des projets portant sur l’énergie propre et renouvelable au cours des trois prochaines décennies.
Le 12 septembre, le Cabinet des Émirats arabes unis a approuvé une version mise à jour de la deuxième contribution nationale déterminée, fixant un objectif plus élevé pour 2030 (de 31%) de réduction des émissions à l’échelle de l’économie, ce qui représenterait une augmentation par rapport aux 23% initialement soumis en 2020.
Des annonces supplémentaires ont été faites sur la contribution sectorielle à cet objectif.
Evita Moawad, consultante internationale en énergie renouvelable et en décarbonation, a déclaré à Arab News : « Les Émirats arabes unis ont été le premier pays du Golfe à s’engager à atteindre la réduction à zéro d’ici 2050 et ont d’ailleurs défini des objectifs intermédiaires pour 2030 ».
« Il est important que les objectifs des Émirats arabes unis et d’autres pays soient conformes à la limite de réchauffement de 1,5 degrés Celsius de l’Accord de Paris. Durant les prochaines étapes, le plan vers la réduction à zéro sera défini pour les différents secteurs et un cadre propice pour avancer vers la décarbonation sera créé.
Elle a ajouté que : « Les Émirats arabes unis ont déjà remporté des succès dans l’approvisionnement en énergie propre ; des efforts sont actuellement nécessaires dans d’autres secteurs comme l’industrie et les transports. De tels efforts ont d’ailleurs commencé. Par exemple, les Émirats arabes unis sont l’un des cinq pays à avoir jusqu’à présent rejoint l’initiative de décarbonation industrielle profonde du ministère de l'Energie propre, active depuis le début de cette année ».
Afin de parvenir à la décarbonation, tous les aspects de l’économie d’un pays doivent changer, y compris la façon dont l’énergie est générée et les biens sont produits et livrés. La Camera a souligné que « cela nécessite une approche dynamique de la transition énergétique, intégrant de nouvelles solutions et technologies au fur et à mesure qu’elles deviennent disponibles ».
Il a d’ailleurs salué la mise à jour récente des Émirats arabes unis de leur NDC, la qualifiant de « belle démonstration du leadership du pays avant la COP28 ».
La session annuelle 2023 de la conférence COP se tiendra vers la fin de l’année à Expo City Dubaï.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com