PARIS : Toujours plus haut: le secteur du luxe a de nouveau affiché des résultats en forte hausse pour le troisième trimestre, mais les regards se tournent déjà sur l'année 2023 où inflation et crise de l'énergie pourraient freiner la progression.
Grâce à une clientèle peu touchée par l'inflation, les géants du luxe comme LVMH, Kering ou Hermès ont affiché des progressions à deux chiffres pour leurs ventes au troisième trimestre, faisant fi des restrictions sanitaires en Chine, un de leur principaux marchés, et de la hausse des coûts.
«La seule chose que je dirais, c'est que le luxe n'est pas un indicateur de l'économie générale», a déclaré le directeur financier de LVMH Jean-Jacques Guiony lors d'une conférence avec des analystes.
«Nous vendons à une clientèle plus sensible aux chocs - de la valeur de l'immobilier, de la Bourse,etc - qu'aux variations du PIB», a-t-il expliqué.
Le numéro un mondial du luxe a réalisé 19,75 milliards d'euros de ventes au troisième trimestre, en hausse de 19% à taux de change comparable.
«Le luxe n'est pas immunisé contre la récession ou les chocs (...) [mais] contrairement à d'autres industries, nous avons la possibilité de reporter sur nos clients l'impact des coûts si l'inflation se matérialise de manière significative dans notre activité, ce qui n'est pas le cas pour l'instant», a-t-il ajouté.
Les marques les plus fortes comme Louis Vuitton ont quand même relevé leurs prix de vente à hauteur de 2,5 fois l'inflation, selon la banque UBS.
Hermès prévoit pour 2023 «une hausse de prix entre 5 et 10% là où nous étions cette année de l'ordre de 4% et les années antérieures de l'ordre de 2%», selon le directeur général finances Éric du Halgouët.
Le sellier-maroquinier «pour l'instant n'a pas de signe de ralentissement sur l'ensemble de (ses) marchés,» selon son directeur finances.
- «Soyons patients» -
«Le ralentissement est devant nous», déclare pourtant à l'AFP Arnaud Cadart, gérant de portefeuille chez Flornoy. Aux Etats-Unis, où l'inflation persiste, poussant le président Joe Biden à évoquer une possible récession, la clientèle américaine «va décélérer très significativement voire passer dans le rouge», estime-t-il, «et la clientèle européenne sera aussi à la baisse». Europe et États-Unis représentent 40% de la consommation mondiale des produits de luxe, estime-t-il.
«Le luxe n'est pas à l'abri de la récession», souligne aussi HSBC qui prévoit «un ralentissement de la croissance au quatrième trimestre de cette année et l'année prochaine».
UBS anticipe également que «l'inflation et la crise du coût de la vie va toucher plus durement les consommateurs et la clientèle des produits de luxe pourrait ne pas être épargnée».
La Chine pourrait cependant «venir à la rescousse» du secteur du luxe avec un rebond des ventes en 2023 après une année 2022 affectée par les confinements, selon les analystes de HSBC.
Ces derniers pensent également que «les marques sont cette fois mieux préparées à la récession» (qu'en 2008-2009) avec notamment «une meilleure connaissance de leurs consommateurs grâce à la forte concentration qu'elles ont eue sur leurs clientèles locales au cours des deux dernières années».
«On a un portefeuille très solide pour envisager l'année prochaine quelle que soit la conjoncture», a déclaré Jean-Marc Duplaix, directeur financier de Kering lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes, «il y a des facteurs qui peuvent peser sur la demande à court ou moyen terme, les perspectives de long terme restent tout à fait solides pour notre industrie, il y a un appétit pour nos produits, nos marques dans toutes les régions».
Même patience et vision à long terme chez le concurrent LVMH.
«Certes le groupe a une bonne taille. A l’échelle mondiale, à l’échelle des États-Unis, c’est encore modeste par rapport aux grandes sociétés cotées, on doit être vingtième, on n’est pas dans les cinq premiers, on peut continuer à progresser», estimait Bernard Arnault récemment sur Radio Classique.
«Soyons patients, rien ne presse», concluait-il.