STRASBOURG: Sous la pression d'Etats membres inquiets à l'orée de l'hiver, la Commission européenne détaille mardi ses propositions pour atténuer la flambée des prix de l'énergie en s'attaquant à la volatilité des cours sur le marché du gaz.
Face aux divisions profondes des Vingt-Sept sur l'idée d'un plafonnement des prix, Bruxelles avance sur le plus petit dénominateur commun: il s'agit de mesures qui "font l'objet d'un consensus maximal", a assuré l'exécutif européen.
Dévoilées à Strasbourg, ces propositions seront examinées jeudi et vendredi par les chefs d'Etat et de gouvernement réunis en sommet à Bruxelles avant leur possible adoption courant novembre.
La Commission présentera d'abord mardi une réforme de l'indice du marché gazier TTF, qui sert de référence aux transactions des opérateurs européens, et dont l'envolée est selon elle alimentée "artificiellement" par la spéculation. L'idée est de le remplacer dans les six mois par un indice alternatif plus représentatif des approvisionnements réels.
D'ici là, Bruxelles préconise "un mécanisme temporaire" pour corriger les prix du gaz. Selon une source européenne, il s'agirait d'un "corridor dynamique" (fourchette flexible au sein de laquelle les prix seraient autorisés à fluctuer) pour encadrer les transactions sur le marché TTF, permettant de tempérer la volatilité et d'éviter toute envolée brutale.
Par ailleurs, Bruxelles veut forcer la main aux Etats pour enfin concrétiser des achats en commun de gaz à l'échelle de l'UE en vue de la prochaine saison de remplissage des stocks, de sorte à obtenir de meilleurs prix auprès de fournisseurs "fiables" (Norvège, Etats-Unis...) et d'éviter que les Vingt-Sept ne se fassent concurrence entre eux.
Les Etats avaient donné leur feu vert en mars à une plateforme d'achats communs, mais aucune transaction n'a été conclue et les pays ont continué à négocier chacun de son côté. La Commission veut désormais impliquer davantage le secteur privé, via un consortium d'entreprises importatrices.
Enfin, la Commission proposera un cadre de solidarité renforcé pour les pays vulnérables au risque de pénurie, ainsi que des outils supplémentaires pour réduire la consommation de gaz: face aux efforts très variables des pays, l'Allemagne et les Pays-Bas réclamaient des "objectifs plus ambitieux et contraignants".
«Hiver décisif»
Dépendant de ses importations d'hydrocarbures, l'économie européenne pâtit durement des coupures de livraisons par la Russie.
Mais l'UE peine à trouver une parade commune, tant les intérêts divergent entre pays misant sur le nucléaire comme la France, ceux comptant sur le charbon comme l'Allemagne, ou ceux liés aux hydrocarbures russes en Europe centrale.
"Les prix sont insensés: nous sommes d'accord sur le diagnostic, mais discutons encore de la thérapie à administrer", résumait mercredi le ministre italien de la Transition écologique Roberto Cingolani.
Dans ce contexte, la Commission ne devrait pas proposer de plafonner le prix du gaz qu'achètent les fournisseurs d'électricité pour leurs centrales thermiques, selon la source européenne déjà citée. Ce dispositif, déjà appliqué au Portugal et en Espagne, permet de faire mécaniquement chuter les prix de l'électricité.
L'idée de l'étendre à toute l'UE est soutenue par la France, qui a entrepris de rallier d'autres Etats. Mais le mécanisme suscite la méfiance de pays comme l'Allemagne et les Pays-Bas, rétifs aux interventions étatiques sur les marchés et inquiets du risque de voir la demande de gaz augmenter sous l'effet d'un appétit accru des fournisseurs d'électricité.
Lors de leur sommet, les Vingt-Sept pourraient cependant s'entendre pour "explorer" cette mesure, selon un projet des conclusions consulté par l'AFP.
En revanche, l'idée d'un plafonnement des prix des importations de gaz, évoquée par la Commission début novembre et réclamée alors par quinze Etats membres dont la France, semble être oubliée. Berlin s'y opposait, redoutant d'aggraver les tensions d'approvisionnement de gaz naturel liquéfié dans un marché mondial tendu.
Réunis à Prague début novembre, les dirigeants européens avaient exprimé leurs inquiétudes face aux conséquences économiques et sociales de l'inflation.
"Si l'on ne trouve pas de solution, cela finira par les gens dans la rue, l'affaiblissement de l'économie, des faillites, et un moindre soutien populaire aux politiques climatiques et à l'aide à l'Ukraine. Cet hiver sera décisif", s'alarmait la semaine dernière le ministre tchèque de l'Industrie Jozef Sikela.