PARIS: Quand le couperet du 49.3 tombera-t-il? L'Assemblée nationale a entamé lundi l'examen du projet de budget 2023, que le gouvernement se prépare à faire adopter sans vote en cas de "blocage", un "passage en force" dénoncé d'avance par les oppositions.
En l'absence de majorité absolue pour les macronistes, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a appelé à "discuter intensément et sereinement cette semaine" afin d'éviter une "bataille rangée" dans l'hémicycle.
Le locataire de Bercy a insisté sur la "protection" des Français face à l'inflation. Il a aussi défendu la poursuite de la "politique de l'offre" par la baisse des "impôts de production" des entreprises, dans un long développement sur les dangers que fait peser la flambée des prix de l'énergie sur l'industrie française.
Dans un hémicycle pas tout à fait rempli, M. Le Maire s'est tourné sans les nommer vers les députés de droite LR, leur suggérant de "rester fidèles à leurs convictions, plutôt que de faire bloc avec la Nupes ou le Rassemblement National". Et il a reproché aux oppositions l'adoption en commission de "plus de 7 milliards d'euros de dépenses supplémentaires".
Avec plus de 3.000 amendements sur ce premier volet du budget dédié aux recettes, son collègue des Comptes publics, Gabriel Attal, a pointé un risque de "blocage": "Nous ne pouvons accepter que le débat s'enlise", a-t-il prévenu.
Le président de la commission des Finances, l'insoumis Eric Coquerel, a demandé "solennellement au gouvernement de ne pas mettre en œuvre le 49.3", cet outil de la Constitution qui permet à l'exécutif de faire passer un texte sans vote, à moins qu'une motion de censure ne soit adoptée.
"Le débat doit avoir lieu", a martelé le député LFI, en dénonçant "la plus grande austérité de la Ve République". La coalition de gauche Nupes appelle à une "marche contre la vie chère" dimanche prochain à Paris.
"Quand est-ce qu'une manifestation a rempli le frigo des Français?", a rétorqué Gabriel Attal.
Dans une ambiance parfois agitée, les députés ont repoussé d'entrée deux motions de rejet déposées par LFI.
Les élus LR s'y sont opposés, pour "aller au bout des débats", selon Véronique Louwagie, qui s'alarme du "dérapage de la dépense publique".
À l'extrême droite, Marine Le Pen a revendiqué une "opposition constructive", tout en reprochant au gouvernement de "subir l'inflation", dans une "atmosphère de fin de règne".
«On avisera»
Avant de s'atteler au projet de loi de finances (PLF) lui-même, l'Assemblée nationale se penche sur la trajectoire budgétaire 2023-2027. Ce texte de programmation a été rejeté la semaine dernière en commission au grand dam du gouvernement, qui redoute des conséquences pour les versements de fonds européens à la France.
Les députés commenceront au mieux mardi à s'attaquer aux amendements du PLF, qui comprend notamment un "bouclier tarifaire" de 45 milliards d'euros face à l'explosion des prix de l'énergie.
Les oppositions ont exclu de soutenir ce budget. Et les "dialogues de Bercy", organisés en septembre par le gouvernement avec des députés de tous bords, n'y ont rien changé.
Le recours à l'article 49.3 de la Constitution semble donc inéluctable. Interrogée sur RTL, la Première ministre Elisabeth Borne a assuré être "dans une posture de dialogue", mais "s'il doit y avoir des blocages (...), on avisera".
Le cap fixé est de contenir le déficit public à 5% du PIB, malgré le "bouclier tarifaire", une augmentation des enseignants ou la création de plus de 10.000 postes de fonctionnaires, dont 3.000 policiers et gendarmes.
«Profiteurs de crise»
L'idée de taxer les "profiteurs de crise" va de nouveau électriser l'hémicycle. La gauche propose une taxe sur les bénéfices exceptionnels des plus grandes entreprises.
Le RN pousse également pour la taxation des "superprofits", mais la majorité écarte l'idée d'un nouvel impôt visant tous les secteurs économiques et renvoie à l'accord européen pour mettre à contribution les énergéticiens.
Le gouvernement porte deux amendements afin de le transcrire en France : le plafonnement des revenus de production de l'électricité et "la création d'une contribution temporaire de solidarité" des entreprises du pétrole, du charbon, du raffinage et du gaz.
A propos des jets privés, de plus en plus décriés, l'exécutif compte soutenir un amendement de la majorité visant à aligner la taxation avantageuse du kérosène de ces avions sur celle des autres carburants.
Et face à la grogne des collectivités, alarmées par l'inflation, Elisabeth Borne a promis vendredi une hausse de leur dotation globale de fonctionnement (DGF), à 320 millions d'euros au lieu des 210 millions annoncés initialement.