CAUSSENS: Quand le rendement des poules pondeuses fléchit, elles sont abattues. Mais, dans le sud-ouest de la France, une association les recueille pour leur offrir une deuxième vie paisible chez des particuliers.
Toute la matinée, les adoptants défilent dans une petite ferme à Caussens, dans le Gers, les bras chargés de caisses où des poules s'installent docilement, prêtes à démarrer leur "retraite" en plein air.
Début octobre, l'association "Champs libres aux poules" a passé la barre des 28 000 poules sauvées de l'abattoir, depuis sa création deux ans et demi plus tôt.
"En plus d'avoir une production vivrière, ce sont de vrais animaux de compagnie, on peut les attraper, elles se laissent faire", sourit Baptiste Dols, 32 ans, une poule dans les bras tandis que l'autre attend patiemment dans un carton percé de trous pour laisser passer l'air.
Ces poules dites "réformées" après leur sortie du circuit industriel à l'âge de 18 mois ne s'arrêtent pas de pondre pour autant: certaines peuvent produire quatre à cinq oeufs par semaine.
"Elles peuvent vivre deux, trois ans sans aucun souci, elles sont dans la force de l'âge!", explique à l'AFP Heidi Carneau, la fondatrice de l'association.
"Notre rôle est de faire l'intermédiaire entre les élevages qui doivent s'en séparer pour des raisons commerciales, et les particuliers qui veulent leur donner une nouvelle vie et les adopter", décrit cette Franco-britannique de 40 ans.
Avec 60 bénévoles dans plusieurs régions du sud de la France, l'association multiplie les sauvetages, à raison de deux ou trois par mois. Lors du week-end le plus chargé, 3.000 poules ont été recueillies dans deux élevages.
"Je trouve que sauver la vie de plusieurs milliers de poules est plus utile que de faire des actions dans les abattoirs", assure Rosalind Buck, la secrétaire de "Champs libres aux poules".
«Chicken Run»
Assise derrière un petit bureau, elle collecte les paiements des adoptants - 4 euros minimum par poule -, qui serviront à financer les caisses permettant de les stocker lors des prochaines opérations ainsi que les soins dont elles pourraient avoir besoin.
"Quand elles ont 18 mois, ce sont 50 millions de poules pondeuses qui partent à l'abattoir, et c'est un crève-coeur pour moi de me dire que si on ne les avait pas récupérées, dans une semaine, elles auraient été électrocutées pour terminer en croquettes pour chien ou chat", se désole Heidi Carneau.
Son association a reçu l'aide de son homologue britannique, le British Hen Welfare Trust, "qui a sauvé 900 000 spécimens en une quinzaine d'années", souligne-t-elle, en se rappelant avoir eu sa première poule alors qu'elle habitait encore dans une chambre étudiante. "Elle pondait sur mon lit", s'amuse-t-elle.
Une passion qui l'a suivie jusqu'à son emménagement en 2019 dans le Gers, à proximité d'un élevage de plusieurs de dizaines de milliers de volailles.
Touchée par leur sort, elle en a sauvé une centaine avant leur départ pour l'abattoir, lançant ainsi cette "aventure" qu'elle compare en riant au film d'animation "Chicken Run".
"On sait qu'on est utile, c'est concret", se satisfait-elle, en contemplant les 173 poules récupérées la veille dans un élevage bio.
Christine Lasbats, 54 ans, en ramène 20 chez elle, à une quarantaine de kilomètres de là. En les chargeant dans le coffre de sa voiture, elle semble être déjà sous le charme.
"Mes filles adorent les attraper, les caresser, elles ne sont pas sauvages! Elles vont apporter de l'amour à la maison et empêcher le gaspillage" en plus de pondre, se réjouit-elle.