Les coutelleries de Jezzine, un artisanat en agonie

La ville de Jezzine est un haut lieu de villégiature au Liban (Photo, fournie).
La ville de Jezzine est un haut lieu de villégiature au Liban (Photo, fournie).
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Publié le Lundi 03 octobre 2022

Les coutelleries de Jezzine, un artisanat en agonie

  • Il existe actuellement une dizaine d’ateliers de coutellerie qui appartiennent principalement à cinq grandes familles de la ville
  • Ce savoir-faire nécessite de la patience, une technique rigoureuse et un don artistique

BEYROUTH: Entourée de forêts de pin, de falaises abruptes et de chutes d’eau impressionnantes, la ville de Jezzine est un haut lieu de villégiature au Liban. Elle est réputée pour ses anciennes demeures, qui rappellent la période glorieuse de cette cité perchée à 950 mètres dans le sud du pays du Cèdre.

Sur place, on trouve les restaurants établis près d’une cascade haute de plus de 40 mètres et célèbres pour leur kebbé; le vieux souk mérite également le détour. La rue principale est parsemée de cafés où les anciens du village viennent jouer aux cartes ou fumer le narguilé. Mais ce sont surtout les boutiques et échoppes des artisans couteliers qui font la particularité de Jezzine.

Le vieux souk mérite également le détour (Photo, fournie).
Avec les crises économiques et financières qui se sont abattues sur le Liban et la crise sanitaire du coronavirus, les touristes – qu’ils soient étrangers ou issus de la diaspora libanaise – ont presque disparu (Photo, fournie).

Il existe actuellement une dizaine d’ateliers de coutellerie qui appartiennent principalement à cinq grandes familles de la ville et perpétuent ainsi une tradition centenaire qui remonte au XVIIIe siècle.

«C’est un artisanat né localement aux alentours de 1770», explique l’un des «derniers Mohicans», Antoine Chahine. «Les habitants étaient essentiellement des agriculteurs qui avaient besoin d’outils, d’où l’émergence de forgerons qui se sont transformés à un certain moment en fabricants d’épées et de poignards, alors que la région était plongée dans des conflits entre féodaux. Avec le temps et l’évolution de la société, ils sont devenus des artisans couteliers», explique-t-il.

Il existe actuellement une dizaine d’ateliers de coutellerie qui appartiennent principalement à cinq grandes familles de la ville (Photo, fournie).
Il existe actuellement une dizaine d’ateliers de coutellerie qui appartiennent principalement à cinq grandes familles de la ville (Photo, fournie).

La particularité de la coutellerie de Jezzine tient au manche de ces outils. La plupart d’entre eux sont façonnés dans la corne de buffle ou de mouton.

«La forme principale usitée depuis les années 1960 est le phénix», l’oiseau légendaire qui meurt et renaît de ses cendres, qui est devenu l’un des symboles du Liban, explique encore le vieil artisan. Ses coutelleries ont été offertes à nombre de chefs d’État et de gouvernement, comme le pape, le président palestinien, Mahmoud Abbas, et divers monarques du Golfe, comme le Koweït et les Émirats arabes unis… Il y a des centaines d’années, les princes du Mont-Liban les avaient offerts aux sultans ottomans. Les touristes se les arrachaient comme des petits pains durant les années 1960.

«Outre le fait que j’aime mon métier, c’est pour moi une grande fierté de perpétuer un artisanat centenaire qui porte haut le nom de Jezzine et celui du Liban», affirme M. Chahine, les larmes aux yeux.

«C’est un artisanat né localement aux alentours de 1770», explique l’un des «derniers Mohicans», Antoine Chahine (Photo, fournie).
«C’est un artisanat né localement aux alentours de 1770», explique l’un des «derniers Mohicans», Antoine Chahine (Photo, fournie).

Il avait à peine 5 ou 6 ans quand il est venu à l’atelier de son père pour jouer ou pour l’observer travailler avant de commencer, peu à peu, à l’aider. Il restait des heures à le regarder tailler, peindre et astiquer ces cornes de buffle, qui devenaient des objets presque vivants. Son premier objet, il l’a réalisé à l’âge de 12 ans. Ce savoir-faire nécessite de la patience, une technique rigoureuse et un don artistique.

Malheureusement, cet artisanat ancestral est désormais à l’agonie, pour plusieurs raisons. D’abord, il ne reste plus que quelques irréductibles artisans pour perpétuer cette tradition centenaire. Antoine Chahine a un frère et une sœur, mais il est le seul à poursuivre ce métier hérité de père en fils. De son côté, ses deux fils ont fait des études de médecine et ils ont quitté le Liban. Il regrette ainsi que, parmi la nouvelle génération, personne ne veuille apprendre ce métier. «À lui seul, ce métier est insuffisant pour faire vivre décemment une famille», admet-il.

En outre, selon lui, les jeunes de Jezzine préfèrent des emplois qui ne nécessitent pas une attention et une patience supérieures à l’ordinaire. Ils se tournent vers les forces de sécurité intérieure ou vers l’armée. M. Chahine a désormais six ouvriers qui travaillent de leur maison, mais, insiste-t-il, ils ont parallèlement un autre gagne-pain.

Malheureusement, cet artisanat ancestral est désormais à l’agonie, pour plusieurs raisons (Photo, fournie).
Malheureusement, cet artisanat ancestral est désormais à l’agonie, pour plusieurs raisons (Photo, fournie).

«Avant 2019, je travaillais tout l’hiver pour vendre durant les deux mois de l’été. Aujourd’hui, avec deux saisons torpillées, notre situation financière est catastrophique», déplore-t-il.

En dehors de la crise actuelle, un autre danger guette cet artisanat centenaire: l’invasion de matériaux de basse qualité et moins chers qui exercent, depuis plusieurs années déjà, une concurrence de plus en plus rude.

À l’origine, tout était fait main, sur place, dans les ateliers. Certains commerçants ont toutefois eu recours à un travail industriel, beaucoup moins cher, pour commander des coutelleries en série. D’autres artisans utilisent un mélange de résine ou de poudre d’os au lieu des cornes d’animaux. «Certains fabriquent des manches en plastique, ce qui a eu des répercussions négatives sur eux, mais aussi sur l’ensemble des artisans», explique M. Chahine.

À l’origine, tout était fait main, sur place, dans les ateliers (Photo, fournie).
À l’origine, tout était fait main, sur place, dans les ateliers (Photo, fournie).

Ce dernier regrette par ailleurs un manque de soutien des ministères concernés. «Ce qui est malheureux, c’est le fait que l’État ne s’intéresse pas du tout à notre sort, alors que notre artisanat fait la fierté du Liban. Il y a quelques années, le gouvernement italien nous a soutenus à travers des projets, des expositions… Ce qui n’est pas le cas des autorités libanaises», indique-t-il.

Avec les crises économiques et financières qui se sont abattues sur le Liban et la crise sanitaire du coronavirus, les touristes – qu’ils soient étrangers ou issus de la diaspora libanaise – ont presque disparu. Pour faire face à ce manque de clients, un phénomène inédit, il a eu la brillante idée de recourir à la vente en ligne, et c’est ce qui lui permet actuellement de garder la tête hors de l’eau. Il espère que, un jour, cet artisanat ancestral pourra se développer de nouveau, tel le phénix qui renaît de ses cendres.


«Effroi» du Festival de Cannes après la mort d'une photojournaliste palestinienne

La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi. L'Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), l'une des sélections parallèles au Festival de Cannes, avait annoncé mardi 15 avril avoir retenu ce film.  "Le lendemain, (Fatima Hassouna) ainsi que plusieurs membres de sa famille, ont été tués par un missile qui a frappé leur habitation", a rappelé le Festival de Cannes dans une déclaration à l'AFP. (AFP)
La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi. L'Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), l'une des sélections parallèles au Festival de Cannes, avait annoncé mardi 15 avril avoir retenu ce film. "Le lendemain, (Fatima Hassouna) ainsi que plusieurs membres de sa famille, ont été tués par un missile qui a frappé leur habitation", a rappelé le Festival de Cannes dans une déclaration à l'AFP. (AFP)
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  • La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi
  • Elle "s'était donné pour mission de témoigner, par son travail, son engagement et malgré les risques liés à la guerre dans l'enclave palestinienne, de la vie quotidienne des habitants de Gaza en 2025

PARIS: Le Festival de Cannes a exprimé mercredi "son effroi et sa profonde tristesse" après la mort d'une photojournaliste palestinienne, protagoniste d'un film qui doit être présenté cette année sur la Croisette et de plusieurs membres de sa famille, tués par un missile à Gaza.

La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi. L'Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), l'une des sélections parallèles au Festival de Cannes, avait annoncé mardi 15 avril avoir retenu ce film.

"Le lendemain, (Fatima Hassouna) ainsi que plusieurs membres de sa famille, ont été tués par un missile qui a frappé leur habitation", a rappelé le Festival de Cannes dans une déclaration à l'AFP.

Elle "s'était donné pour mission de témoigner, par son travail, son engagement et malgré les risques liés à la guerre dans l'enclave palestinienne, de la vie quotidienne des habitants de Gaza en 2025. (Elle) est l'une des trop nombreuses victimes de la violence qui embrase la région depuis des mois".

"Le Festival de Cannes souhaite exprimer son effroi et sa profonde tristesse face à cette tragédie qui a ému et choqué le monde entier. Si un film est bien peu de chose face à un tel drame, (sa projection à l'Acid à Cannes le 15 mai) sera, en plus du message du film lui-même, une manière d'honorer la mémoire (de la jeune femme), victime comme tant d'autres de la guerre", a-t-il ajouté.

La réalisatrice Sepideh Farsi a rendu hommage jeudi dernier à la jeune femme, qui lui racontait, par appels vidéo, la vie à Gaza. "Je demande justice pour Fatem (ou Fatima, NDLR) et tous les Palestiniens innocents qui ont péri", a-t-elle écrit.

Reporters sans Frontières avait dénoncé sa mort, regrettant que son nom "s'ajoute aux près de 200 journalistes tués en 18 mois".

La guerre a été déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, laquelle a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 58 sont toujours retenues à Gaza, dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, 51.266 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis le début de la guerre.


La danse des dauphins, vedette des îles Farasan

L'observation des dauphins renforce l'attrait croissant des îles Farasan pour l'écotourisme. (SPA)
L'observation des dauphins renforce l'attrait croissant des îles Farasan pour l'écotourisme. (SPA)
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  • L'observation de 5 espèces de dauphins met en évidence la biodiversité
  • Il est vital de coexister avec la vie marine, déclare un pêcheur local

RIYADH : L'observation de plus de cinq espèces de dauphins a renforcé la réputation des îles Farasan en tant que lieu de visite incontournable pour les amateurs de nature et d'animaux sauvages, a récemment rapporté l'agence de presse saoudienne.

Parmi les espèces observées, les grands dauphins et les dauphins à long bec volent la vedette. Les dauphins à long bec, connus pour leur nature enjouée, s'approchent souvent des croisières de loisir, ravissant les gens par leur charme.

Le pêcheur saoudien Mohammed Fursani, qui navigue dans ces eaux depuis longtemps, y voit un lien plus profond.


Le pianiste Igor Levit va donner un concert de plus de 16 heures à Londres

L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19. (AFP)
L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19. (AFP)
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  • Le centre Southbank, qui organise le concert, le présente comme "un exploit d'endurance"
  • "Vexations" du compositeur français Erik Satie (1866-1925) est une partition d'une seule page destinée à être jouée 840 fois d'affilée

LONDRES: Le pianiste Igor Levit va donner jeudi et vendredi à Londres un concert unique, prévu pour durer plus de 16 heures, en jouant en solo "Vexations" d'Erik Satie, sous la direction de l'artiste Marina Abramovic, connue pour ses performances radicales.

Le centre Southbank, qui organise le concert, le présente comme "un exploit d'endurance".

"Vexations" du compositeur français Erik Satie (1866-1925) est une partition d'une seule page destinée à être jouée 840 fois d'affilée. Elle se traduit ainsi par une performance durant entre 16 et 20 heures. Habituellement, plusieurs pianistes se succèdent pour jouer ce morceau sans interruption.

L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19.

C'est la première fois qu'il va jouer ce morceau en intégralité en public.

Le public va être "témoin (d'un moment) de silence, d'endurance, d'immobilité et de contemplation, où le temps cesse d'exister", a commenté Marina Abramovic, artiste serbe de 78 ans. "Igor interprète +Vexations+ avec des répétitions infinies, mais une variation constante", a-t-elle ajouté.

Le rôle de Marina Abramovic, connue pour ses performances qui poussent les spectateurs dans leurs retranchements, est de "préparer le public à cette expérience unique".

Erik Satie avait lui écrit à propos du morceau à l'adresse des pianistes: "Pour jouer 840 fois de suite ce motif, il sera bon de se préparer au préalable, et dans le plus grand silence, par des immobilités sérieuses".

Dans une interview au quotidien britannique The Guardian, Igor Levit a encouragé son public à "se laisser aller". "C'est juste un espace vide, alors plongez dedans", a-t-il dit.

Les spectateurs pourront assister au concert soit pour une heure soit dans sa totalité. Il commencera jeudi à 10H00 (09H00 GMT).