BORDEAUX : Créatures de plastique qui prennent vie au gré du vent, les sculptures étonnantes de l'artiste néerlandais Theo Jansen ont quitté leurs Pays-Bas natals pour s'installer dans le sud-ouest de la France à partir de samedi le temps d'une exposition: "Strandbeests, the New Generation".
"On dirait un cheval", "c'est impressionnant". Au coeur d'un vendredi matin ensoleillé, les regards des passants et touristes étrangers se tournent vers un drôle d'animal près des quais de Bordeaux, nichée sur les berges du fleuve Garonne.
Fait de plastique et de voile, Animaris Ordis de son nom en latin, foule le miroir d'eau de la ville reflétant la place de la Bourse. Avec ses pattes articulées qui claquent sur le sol, elle pourrait, il est vrai, faire penser à une carriole tirée par des chevaux.
Pourtant, il n'en est rien. Animaris Ordis fait partie de la famille des "Strandbeests" ou "bêtes de plage", nées dans les années 1990 des mains de Theo Jansen, artiste spécialiste de la sculpture cinétique.
Sur internet, des vidéos visionnées à des millions de reprises montrent ces immenses créatures déambuler sur le sable d'une plage de La Haye aux Pays-Bas, sans électricité ni même aide humaine, à la seule force du vent.
"Je les appelle des animaux. Ils ne mangent pas mais puisent leur énergie de la force du vent", détaille le septuagénaire désireux de créer de "nouvelles formes de vie".
La magie opère grâce à des tubes en plastique utilisés à l'origine pour des installations électriques et uniquement disponibles en Belgique et aux Pays-Bas.
Mais aussi grâce à la poésie de Theo Jansen et à sa maîtrise de disciplines telles que les mathématiques, l'informatique, la robotique et l'aéronautique.
"J'ai d'abord travaillé sur leur fonctionnement, les faire survivre était ma priorité", explique à l'AFP le Néerlandais, qui admet néanmoins: "J'ai été moi-même surpris de la façon dont ces bêtes sont devenues belles".
Squelettes sur le sable
L'aventure débute dans les années 1990 quand Theo Jansen écrit pour un journal une histoire de "squelettes sur le sable, capables de renforcer les dunes et de protéger le pays de la montée du niveau de la mer".
S'ensuivent une cinquantaine de créatures, possédant toutes leur propre nom et classées dans un arbre généalogique composé d'une douzaine de périodes, qui témoignent de leur évolution technique.
Habituées à leur plage de La Haye, treize bêtes --que l'artiste qualifie d'espèces "éteintes"-- sont présentes dans le cadre du Festival international des arts de Bordeaux métropole (1er-16 octobre) puis resteront jusqu'au 1er janvier dans le Jardin de l'Hôtel de ville de Bordeaux et le musée des Beaux-Arts.
Parmi elles, certaines peuvent même être manipulées par le public afin de découvrir leur mécanisme. Une source de motivation pour Theo Jansen qui aime voir "les gens essayer de comprendre mon travail".
Et si les premières oeuvres remontent à plus de trente ans, toutes font écho à une thématique très actuelle: le changement climatique.
"En travaillant sur la plage, je suis en contact avec la nature et cela me procure beaucoup de joie. J'espère que les gens ressentiront cette même joie. Nous en avons besoin pour rester motivés à l'idée de préserver notre planète".