Serait-ce la fin de l’engagement du Japon à la neutralité?

Le diplomate japonais Tatsunori Motoki a été renvoyé de Russie pour espionnage. (AFP)
Le diplomate japonais Tatsunori Motoki a été renvoyé de Russie pour espionnage. (AFP)
Un exercice de «tir réel» chinois dans les eaux contestées de la mer de Chine orientale a provoqué la colère du Japon. (AFP)
Un exercice de «tir réel» chinois dans les eaux contestées de la mer de Chine orientale a provoqué la colère du Japon. (AFP)
Un exercice de «tir réel» chinois dans les eaux contestées de la mer de Chine orientale a provoqué la colère du Japon. (AFP)
Un exercice de «tir réel» chinois dans les eaux contestées de la mer de Chine orientale a provoqué la colère du Japon. (AFP)
Des navires de guerre du Japon, d’Inde, d’Australie et des États-Unis participent à l’exercice naval Malabar dans le golfe du Bengale, au large de l’océan Indien, le 12 octobre 2020. (Marine indienne via l’AFP)
Des navires de guerre du Japon, d’Inde, d’Australie et des États-Unis participent à l’exercice naval Malabar dans le golfe du Bengale, au large de l’océan Indien, le 12 octobre 2020. (Marine indienne via l’AFP)
Cette photo, prise le 24 mars 2022, montre un missile lancé à partir de la Corée du Nord vers la mer du Japon lors d’un exercice de tir réel. (Ministère sud-coréen de la Défense via l’AFP)
Cette photo, prise le 24 mars 2022, montre un missile lancé à partir de la Corée du Nord vers la mer du Japon lors d’un exercice de tir réel. (Ministère sud-coréen de la Défense via l’AFP)
Short Url
Publié le Jeudi 29 septembre 2022

Serait-ce la fin de l’engagement du Japon à la neutralité?

  • Le dernier incident est l’arrestation par la principale agence de sécurité de Russie d’un consul japonais soupçonné d’obtenir illégalement des informations en échange d’argent
  • Le Service fédéral de sécurité de la Russie déclare que le consul japonais avait obtenu des informations non publiques sur les liens de coopération de la Russie avec un pays non identifié d’Asie-Pacifique

DUBAÏ: Alors que, au Japon, le climat de sécurité devient de plus en plus critique, le maintien d’un équilibre de forces favorable se révèle une tâche particulièrement délicate pour Tokyo, qui fait face à des défis sur trois fronts stratégiques majeurs: la Chine, la Corée du Nord et l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Pourtant, en l’espace de deux mois seulement, deux événements ont remis en question la neutralité du Japon et mis en lumière ses vulnérabilités diplomatiques.

Le dernier incident en date est l’arrestation, lundi dernier, d’un consul japonais à Vladivostok, dans l’extrême Est du pays, par la principale agence de sécurité de Russie. L’homme est soupçonné d’avoir obtenu illégalement des informations en échange d’argent.

Le ministère russe des Affaires étrangères a ensuite ordonné au diplomate en question, Tatsunori Motoki, de quitter le pays dans les quarante-huit heures; un haut responsable de l’ambassade du Japon à Moscou aurait été convoqué pour protester contre sa prétendue acquisition abusive d’informations.

PHOTO
Le diplomate japonais Tatsunori Motoki a été renvoyé de Russie pour espionnage. (AFP)

«Un diplomate japonais a été arrêté en flagrant délit alors qu’il recevait des informations classifiées, en échange d’argent, sur la coopération de la Russie avec un autre pays de la région Asie-Pacifique», fait savoir le Service fédéral de sécurité de la Russie dans un communiqué rapporté par les médias russes.

Mardi dernier, un responsable du gouvernement japonais a déclaré que le consul avait été libéré.

Néanmoins, le même jour, Takeo Mori, vice-ministre des affaires étrangères du Japon, a convoqué Mikhail Galuzin, l’ambassadeur de Russie, au bureau du ministère à Tokyo pour déposer une protestation formelle contre la détention du consul japonais.

Par ailleurs, Hayashi Yoshimasa, le ministre des Affaires étrangères japonais, affirme que le fait de détenir et d’interroger un consul constitue une «violation flagrante de la convention de Vienne sur les relations consulaires» et d’un traité consulaire entre le Japon et la Russie.

en bref

40 milliards de dollars (1 dollar = 1,03 euro) est le montant recherché par le ministère japonais de la Défense pour le budget, alors que le pays fait face à ses «défis les plus difficiles» depuis la Seconde Guerre mondiale.

M. Hayashi déclare que cette démarche de la Russie est «totalement inacceptable», soutenant que M. Motoki a été emmené les yeux bandés et retenu avant d’être soumis à un interrogatoire autoritaire.

Il a nié les allégations russes selon lesquelles M. Motoki se serait livré à des activités illégales.

Le Service fédéral de sécurité de la Russie affirme que le consul japonais a obtenu des informations non publiques au sujet des liens de coopération de la Russie avec un pays non identifié d’Asie-Pacifique et des effets des sanctions occidentales sur la situation économique dans l’extrême orient russe en échange d’argent.

L’agence russe a également publié des images, prises en secret, d’une personne – qui semble être le consul – que l’on voit dans un restaurant en train de recevoir des documents.

La Russie a récemment désigné le Japon comme un pays hostile, en réponse à la coopération de Tokyo avec les États-Unis et les pays européens pour imposer des sanctions à Moscou après son invasion de l’Ukraine.

PHOTO
Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz (à gauche), et le ministre japonais de la Défense, Yasukazu Hamada (à droite), signent un protocole d’entente sur les échanges en matière de défense entre le Japon et Israël, à Tokyo, le 30 août 2022. (AFP)

Le premier événement diplomatique qui a remis en question la neutralité du Japon est sa décision, en août dernier, de signer un accord de défense avec Israël.

Cet accord faisait partie d’un effort qui visait à renforcer la coopération en matière de défense entre les deux pays, en particulier dans le domaine du matériel et de la technologie militaires. Mais il contribue à diminuer la capacité de Tokyo à garder son impartialité face au conflit israélo-palestinien.

Le Japon a longtemps été considéré comme le négociateur impartial d’un futur accord entre Israël et les Palestiniens. En 2019, une enquête conjointe Arab News Japan-YouGov révèle que 56% des Arabes considèrent le Japon comme le candidat potentiel le plus crédible pour agir en tant que médiateur de paix au Moyen-Orient.

Lors de son voyage à Tokyo, Benny Gantz, le ministre israélien de la Défense, a rencontré M. Hayashi, qui a réitéré le soutien de son gouvernement à une solution à deux États pour résoudre le conflit entre Israël et les Palestiniens, qui remonte à plusieurs décennies.

L’analyste japonais Koichiro Tanaka, professeur à l’université Keio de Tokyo, estime que l’application à plus grande échelle des accords d’Abraham – les accords de normalisation signés entre Israël et plusieurs États arabes en 2020 – a soulagé le Japon de ce rôle de médiateur.

«Le Japon est soulagé de la pression qui existait en essayant d’équilibrer sa politique au Moyen-Orient avec sa sécurité énergétique», déclare M. Tanaka à Arab News Japan.

Le Japon est conscient qu’il lui est nécessaire de maintenir des alliés dans l’impasse qu’il connaît vis-à-vis de la Chine. Le principal objectif de la politique étrangère du Japon est d’«apaiser Washington», explique-t-il. Cela implique également de «se lier d’amitié» avec Israël.

PHOTO
Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz (à gauche), et le ministre japonais de la Défense, Yasukazu Hamada (à droite), lors d’une réunion qui portait sur la défense, à Tokyo, le 30 août 2022. (AFP)

«Le rôle de médiateur du Japon ne s’est jamais concrétisé en raison de la réticence des États-Unis et du rejet par Israël d’un tel rôle», souligne M. Tanaka.

Les accords d’Abraham ont été les premières expressions publiques de normalisation des relations entre les États arabes et Israël depuis 1994. Lorsque les accords ont été annoncés, Tomoyuki Yoshida, l’ancien secrétaire de la presse étrangère du Japon, les a qualifiés d’«évolution positive» susceptible d’«apaiser les tensions et stabiliser la région».

Il a réitéré le soutien du Japon à une «solution à deux États» dans laquelle Israël et un futur État palestinien indépendant «vivraient côte à côte dans la paix et la sécurité».

PHOTO
Sur cette photo qui date du 25 décembre 2017, le ministre japonais des Affaires étrangères Taro Kono (à gauche) rencontre le président palestinien Mahmoud Abbas dans la ville cisjordanienne de Ramallah. (AFP)

Cependant, avec les relations de plus en plus tendues du Japon avec la Chine et la Corée du Nord, le pays a élargi sa coopération militaire au-delà de son allié traditionnel, les États-Unis, à d’autres pays de la région Asie-Pacifique et de l’Europe.

Il est particulièrement préoccupé par les actions militaires de Pékin dans les mers de Chine orientale et méridionale. Israël a déjà procédé à des échanges d’armes avec la Chine et il est d’ailleurs le deuxième fournisseur étranger d’armes après la Russie.

La Chine a accumulé un vaste arsenal d’équipements et de technologies militaires de pointe. Les États-Unis se sont fermement opposés au commerce d’armes d’Israël avec la Chine. Cependant, Israël a largement ignoré les objections de Washington.

Certains observateurs soupçonnent que les relations commerciales étroites entre Israël et la Chine soient la raison pour laquelle le Japon a choisi de renforcer la coopération en matière de défense avec Israël.

Les stratèges militaires japonais ont cherché des moyens de réduire leur dépendance préventive vis-à-vis des États-Unis, considérant potentiellement Israël comme une source d’armes et de technologie pour renforcer la puissance militaire de Tokyo dans la région.

Avec la signature du nouvel accord de défense avec Israël, le Japon est-il toujours en position de servir de médiateur entre Israël et la Palestine?

Waleed Siam, l’ambassadeur de l’Autorité palestinienne auprès de Tokyo, indique à Arab News Japan que le gouvernement japonais «soutient principalement» les deux parties.

«Le Japon entretient une relation de longue date avec Israël, mais je pense qu’il pourrait toujours faire preuve de neutralité en aidant les deux parties à conclure des règlements», précise-t-il.

M. Siam indique que les Palestiniens, et le monde arabe en général, ont un grand respect pour le Japon, notant que Tokyo «a toujours pleinement soutenu les Palestiniens, au moyen des nombreuses organisations des Nations unies».

«Le Japon s’est engagé à aider l’État de Palestine et a toujours respecté la résolution de l’ONU, refusant de reconnaître Jérusalem-Est comme capitale d’Israël. Le pays n’a par ailleurs jamais reconnu les colonies illégales d'Israël.»

PHOTO
L’ancien Premier ministre palestinien Rami Hamdallah (deuxième à partir de la gauche) et le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, s’entretiennent à la maison des hôtes d’État, ou palais d’Akasaka, à Tokyo, le 28 septembre 2022. (AFP)

À la question de savoir si le Japon aurait dû d’abord rassurer la partie palestinienne sur sa neutralité continue avant de conclure son accord de sécurité avec Israël, M. Siam déclare que Tokyo a «le droit de faire ce que bon lui semble».

Il ajoute: «Le Japon n’a aucune garantie à donner puisqu’il reste très attaché à ses engagements vis-à-vis de la communauté internationale et de la résolution de l’ONU. Il soutient une solution à deux États et le droit des Palestiniens à l’indépendance.»

«Même lorsque l’ancien président américain Donald Trump faisait pression sur tout le monde pour que la ville de Jérusalem soit reconnue comme capitale d’Israël, le Japon a gardé une position ferme à l’ONU et a voté contre cette proposition.»

Cependant, M. Siam pense que tout pays qui signe un accord avec Israël devrait également mettre l’accent sur le respect du droit international et des droits de l’homme.

«J’appelle le Japon à utiliser ce genre d’amitié profonde avec Israël pour faire pression sur les Israéliens afin qu’ils se conforment au droit international», soutient-il. «Si la communauté internationale ne reste pas unie et ne fait pas pression sur Israël pour une solution à deux États, il n’y aura jamais de paix.»

Israël a été le «plus grand obstacle» à la finalisation d’un grand parc agro-industriel et d’une initiative logistique à Jéricho, proposée par le Japon et appelée «Couloir pour la paix», affirme M. Siam.

Le Japon, rapporte-t-il, pourrait utiliser ses relations approfondies avec Israël pour aider à la finalisation du projet.

Pendant la guerre de onze jours à Gaza, en mai 2021, le Japon a insisté sur le fait que toutes les résolutions de l’ONU et les lois internationales devaient être respectées, réitérant sa position «claire, de respect et de soutien» vis-à-vis du conflit, précise M. Siam.

Le Japon est longtemps apparu comme le pays le plus capable de négocier un accord de paix entre Israël et les Palestiniens.

Peu de gens peuvent donc affirmer que le renforcement des capacités militaires du Japon et ses investissements dans la technologie de défense représentent un pas dans la bonne direction. Mais il doit clairement faire preuve de plus de diplomatie pour pouvoir le faire.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'aide américaine n'est pas une «baguette magique» pour l'Ukraine

Des militants brandissent des drapeaux ukrainiens devant le Capitole américain à Washington, DC, le 23 avril 2024. (AFP)
Des militants brandissent des drapeaux ukrainiens devant le Capitole américain à Washington, DC, le 23 avril 2024. (AFP)
Short Url
  • «Cela a été un parcours difficile. Cela aurait dû être plus facile. Cela aurait dû arriver plus vite», a reconnu Joe Biden mercredi
  • Jake Sullivan a averti qu'il était "possible que la Russie réalise des avancées tactiques supplémentaires dans les semaines à venir", alors que Kiev s'attend à une nouvelle offensive russe prochaine

WASHINGTON: Un soutien massif, pas une "baguette magique": l'aide américaine à l'Ukraine ne résoudra pas tous les problèmes sur les fronts, et les Etats-Unis sont les premiers à le reconnaître.

"Cela a été un parcours difficile. Cela aurait dû être plus facile. Cela aurait dû arriver plus vite", a reconnu Joe Biden mercredi.

Il venait de promulguer une loi, âprement débattue pendant des mois au Congrès américain, qui prévoit 61 milliards de dollars d'aide militaire et économique pour Kiev.

"C'est un montant important", mais "ce délai a coûté cher", souligne Garret Martin, chercheur à l'American University de Washington.

Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, en a convenu lui-même.

"Il va falloir du temps pour sortir du fossé creusé par les six mois d'attente" au Congrès, a-t-il dit lors d'une conférence de presse.

Il a averti qu'il était "possible que la Russie réalise des avancées tactiques supplémentaires dans les semaines à venir", alors que Kiev s'attend à une nouvelle offensive russe prochaine.

"Le chemin qui est devant nous n'est pas facile", mais "nous pensons que l'Ukraine peut, et va, gagner", a encore indiqué" Jake Sullivan, en se gardant bien toutefois de définir ce que serait une "victoire" ukrainienne.

Au-delà du montant très conséquent voté par le Congrès, les Etats-Unis ont aussi décidé d'aller plus loin dans la nature des armes fournies.

Ils ont ainsi commencé, discrètement, à livrer aux Ukrainiens des missiles longue portée de type "ATACMS", et vont continuer à le faire.

Mobilisation

L'Ukraine avait utilisé pour la première fois en octobre contre la Russie des missiles américains ATACMS, mais ceux dont il est question désormais peuvent frapper plus loin, jusqu'à 300 km de distance.

"Cela aura un impact", mais "ce n'est pas un seul équipement qui résoudra tout", a dit le conseiller à la sécurité nationale.

Par ailleurs, "il y a une chose que cette aide ne peut pas faire, à savoir résoudre le problème du manque de combattants" de Kiev, souligne Garret Martin, même s'il estime que le vote du Congrès américain pourrait doper le moral des troupes ukrainiennes.

Ce sujet de la mobilisation a fait l'objet de discussions entre Joe Biden et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, selon la Maison Blanche.

L'Ukraine est confrontée à une pénurie de soldats volontaires, après plus de deux ans de guerre contre l'envahisseur russe, qui ont fait des dizaines de milliers de morts.

Kiev vient d'élargir la mobilisation, abaissant l'âge des Ukrainiens pouvant être appelés de 27 à 25 ans.

Le pays, qui cherche à faire revenir sur son territoire ses citoyens en âge de combattre, ne délivrera par ailleurs plus de passeports à l'étranger aux hommes âgés de 18 à 60 ans, selon un texte publié par le gouvernement mercredi.

Max Bergmann, Directeur au Centre des études stratégiques et internationales (CSIS), souligne lui que l'impact de l'aide américaine dépendra aussi, en partie, de l'attitude des Européens.

Ces derniers "doivent doper dès maintenant la production" d'armement, écrit-il dans une note récente, avec pour "objectif de pouvoir combler la lacune que laisseraient les Etats-Unis" si le financement américain devait s'arrêter pour de bon, par exemple en cas de victoire du républicain Donald Trump à la présidentielle de novembre.

Pour l'expert, l'Ukraine devra s'attacher en 2024 à "tenir ses positions, fatiguer les forces russes, reconstruire et restaurer ses propres forces et ses capacités de défense civile", avant, éventuellement, de repartir "à l'offensive" l'an prochain.


Pakistan: Malala critiquée pour une comédie musicale produite avec Hillary Clinton

La Pakistanaise Malala Yousafzai, prix Nobel de la paix, est sous le feu des critiques dans son pays natal après une publicité réalisée pour une comédie musicale sur les suffragettes qu'elle produit avec Hillary Clinton. (AFP).
La Pakistanaise Malala Yousafzai, prix Nobel de la paix, est sous le feu des critiques dans son pays natal après une publicité réalisée pour une comédie musicale sur les suffragettes qu'elle produit avec Hillary Clinton. (AFP).
Short Url
  • Sur X, anonymes et commentateurs lui reprochent d'être apparue à Broadway aux côtés de l'ex-secrétaire d'Etat américaine -sous le mandat de laquelle des frappes de drones ont tué des civils au Pakistan- et de ne pas se prononcer sur la guerre à Gaza
  • Si Malala Yousafzai, 26 ans, est une militante obstinée des droits des femmes louée à travers le monde, les cercles islamistes et une partie importante de l'opinion publique pakistanaise voient en elle un "agent des Etats-Unis"

LAHORE: La Pakistanaise Malala Yousafzai, prix Nobel de la paix, est sous le feu des critiques dans son pays natal après une publicité réalisée pour une comédie musicale sur les suffragettes qu'elle produit avec Hillary Clinton.

Sur X, anonymes et commentateurs lui reprochent d'être apparue à Broadway aux côtés de l'ex-secrétaire d'Etat américaine -sous le mandat de laquelle des frappes de drones ont tué des civils au Pakistan- et de ne pas se prononcer sur la guerre à Gaza, y voyant un "deux poids, deux mesures".

Si Malala Yousafzai, 26 ans, est une militante obstinée des droits des femmes louée à travers le monde, les cercles islamistes et une partie importante de l'opinion publique pakistanaise voient en elle un "agent des Etats-Unis" créé pour corrompre la jeunesse.

Après la première représentation de "Suffs", le cercle des critiques semble s'être élargi à des figures du féminisme au Pakistan.

"J'ai défendu bec et ongle Malala toutes ces années mais, là, je ne la suis pas. C'est vraiment difficile de la défendre depuis six mois", écrit ainsi la militante Leena Ghani, en référence à la guerre lancée par Israël à Gaza en réponse à l'attaque meurtrière du Hamas sur son sol le 7 octobre.

"J'admire Malala depuis 2011", affirme l'éditorialiste Mehr Tarar sur X, mais "sa collaboration théâtrale avec Hillary Clinton -qui défend le soutien infaillible de l'Amérique au génocide des Palestiniens- est un vrai coup à sa crédibilité comme défenseuse des droits humains".

« Tu nous as laissés tomber »

Mme Clinton a dit soutenir la guerre contre le Hamas et rejeté des appels au cessez-le-feu à Gaza. Elle a aussi réclamé la protection des civils dans le petit territoire contrôlé par le mouvement islamiste depuis 2007.

"Quelle déception Malala, tu nous as laissés tomber", écrit de son côté la professeure et militante féministe Nida Kirmani.

De nombreuses voix au Pakistan ont accusé Malala Yousafzai de ne pas avoir exprimé sa solidarité avec les Palestiniens. La jeune femme avait pourtant précédemment publiquement condamné la mort de civils à Gaza et réclamé un cessez-le-feu.

Le New York Times rapporte qu'elle portait un pin's rouge et noir pour la première représentation de "Suffs", un signe de soutien au cessez-le-feu.

Après ces critiques, la jeune femme a affirmé mardi sur le réseau social X son soutien aux habitants de Gaza et condamné la guerre menée par Israël.

"Je veux qu'il n'y ait aucune confusion quant à mon soutien à la population de Gaza", a écrit Malala Yousafzai.

"Nous n'avons pas besoin de voir davantage de cadavres, d'écoles bombardées et d'enfants affamés pour comprendre qu'un cessez-le-feu est urgent et nécessaire".

"J'ai condamné et je continuerai à condamner le gouvernement israélien pour ses violations du droit international et ses crimes de guerre", a-t-elle ajouté.

La jeune fille originaire de la verdoyante vallée de Swat, dans le nord-ouest du Pakistan, avait été blessée par balle au visage en 2012 par des islamistes.

Soignée en urgence en Grande-Bretagne, elle est ensuite devenue un symbole mondial de résistance à l'extrémisme religieux et la porte-voix des filles privées d'instruction, puis en 2014 la plus jeune prix Nobel de la Paix de l'histoire.

Depuis qu'elle a été attaquée, elle n'est revenue que deux fois dans son pays.


Gaza: montée des tensions entre étudiants et la police sur les campus américains

La colère d'étudiants américains pro-palestiniens contre la guerre que mène Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a grossi mercredi aux Etats-Unis, avec des face-à-face tendus avec la police au Texas, à New York, en Nouvelle-Angleterre et en Californie. (AFP).
La colère d'étudiants américains pro-palestiniens contre la guerre que mène Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a grossi mercredi aux Etats-Unis, avec des face-à-face tendus avec la police au Texas, à New York, en Nouvelle-Angleterre et en Californie. (AFP).
Short Url
  • "Si la situation n'est pas maîtrisée rapidement et si les menaces et intimidations ne cessent pas, il sera alors temps de faire appel à la Garde nationale"
  • Depuis le regain de tensions la semaine dernière à Columbia, le mouvement s'est étendu à d'autres campus

AUSTIN: La colère d'étudiants américains pro-palestiniens contre la guerre que mène Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a grossi mercredi aux Etats-Unis, avec des face-à-face tendus avec la police au Texas, à New York, en Nouvelle-Angleterre et en Californie.

En visite à l'université Columbia à Manhattan -- d'où est parti cette dernière vague de manifestations étudiantes commencées en octobre -- le président républicain de la Chambre des représentants du Congrès, Mike Johnson, a menacé: "si la situation n'est pas maîtrisée rapidement et si les menaces et intimidations ne cessent pas, il sera alors temps de faire appel à la Garde nationale".

Pour "rétablir l'ordre sur ces campus", a martelé le dirigeant conservateur.

Un avertissement qui résonne douloureusement aux Etats-Unis: le 4 mai 1970, la Garde nationale de l'Ohio avait ouvert le feu à l'université d'Etat de Kent sur des manifestants étudiants pacifiques, dont quatre avaient été tués.

M. Johnson, proche de l'ex-président républicain Donald Trump candidat à sa réélection, a averti qu'il exigerait du président démocrate Joe Biden d'"agir" et jugé que les manifestations pro-palestiniennes "mettaient une cible sur le dos d'étudiants juifs aux Etats-Unis", qui comptent le plus de juifs au monde (quelque six millions) après Israël.

« Liberté d'expression »

Depuis le début du conflit à Gaza en octobre, les universités américaines sont secouées par des débats parfois violents sur la liberté d'expression et des accusations d'antisémitisme et d'antisionisme qui ont coûté leurs postes cet hiver aux présidentes de Harvard et de l'université de Pennsylvanie.

"Profitez de votre liberté d'expression", a lancé, provocateur, M. Johnson, hué par des centaines d'étudiants de Columbia vent debout contre la guerre d'Israël contre le Hamas qui a tué quelque 34.200 personnes, la plupart des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste palestinien.

L'attaque sans précédent du 7 octobre 2023 menée par le Hamas a fait 1.170 morts, essentiellement civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles.

Mercredi, la Maison Blanche a réaffirmé que le président Biden, qui espère être réélu en novembre, "soutenait la liberté d'expression, le débat et la non discrimination" dans les universités.

Depuis le regain de tensions la semaine dernière à Columbia, le mouvement s'est étendu à d'autres campus.

Alliance Etats-Unis-Israël 

Notamment dans les Etats de la Nouvelle-Angleterre, dans le nord-est, où des prestigieuses universités ont demandé à la police d'interpeller des manifestants étudiants qui dénoncent l'alliance militaire, diplomatique et économique des Etats-Unis avec Israël et critiquent les conditions actuelles des Palestiniens.

"En tant que Palestinien, est-ce de ma responsabilité d'être là et de montrer ma solidarité avec la population de Gaza? Absolument!", a répondu à l'AFP Yazen, un Américain de 23 ans d'origine palestinienne qui campe depuis quelques jours dans des tentes montées sur le campus de Columbia.

La présidence de l'université a salué "des progrès importants" dans les discussions avec des étudiants pour évacuer ce campement d'ici vendredi.

Dans la nuit de lundi à mardi, 120 personnes avaient été brièvement interpellées devant l'université de New York (NYU), au coeur de Manhattan. A Yale, dans le Connecticut, une cinquantaine de manifestants ont aussi été interpellés.

Sa concurrente Harvard, la plus ancienne des Etats-Unis, en banlieue de la cité historique de Boston, a vu aussi mercredi se monter sur son campus arboré un campement.

Police anti-émeute 

A l'autre bout du pays, l'université du Texas à Austin a été le théâtre d'un face-à-face, finalement bon enfant, entre des centaines d'étudiants pro-palestiniens et la police, dont nombre d'officiers à cheval et en tenue anti-émeute.

Certains brandissaient des drapeaux palestiniens et portaient le keffieh, d'autres, encadrés par des policiers, s'étaient enveloppés dans des drapeaux d'Israël.

Et à l’université de Californie du sud (USC), plusieurs centaines d’étudiants ont manifesté aux cris de "libérez la Palestine", "révolution par l'intifada".

Dans la foule très diverse, certains agitaient des drapeaux palestiniens, d'autres portaient des keffiehs et des pancartes appelant à "arrêter le génocide" et à un  "cessez-le-feu".

Des centaines de manifestants s'étaient rassemblés mardi soir à Brooklyn, le plus grand arrondissement de New York, à l'appel de Jewish Voice for Peace, un groupe d'Américains juifs de gauche pro-palestiniens, à l'occasion du séder, le rituel de la Pâque juive. Nombre d'entre eux ont été interpellés.

"Nous sommes (les Américains) les instigateurs d'une telle violence, d'une telle haine, c'est terrible", a tonné sur place Rebecca Lurie.