BEYROUTH: Des retraités de l’armée libanaise se sont battus avec des gardes du Parlement à Beyrouth lors d’un rassemblement lundi suite à la colère suscitée par la diminution des salaires.
Quelques heures après la manifestation, le Parlement a adopté le budget 2022 : 63 législateurs ont voté pour, 37 ont voté contre et 6 se sont abstenus.
Ce nouveau budget adoptera les fiscales douanières à 15 000 livres libanaises pour un dollar américain (1$ = 1,04 euro), alors que le taux du marché noir est plus du double, voire 37 000 livres pour un dollar.
Depuis le début de la crise économique du pays il y a trois ans, les recettes fiscales douanières ont été calculées au taux officiel de 1,500 livres pour un dollar.
En adoptant le nouveau budget, les dépenses publiques s’élèvent à 40 900 milliards de livres (1,1 milliard de dollars) selon le marché parallèle, tandis que les recettes s’élèvent à 30 000 milliards de livres libanaises.
Les manifestants ont appelé le chef de l’armée à les écouter et ont exigé que leurs salaires soient triplés, compte tenu de la perte de valeur d’achat en raison de la crise économique.
L’armée et les gardes du Parlement ont été appelés à s’attaquer aux manifestants ce qui a conduit à une bousculade.
Les retraités, y compris les veuves des militaires, ont réussi à briser le cordon de sécurité face à ceux qu’ils ont décrit comme leurs « fils militaires.»
Le personnel de sécurité chargé de protéger le Parlement a utilisé une grenade lacrymogène afin d’empêcher les manifestants d’atteindre les escaliers du bâtiment.
Le député Jamil al-Sayed, général à la retraite, a quitté la session afin de s’adresser aux manifestants.
Il a été précédé de Cynthia Zarazir, député du bloc de changement, qui a prouvé sa solidarité avec les manifestants.
Alors qu’elle faisait face à la bousculade, elle a crié : «La police réprime les manifestants! »
Certains manifestants se sont même étendus sur le sol afin d’empêcher les gardes de les retirer.
Une petite délégation de manifestants accompagnée d’Al-Sayed est entrée dans l’un des couloirs du Parlement.
George Nader, général à la retraite a déclaré: «Le message a bien été reçu. Nous ne voulons pas nous heurter à nos collègues militaires.»
Le ministre de la Défense intérimaire le Général Maurice Selim a quitté la salle afin d’aller à la rencontre des soldats à la place de l’étoile.
Il leur a confirmé que les salaires seraient triplés.
Selon le ministre, les calculs détaillés seront traités par des agences spécialisées du ministère des Finances.
Le député Sami Gemayel a averti que l’augmentation des salaires entrainerait une augmentation de l’impression de monnaie, une hausse de l’inflation et par la suite, une diminution du pouvoir d’achat.
Gemayel a donc appelé à se concentrer davantage sur la mise en œuvre des réformes et sur l’apport de dollars américains dans le pays.
Le député indépendant Michel Moawad a qualifié ce budget de «crime contre les libanais» étant donné qu’il a été discuté sans équilibrer les comptes, ce qui signifiait alors une «nouvelle évasion de la responsabilité.»
Le député Ibrahim Kanaan s’est opposé aux chiffres envoyés par le ministère des Finances afin que le dollar douanier soit basé sur le taux de change du dollar à une valeur de 15 000 livres libanaises.
Dr. Ahmad al-Laqis, directeur général des affaires financières du parlement et spécialisé dans les budgets et les impôts, a déclaré à Arab News : «C’est le budget minimum. Il est exigé par le Fonds monétaire international. Toutes les objections sont à des fins politiques. »
Il a d’ailleurs ajouté que le budget n’est pertinent que pour les trois mois qui restent de l’année.
Il ajoute qu’à partir de l’année prochaine, il y aura une réglementation financière générale, et les solutions nécessaires pour résoudre la crise seront incluses dans le projet de budget 2023 au moment où l’État établira son plan économique.
Selon Al-Laqis, l’augmentation des salaires des militaires à la retraite représentera trois fois le salaire de base et n’inclura pas les avantages qu’ils reçoivent normalement.
Entre temps, les banques libanaises qui ont rouvert leurs portes aux clients après une semaine de fermeture ont été témoins d’une foule d’employés et de militaires qui s’y rendaient pour effectuer des transactions et des retraits.
L’Association des Banques a adopté de nouvelles modalités d’accueil des clients qui sont désormais obligés de prendre des rendez-vous.
Certaines opérations, telles que le retrait d’espèces et les dépôts peuvent être effectuées via des plateformes d’échange de guichets automatiques.
Les services de sécurité ont patrouillé autour des agences bancaires lors de la réouverture.
Les banques, ayant premièrement recouru à l’ouverture de quelques agences aux clients, ont pris des mesures de sécurité strictes pour éviter que les braquages effectués il y a deux semaines par des déposants en colère ne se reproduisent.
Certains déposants avaient même utilisé des armes et des engins incendiaires pour menacer les employés et par la suite obtenir leurs dépôts en dollars, gelés depuis une décision de la Banque du Liban en 2019.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com