RIO DE JANEIRO: "Si les regrets tuaient, je serais déjà mort", lance le Brésilien Reginaldo Gomes, qui a fait campagne pour le président Jair Bolsonaro en 2018, mais appelle aujourd'hui à voter Lula sur les réseaux sociaux.
Il y a quatre ans, ce speaker de rodéos de Juazeiro, dans l'Etat de Bahia (nord-est), n'avait pas hésité à dépenser 5 000 réais (environ 1 200 euros à l'époque) pour faire fabriquer des t-shirts à l'effigie de Jair Bolsonaro durant la campagne.
Aujourd'hui, il regrette amèrement d'avoir voté pour le politicien d'extrême droite.
"C'est un être inhumain, sans coeur, qui ne dit que des âneries", déclare à l'AFP ce métis de 50 ans, qui avait déjà voté Lula par le passé, avant d'être déçu par les scandales de corruption qui ont éclaboussé la gauche.
"Avant, je traitais Lula de voleur, mais j'espère pouvoir le voir un jour pour lui demander pardon en personne d'avoir voté Bolsonaro", dit-il de sa voix de stentor dans une vidéo vue plus de 300 000 fois sur TikTok.
Reginaldo Gomes en veut notamment au président sortant d'avoir minimisé le Covid, une "grippette" qui a tué 686.000 Brésiliens, tout en ironisant sur les effets secondaires des vaccins, susceptibles de transformer les gens en "crocodile" ou en "femme à barbe".
«Machiste et narcissique»
Elu avec 55% des voix au second tour en 2018, Jair Bolsonaro, est largement devancé dans les sondages par l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.
Le dernier sondage de l'institut de référence Datafolha crédite le président d'extrême droite de 33% des intentions de vote, contre 47% pour Lula.
"Voter Bolsonaro, c'était la pire connerie de ma vie", dit Carlos Eduardo de Souza, maçon de 51 ans qui vit à Rio de Janeiro. "Je me sens comme un mari repenti après être allé voir ailleurs en pensant que tout irait mieux", confie-t-il.
Carlos Eduardo, qui a une fille transsexuelle, est notamment remonté contre les nombreux dérapages homophobes de M. Bolsonaro. "Elle m'avait pourtant prévenu (en 2018), mais j'étais aveugle", admet-il.
Même son de cloche chez Joana Alenso, 41 ans, qui est née au Brésil, mais a grandi au Venezuela, pays au régime socialiste honni par le président d'extrême droite.
Cette psychologue est depuis revenue dans son pays natal, à Rio de Janeiro, pour fuir la crise économique et les pénuries comme de nombreux compatriotes.
Il y a quatre ans, elle a voté Bolsonaro, mais surtout contre le Parti des Travailleurs (PT) de Lula, qui maintenait des liens étroits avec Hugo Chavez dans les années 2000.
"En tant que Vénézuélienne, je ne pouvais pas voter pour le PT. Mais à présent, j'ai décidé de prendre en compte mon côté brésilien et je voterai Lula. Je ne peux pas soutenir un type machiste, narcissique et grossier" comme Jair Bolsonaro.
«Nostalgie»
Ce sentiment antibolsonariste pousse de nombreux électeurs à choisir Lula, espérant déloger l'extrême droite en élisant l'ancien syndicaliste dès le premier tour.
"Le taux de rejet de Bolsonaro (52%) est plus important que les intentions de vote pour Lula au premier tour (47%)", souligne Adriano Laureno, analyste politique du cabinet de consultants Prospectiva. Sans compter "la nostalgie du gouvernement Lula, où les avancées sociales étaient plus importantes que sous Bolsonaro".
Mais l'ex-président de gauche a aussi son lot d'anciens électeurs repentis, comme Paulo Ferreira, retraité de 70 ans, ex-employé de la compagnie pétrolière publique Petrobras.
"Le PT est une organisation criminelle, qui a démantelé Petrobras. Impossible de voter pour eux", dit-il.
Matheus Fernandes, chauffeur de VTC du Pernambouc, Etat natal de Lula, a choisi pour sa part de voter blanc. "Je préfère me faire tirer dessus que de voter pour Lula ou Bolsonaro. Ce serait contraire à mes principes", résume ce jeune homme de 27 ans.