OULAN-BATOR: A Oulan-Bator, de vieilles dames agitent dans la rue des liasses de billets face aux passants, espérant qu'ils changeront leurs devises contre la monnaie locale, le tugrik: mais celui-ci est en chute libre, tandis que l'inflation, elle, s'envole.
Cette année, le tugrik a déjà perdu 14,7% de sa valeur face au dollar, un recul qui s'est accéléré depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, dans ce pays de trois millions d'habitants dont l'économie repose essentiellement sur l'activité minière.
"Le taux est en forte baisse à cause de la guerre en Ukraine et du coronavirus", assure Ts. Maisaikhan, 58 ans, qui travaille au sein du marché Naiman Sharga, qui regroupe nombre de bureaux de change.
En Mongolie, "nous n'avons pas beaucoup de production locale, la plupart des choses sont importées, donc quand le dollar monte, les prix de tous les produits augmentent", ajoute-t-il.
Autre coupable de cette inflation galopante, selon lui: la Chine. Les fréquentes fermetures de frontières, en raison de la stricte politique zéro-Covid de son voisin, ont restreint l'importation de marchandises, dont le prix a donc grimpé.
L'été dernier, le prix de la pomme de terre a ainsi été multiplié par trois quand les frontières ont fermé plusieurs semaines.
Aliments et boissons en hausse
De manière générale, "l'inflation a fortement augmenté depuis mi-2021 et a dépassé la fourchette visée par la Banque de Mongolie", a commenté récemment Angana Banerji, chef de mission à Oulan-Bator pour le Fonds monétaire international (FMI).
En août, elle a atteint 14,4% contre 9,5% un an plus tôt, selon le bureau national des statistiques.
Les prix des aliments et des boissons ont notamment bondi de près de 20%, tout comme les produits de santé, tandis que le coût de l'habillement, des services et du logement augmentait lui aussi.
Au cours des 16 derniers mois, l'inflation a été systématiquement supérieure aux objectifs de la Banque centrale, selon la Banque asiatique de développement, qui s'attend à ce que le phénomène se poursuive dans un contexte de perturbations des chaînes d'approvisionnement, de hausse des coûts de transport et de chute du tugrik.
Parmi les facteurs soutenant cette inflation, Angana Banerji cite la hausse des prix locaux de la viande, les restrictions aux frontières imposées par la Chine, l'augmentation mondiale des prix du pétrole et des aliments, ainsi que l'inévitable surcoût en transport et logistique des importations.
Que faire pour freiner la tendance? Le FMI appelle à la rigueur budgétaire, "compte tenu de la dette extérieure élevée de la Mongolie et des importants remboursements de dette prévus en 2023, dans un contexte d'incertitude économique mondiale".
«Pas le choix»
La Banque asiatique de développement a récemment abaissé ses prévisions de croissance pour le pays, à 1,7% contre 2,3% auparavant.
"Malgré des premiers signes de reprise, les perspectives de croissance à court terme de l'économie restent mitigées", a souligné Pavit Ramachandran, directeur national de la Banque pour la Mongolie.
"La combinaison d'une inflation élevée persistante et d'un important déficit de la balance courante crée un besoin urgent de parvenir à un meilleur équilibre macroéconomique tout en se concentrant sur les réformes structurelles à moyen terme", a-t-il ajouté.
Près des bureaux de change de Naiman Sharga, le marché Urt Tsagaan regroupe fabricants de bijoux, couturières, coiffeurs, cordonniers et salons de tatouage.
Dans l'un des ateliers de couture, Sukhbaatar Tuya prend une pause dans sa confection d'une paire de jeans et raconte le quotidien des Mongols, dans cette économie en crise.
"On prend les jours les uns après les autres", soupire-t-elle. "On ne fait pas de plans plus loin que dans trois jours ou une semaine".
Alors que sa machine à coudre repart pour terminer le pantalon, elle confie acheter normalement de la viande et des légumes chaque jour. Mais avec les prix en hausse, elle en achète moins.
"On doit vivre comme ça, on n'a pas le choix", dit-elle en espérant des jours meilleurs.