LONDRES : Pour les milieux d'affaires britanniques, il n'est pas acquis mais vital pour éviter le chaos. Pourtant, un accord commercial post-Brexit sera loin d'être une panacée, et n'évitera pas un nouveau choc pour une économie en pleine pandémie.
Paperasse, contrôles aux frontières, casse-tête de nouvelles règlementations: voilà ce qui attend quoi qu'il arrive les entreprises britanniques après le 1er janvier.
Le Royaume-Uni fera « face au changement le plus important de son histoire moderne, accord ou pas », assure David Henig, responsable britannique du centre de recherche ECIPE (European Centre For International Political Economy).
« Le commerce presque fluide entre le Royaume-Uni et l'UE sera remplacé par des barrières importantes. Cela aura inévitablement un effet sur l'économie », dit-il à l'AFP.
Un accord de libre-échange, même avantageux, n'offrira jamais les mêmes bénéfices que l'appartenance au marché unique et à l'union douanière qui permet la libre circulation des biens.
Il pourrait s'accompagner de droits de douane, certes faibles, sur certains produits, comme le prévoit par exemple l'accord commercial tout juste conclu entre le Royaume-Uni et le Japon.
Avec l'UE, le commerce sera soumis à une série de formalités administratives, en particulier dans l'automobile ou l'alimentaire.
Les entreprises devront faire des déclarations douanières avant que le bien ne franchisse la frontière, sans quoi il ne pourra pas pénétrer dans l'UE.
Les biens échangés pourront faire l'obdet de vérifications. Quant à faire venir de la main d’œuvre européenne, ce sera plus difficile.
Le secteur financier va de son côté perdre son passeport européen qui lui permet de proposer ses services sur le continent.
Si peu de grands bouleversements sont attendus dans l'immédiat sur les marchés financiers, les banques ont été nombreuses à transférer des actifs vers le continent et espèrent bénéficier d'un régime d'équivalence des réglementations.
« Sérieuses perturbations »
Le National Audit Office (NAO), organe chargé de contrôler les dépenses publiques, envisage de « sérieuses perturbations » dans le commerce avec l'UE, même en cas d'accord.
Selon lui, les préparatifs pour la mise en place de contrôles aux frontières ont été ralentis par la pandémie de coronavirus, les systèmes informatiques n'ont pas encore été testés et les zones de transit pour les camions ne sont pas prêtes.
Pour la Banque d'Angleterre (BoE), le Brexit va entraîner une baisse des exportations et une perturbation des chaînes d'approvisionnement, en réduisant au total de 1% le produit intérieur brut au premier trimestre de 2021, alors même que l'activité est déjà à genoux avec la pandémie et le reconfinement.
L'institution prévient qu'il faudra compter six mois pour que les entreprises s'adaptent même en cas d'accord.
Le précédent gouvernement conservateur avait lui évalué en novembre 2018 qu'un accord de libre-échange avec contrôles douaniers amputerait le PIB de 4,9% sur 15 ans, contre une baisse de 7,6% avec un « no deal ».
Le Premier ministre Boris Johnson est cependant persuadé que son pays pourra conclure des accords de livre-échange dans le monde et prospérer malgré la sortie de l'UE.
Si certains chefs d'entreprise s'affichent volontiers pro-Brexit, le monde économique n'a globalement pas caché sa frustration de ne pas être mieux accompagné.
La commission du Trésor du Parlement britannique a elle écrit en octobre au ministre des Finances Rishi Sunak pour fait part de ses inquiétudes sur le flou entourant les prochaines procédures douanières.
Les grandes entreprises ont pris leurs précautions, comme la chaîne de magasins Marks & Spencer qui a investi dans l'informatique et créé un centre spécialisé dans l'exportation vers l'Irlande.
Pour les PME, c'est plus difficile, si bien que leur fédération, la FSB, propose toute une série de conseils sur son site internet.
Sur le site internet des douanes, le gouvernement prévient dans son guide à destination des entreprises que « compléter une déclaration de douanes est compliqué et peut nécessiter un logiciel » adapté.
La BoE estime que les entreprises représentant 70% des exportations vers l'UE sont prêtes pour les contrôles douaniers.
Pour M. Henig, il est difficile d'avoir des certitudes sur le degré de préparation avant le jour J. « Nous saurons le 1er janvier ».