Face à l'inflation, le dilemme quotidien des dépenses

Avec des tournées d'environ 150 km par jour, le budget carburant de Janis est passé d'environ 350 euros par mois à près de 500. (AFP)
Avec des tournées d'environ 150 km par jour, le budget carburant de Janis est passé d'environ 350 euros par mois à près de 500. (AFP)
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Publié le Mercredi 21 septembre 2022

Face à l'inflation, le dilemme quotidien des dépenses

  • «A la fin du mois je mets zéro argent de côté. Après, s'il y a des imprévus, même médicaux, ce serait à l'employeur de suivre un peu», dit Chloé
  • Une mère au foyer, une bibliothécaire et une infirmière, confrontées à l'inflation et à la flambée des coûts de l'énergie, témoignent de leurs difficultés quotidiennes

PARIS: Ne plus acheter de viande, reprendre le travail avec des enfants en bas âge, se chauffer au fioul ou moins se chauffer, raboter le budget loisirs et sport...

Une mère au foyer, une bibliothécaire et une infirmière, confrontées à l'inflation et à la flambée des coûts de l'énergie, témoignent de leurs difficultés quotidiennes.

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Des sacrifices sur tous les plans

Devina Deketele, 21 ans, mère au foyer avec deux enfants à charge à Tourcoing (Nord)

"Tout a augmenté. L'électricité surtout. Je suis dans une maison avec quatre pièces et un loyer de 800 euros et je payais jusqu'ici 160 euros d'électricité, avec le tout électrique. Là, en septembre, c'est passé à 240 euros. Ça commence à m'inquiéter.

Les fruits, les légumes, tous les produits frais, c'est vraiment de plus en plus cher mais je veux continuer à en acheter pour les petits. Même le lait pour le bébé a augmenté. La viande aussi, même si j'en achète peu.

Moi, je suis au RSA, séparée, toute seule avec ma fille et mon bébé. On s'en sort comme on peut. Je fais mes comptes quinze fois par mois. Pour moi c'est fini les sorties, les verres entre copines. Je ne vais pas au cinéma, pas au restaurant, et voyager, je n'y pense même pas. Tout ce que j'arrive à économiser va aux enfants.

Je commence à chercher une assistante maternelle pour pouvoir travailler, parce que ce n'est pas possible de s'en sortir sinon.

Pour le moment, j'ai réussi à gérer assez bien, avec mes APL et les allocations familiales, je réussis à ne jamais être à découvert. En fin de mois, il me reste généralement entre 50 et 100 euros, en cas de problème.

Je n'ai pas d'aide de mes parents, ni de pension alimentaire, c'est serré mais je n'ai jamais eu recours aux banques alimentaires.

Cette inflation, je m'y attendais, tout le monde en parle, mais c'est sûr que ça fait mal. Et je sens bien que les prix vont augmenter encore. Je ne vois pas du tout dans quelle dépense je pourrais encore couper.

Surtout que l'hiver approche et, cette fois, je vais devoir me chauffer un peu au pétrole. J'ai pas le choix, parce que mon budget est trop serré, je n'ai plus de marge."

 

Des économies sur chaque dépense

Chloé (n'a pas souhaité donner son nom de famille), 33 ans, bibliothécaire en banlieue parisienne

"Je suis payée 1.530 euros net par mois. Officiellement je suis fonctionnaire de catégorie C car je n'ai pas le concours, mais j'occupe un poste de catégorie B. Notre salaire augmente chaque année, mais de quasiment rien.

Je paye 650 euros pour une colocation en banlieue, 700 avec électricité et gaz, je ne pourrais pas vivre seule ou à Paris.

Si tout augmente -déjà que je suis en train de mettre en place plein de petits trucs pour économiser- je me demande ce que je vais pouvoir faire en plus. Je ferai attention au chauffage, pour les courses je fais déjà hyper gaffe.

Je ne peux pas changer de supermarché car je n'ai pas de voiture. Je prépare tous mes repas, je ne vais pas manger à l'extérieur sauf à l'occasion, avec des amis.

Les transports hors région parisienne ont énormément augmenté. Je peux moins souvent revenir en province pour voir ma famille. Je privilégie le covoiturage.

J'ai vécu à l'étranger, chacun ses passions, moi, c'est les voyages. Cela me fait mal au cœur, mais je trouve des moyens de voyager moins cher.

J'essaye de me garder un petit budget loisirs, un verre en terrasse quand je vais à Paris voir mes amies, mais j'ai renoncé à l'abonnement à une salle de sport, je fais plutôt des choses gratuites: du vélo, de la marche. Même les bibliothécaires aiment avoir leurs propres livres, mais j'ai restreint.

A la fin du mois je mets zéro argent de côté. Après, s'il y a des imprévus, même médicaux, ce serait à l'employeur de suivre un peu."

Dilemmes professionnels face au fardeau du carburant

Janis Francazal, 39 ans, infirmière libérale près de Moissac (Tarn-et-Garonne)

Avec des tournées d'environ 150 km par jour, son budget carburant est passé d'environ 350 euros par mois à près de 500.

"On a rééquilibré la tournée pour avoir des patients dans la même zone et éviter les allers-retours.

Mais on a une remplaçante qui a abandonné, ça faisait trop de kilomètres pour elle.

On a les aides à la pompe, comme tout le monde, mais maintenant, un patient excentré qui va nous demander une prise en charge, ça va être plus compliqué, peut-être qu'on ne va pas le prendre.

Certains cabinets vont être obligés de faire des choix, d'autres ont déjà commencé à dire non.

On veut mener une politique de maintien à domicile, mais si on ne donne pas les moyens aux acteurs du maintien à domicile de faire leur travail en étant rémunérés de manière décente, ça va se complexifier..."


Macron fustige les «bourgeois des centres-villes» qui financent «parfois» le narcotrafic

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  • Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international"
  • La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic

PARIS: Le président Emmanuel Macron a estimé mercredi lors du Conseil des ministres que ce sont "parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants", selon des propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon lors de son compte-rendu.

Le chef de l'État a appuyé "l'importance d'une politique de prévention et de sensibilisation puisque, je reprends ses mots, +c'est parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants+", a précisé Maud Bregeon, ajoutant: "on ne peut pas déplorer d'un côté les morts et de l'autre continuer à consommer le soir en rentrant du travail".

Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international". La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic.

 


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).

 


Assassinat de Mehdi Kessaci: «Non, je ne me tairai pas» face au narcotrafic, dit son frère dans une tribune au Monde

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  • "Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic"
  • "On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement"

PARIS: "Non, je ne me tairai pas" face au narcotrafic, a déclaré mercredi dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Amine Kessaci, le frère de Mehdi, abattu jeudi à Marseille par deux personnes à moto.

"Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", a également écrit le militant écologiste de 22 ans, engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat d'un autre de ses frères, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

"On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement", a encore déclaré Amine Kessaci, qui a enterré mardi son frère Mehdi. "Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", a-t-il ajouté.

La protection policière qui lui a été accordée ne l'a pas été à ses proches, a souligné le militant écologiste de 22 ans. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s'est-il interrogé.

"Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu'il se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée", a-t-il encore prévenu.

"Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?"

Medhi Kessaci, 20 ans, a été assassiné jeudi à Marseille près d'une salle de concert par deux hommes à moto, activement recherchées, un "crime d'intimidation" et "un assassinat d'avertissement" pour les autorités.