Une annonce extraordinaire a fait très peu parler d’elle la semaine dernière. Elle n’a presque fait la une d’aucun média. Pourtant, il s’agit du sujet le plus important qui affecte la vie de la plupart des gens depuis trente-deux mois.
Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, affirme que «nous n’avons jamais été en meilleure position pour mettre fin à la pandémie de Covid-19. Nous n’y sommes pas encore, mais la fin est proche». Apparemment, les décès découlant de la Covid-19 à travers le monde sont à leur plus bas niveau depuis mars 2020, date à laquelle la pandémie a été officiellement déclarée. Serait-ce donc le moment où la Covid-19 passe d’une maladie mortelle à une maladie gérable?
L’inévitable avertissement a suivi quelques secondes plus tard. Rien n’a jamais été facile dans cette pandémie. La dernière phase pourrait être la plus difficile, puisqu’elle nécessite le plus de travail et de vigilance. De nouvelles vagues et de nouveaux variants pourraient encore apparaître. Au cours des prochains mois d’hiver, l’hémisphère nord pourrait être témoin d’une augmentation des infections.
Les phases terminales d’une pandémie ont tendance à être longues et interminables. C’est lors de cette période que l’attention est détournée par d’autres crises, comme l’Ukraine et le coût de la vie. Le VIH/sida n’est peut-être plus considéré comme une pandémie, mais il continue de tuer des gens. Près de quarante millions de personnes vivaient avec le VIH fin 2021.
L’OMS a publié six notes d’orientation à l’intention des gouvernements, une sorte de résumé des principales leçons apprises au cours des trois dernières années. On se demande quels chefs de gouvernement liront un jour ces notes. Quelles mesures seront par ailleurs mises en place pour y remédier?
Alors, pourquoi cette nouvelle n’était-elle pas plus importante? Après tout, il s’agit d'une pandémie qui a frappé tous les pays. Plus de 600 millions de cas de Covid-19 ont été recensés, et plus de 6,5 millions de personnes ont perdu la vie. Mais ce ne sont que des chiffres officiels; les statistiques de nombreux pays ne sont pas fiables. De plus, nombre d’entre eux ont depuis longtemps arrêté les tests.
La pandémie a contribué à la crise financière actuelle, coûtant des milliers de milliards de dollars, mais qui sait si nous connaîtrons un jour le coût total. Pensez à toutes les mesures d’urgence mises en place, à la fermeture des frontières et aux restrictions de voyage et d’autres activités. La plupart des gens n’oublieront jamais ces trois années.
Pour de nombreuses personnes, la pandémie est déjà terminée, même si ce n’est pas le cas, ce qui explique le faible taux de réactivité. Bon nombre de gens, notamment dans les pays les plus riches, en ont déjà assez et ont repris une vie normale, sans restrictions, et ne souhaitent plus en entendre parler. La plupart croient que leurs piqûres de vaccin les protégeront et que la science proposera toujours des solutions. D’autres adoptent une approche plus fataliste, juste pour pouvoir continuer leur vie et, s’ils contractent le virus, eh bien, tant pis. Ensuite, il y a les théoriciens du complot. Certains d’entre eux pensent que la Covid-19 n’existe même pas et ne sont donc clairement pas intéressés.
C’est le moment de passer en revue la façon dont le monde a géré la pandémie. L’éminente revue médicale The Lancet a publié ce mois-ci les conclusions de la commission qu’elle a créée en juillet 2020. Elle était acerbe vis-à-vis de la réponse à la pandémie de Covid-19, y compris la lenteur de l’OMS à réagir. La coordination entre les gouvernements était trop faible. Les restrictions ont été trop lentes à être mises en place. Il s’agit d’un autre document que les dirigeants politiques devront assimiler dans son intégralité.
«Dès le départ, trop de gens ont sous-estimé cette maladie et beaucoup d’acteurs n’ont pas agi de manière responsable.»- Chris Doyle
Dès le départ, trop de gens ont sous-estimé cette maladie et beaucoup d’acteurs n’ont pas agi de manière responsable. La Chine a fait l’objet de critiques légitimes pour avoir refusé d’être plus transparente au sujet des origines de la Covid-19. De nombreux États ont mis du temps à réagir en janvier 2020. Ce problème n’est devenu international qu’au moment où il a touché les États les plus riches. Beaucoup trop d’autorités sanitaires hésitaient à accepter que le virus ait pu se propager. Trop de gens croyaient qu’il n’irait pas au-delà de l’Asie. Beaucoup ne croyaient pas que le virus allait muter, tandis que les gouvernements tardaient à se mobiliser.
Mais au moment où nous nous penchons sur la question de la pandémie, chacun devrait également garder à l’esprit que la Covid-19 n’est peut-être qu’un avant-goût de ce qui reste à venir. Ces maladies peuvent se propager très rapidement dans notre monde globalisé du XXIe siècle. Avons-nous réussi à tirer des leçons?
Ce que la pandémie a mis en évidence, c’est le manque chronique d’égalité à travers le monde. Les pays les plus riches avaient les ressources pour s’adapter. Mais même ces gouvernements plus riches ont eu du mal à produire ou à se procurer suffisamment d’équipements de protection. L’inégalité au niveau des vaccins était scandaleuse. Le système des droits de propriété intellectuelle a constitué une barrière restrictive majeure. Même maintenant, le continent africain est loin derrière la moyenne mondiale de 61,9% de personnes ayant un schéma vaccinal complet. De nombreux pays riches ont donné la priorité au stockage des vaccins plutôt qu’à leur distribution aux pays pauvres.
Cela va-t-il changer? Beaucoup demeurent sceptiques. Après les pandémies précédentes, ces inégalités n’ont jamais été corrigées.
La réticence à la vaccination subsiste. Malgré l’extraordinaire succès scientifique de la mise au point et du déploiement si rapide des vaccins, beaucoup restent sceptiques. Certains de ces doutes ne doivent pas être pris à la légère et une telle hésitation est particulièrement présente dans des pays comme la France. D’autres comme les théoriciens du complot – ceux qui pensent, par exemple, que Bill Gates utilise le vaccin pour implanter des puces électroniques – devraient être écartés avec le dédain qu’ils méritent. Comment les autorités mondiales vont-elles relever ce défi et instaurer une plus grande confiance?
Cela est en partie dû à la tendance croissante à ignorer ou même à dénigrer l'expertise scientifique. La désinformation et la mésinformation restent monnaie courante. L’OMS qualifie ce phénomène d’«infodémie» qui relève partiellement de la responsabilité des gouvernements. Jusqu’en mai de cette année, la Corée du Nord affirmait qu’elle n’avait aucun cas de Covid-19. Les réseaux sociaux ont été l’accélérateur toxique des mythes et des mensonges qui ont entravé la réponse à la pandémie. Les institutions et les gouvernements doivent y remédier.
Un autre aspect inquiétant est que beaucoup estiment que les restrictions n’auraient jamais dû être imposées. Le fait que l’économie doive toujours passer en premier, devant la santé publique, serait-il donc une conséquence de cette pandémie? Liz Truss, dans sa campagne réussie pour le poste de nouvelle Première ministre britannique, s’est engagée à ne jamais réimposer les confinements. Mais qui sait si la santé publique l’exigera à l’avenir? C’est de la folie de les exclure.
Une meilleure préparation et une meilleure collaboration sont essentielles. Les systèmes d’alerte précoce doivent être améliorés et la surveillance doit être renforcée. Nous devons continuer à tester et à améliorer le déploiement des vaccins. Les établissements médicaux et autres entités devraient améliorer leur biosécurité. Une meilleure ventilation et filtration de l’air des bâtiments doit être recherchée.
Soyons honnêtes, le monde a échoué à ce niveau. Il n’était pas prêt. Les leçons n’ont pas été apprises. Bien que l’OMS ait appelé à la préparation à une pandémie dans le passé, cela n’a pas été mis en œuvre. Ce n’est qu’une pandémie, mais qui pourrait en être une parmi tant d’autres. Donc, même maintenant, tout le monde devrait connaître la fin de la déclaration de l’OMS. La dernière ligne droite sera la plus dure.
Chris Doyle est le directeur du Council for Arab-British Understanding, situé à Londres.
Twitter: @Doylech
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com