LONDRES: Le directeur général de Shell, le Néerlandais Ben van Beurden, quittera ses fonctions fin 2022, laissant derrière lui une entreprise en pleine transition énergétique et assise sur des montagnes de bénéfices grâce à la flambée des hydrocarbures.
M. van Beurden, âgé de 64 ans, gardera un rôle de conseiller du conseil d'administration jusqu'en juin 2023 puis quittera le groupe, indique Shell dans un communiqué jeudi.
Il sera remplacé par le Canadien Wael Sawan, né en 1974, qui était jusqu'à présent basé à La Haye en tant que directeur des systèmes intégrés en gaz et renouvelables.
Diplômé des universités McGill (Canada) et Harvard (Etats-Unis), ce dernier a été auparavant directeur des activités d'exploration et production, et siégeait au comité exécutif du groupe depuis trois ans.
Le président du conseil d'administration, Andrew Mackenzie, a salué l'"extraordinaire carrière de 39 ans" de M. van Beurden chez Shell, "qui a culminé avec 9 années en tant qu'exceptionnel directeur général".
"Pendant la dernière décennie, (M. van Beurden) a été à l'avant-garde de la transition vers la neutralité carbone", a-t-il ajouté.
Il a souligné que le dirigeant démissionnaire "laisse derrière lui une entreprise rentable et solide avec un bilan robuste, des capacités de création de liquidité très fortes, et des options de croissance prometteuses".
M. van Beurden a piloté le groupe pendant la pandémie quand les cours des hydrocarbures s'étaient effondrés.
Ils ont depuis spectaculairement rebondi avec la reprise économique post-confinements liés au Covid-19, et depuis l'invasion russe de l'Ukraine, qui perturbe l'approvisionnement mondial.
Critiques
Shell a publié fin juillet un bénéfice net de 18 milliards de dollars pour le deuxième trimestre, grâce à l'envolée des prix du pétrole et gaz, des profits tels qu'ils ont fait polémique au Royaume-Uni et en France notamment en pleine crise du coût de la vie et flambée des factures énergétiques.
L'action de Shell réagissait peu jeudi, progressant de 0,15% à 2.344,50 pence vers 8h30 GMT à la Bourse de Londres, dans un marché en légère hausse.
"Cela a été un privilège et un honneur de servir Shell pendant presque quatre décennies", depuis des débuts comme ingénieur spécialiste du gaz naturel liquéfié, jusqu'au sommet de l'entreprise, déclare pour sa part M. van Beurden dans le communiqué.
Shell est régulièrement critiqué pour son impact sur l'environnement, et son assemblée générale en mai a notamment été largement chahutée par des militants écologistes.
En mai, une consultante de Shell avait démissionné avec fracas, accusant le géant pétrolier britannique d'"échouer complètement dans (son) ambition de transition vers la neutralité carbone".
Un investisseur institutionnel, Royal London Asset Management, avait aussi critiqué le plan de transition climat de Shell, estimant qu'il ne diminuait pas assez la consommation de pétrole du groupe.
L'entreprise a par ailleurs fait appel de la décision d'un tribunal néerlandais qui lui avait ordonné de réduire ses émissions de CO2 dans une affaire retentissante lancée par un collectif d'ONG.
En décembre, les actionnaires du géant des hydrocarbures avaient par ailleurs voté massivement en faveur du transfert du siège social du groupe des Pays-Bas vers le Royaume-Uni et du retrait de "Royal Dutch" du nom du groupe, né au début du XXe siècle de la fusion entre la société britannique Shell et la compagnie néerlandaise Royal Dutch.
"Il y a eu des remaniements importants dans la direction de Shell après le départ annoncé de la directrice financière Jessica Uhl en mars et le nouveau président du conseil d'administration Andrew Mackenzie nommé en mai l'an dernier", commente Victoria Scholar, analyste de Interactive Investors.
Pour elle, il n'est pas étonnant que M. Sawan, en charge des renouvelables, ait décroché le poste de directeur général, vu la transition énergétique en cours dans le groupe.
Shell entre dans "une nouvelle ère" avec le départ de M. van Beurden, note Neil Wilson, analyste de Markets.com, soulignant que la guerre en Ukraine a fait revenir au premier rang des priorités la sécurité énergétique, et donc le forage pétrolier et gazier.
Vu leurs "super-profits" et la guerre en Ukraine, les géants des hydrocarbures britanniques s'étaient vu imposer une taxe spéciale sur les bénéfices par Londres, mais la nouvelle Première ministre Liz Truss, qui a travaillé pour Shell plusieurs années avant son entrée en politique, a prévu d'y mettre un terme.