LONDRES: Le décès de la reine sera-t-il l'occasion d'enterrer la hache de guerre ? L'apparition symbolique samedi du prince Harry et de son épouse Meghan aux côtés de Kate et William, héritier de la couronne, fait naître l'espoir fragile d'une réconciliation au sein d'une famille royale endeuillée, mais divisée.
Cela avait pourtant mal commencé. Des photos montraient jeudi soir le prince Harry, 37 ans, seul dans sa voiture et les yeux humides, lors de son arrivée au château écossais de Balmoral: sa famille ne l'avait attendu ni pour décoller quelques heures plus tôt dans un jet de la Royal Air Force -espérant rejoindre à temps le chevet de la reine-, ni pour révéler officiellement sa mort 1H30 plus tôt.
Bien loin de l'iconique photo d'Harry et de son aîné William rassemblés derrière le cercueil de leur mère Diana en 1997, ce cliché disait "l'éloignement manifeste" des deux frères, estime auprès de l'AFP l'expert royal Richard Fitzwilliams.
Pourtant, deux jours plus tard, les deux frères ont créé la surprise, en se recueillant ensemble, avec leurs épouses Meghan et Kate, devant les fleurs déposées en mémoire de la reine au château de Windsor.
Avec cette sortie inattendue, ils ont volé la vedette à leur père Charles III, officiellement proclamé roi quelques heures plus tôt. "All 4 One", titre ainsi The Sun dans son édition de dimanche, préférant pour sa Une une image des jeunes couples plutôt que celle du monarque de 73 ans.
Surnommés un temps "les quatre fantastiques", William, Harry, Kate et Meghan ne s'étaient pas affichés publiquement ensemble depuis le 9 mars 2020, car réputés en froid depuis deux ans.
Pas de Meghan à Balmoral
La brouille a commencé avec la fracassante mise en retrait du couple de la monarchie en 2020, bien décidé à quitter le pays pour les Etats-Unis face notamment au harcèlement des tabloïds britanniques à l'encontre de Meghan.
Mais la rupture a réellement été consommée en mars 2021, lorsque les "Sussex" ont confié dans une interview explosive à la télévision américaine que Kate avait fait pleurer Meghan et accusé la famille royale de racisme. Un grand déballage bien loin de l'habituelle réserve de la "Firme".
Depuis, le prince Harry entretient des relations tendues avec son père, désormais roi Charles III, et son frère. D'autres sorties - comme la longue interview fin août dans le magazine The Cut, où Meghan met en garde la monarchie qu'elle est "libre de dire ce qu'elle veut" - viennent régulièrement raviver les blessures.
Devant l'état de santé déclinant de la reine, un porte-parole du couple, qui se trouvait à Londres pour un événement caritatif, avait annoncé qu'ils se rendraient au plus vite en Écosse. Mais quelques heures plus tard, c'est bien Harry seul qui y atterrissait, son épouse attendant à Windsor.
Une source anonyme affirme dans le tabloïd britannique The Sun que Charles III aurait dit au téléphone "à Harry que ça n'était ni bon ni approprié que Meghan vienne à Balmoral dans un moment aussi triste". D'autres imputent ce changement au fait que Kate, future reine, avait elle décidé de rester à Windsor.
«Rameau d'olivier»
Mais Charles III a créé la surprise le soir-même, évoquant directement son fils cadet et sa femme dans sa toute première allocution en tant que roi, leur envoyant tout son "amour alors qu'ils continuent de construire leur vie à l'étranger".
"Il leur a offert un rameau d'olivier", affirme M. Fitzwilliams, jugeant cette "référence directe" à Harry et Meghan "très intéressante", "car cela a mis la balle dans leur camp".
Très populaires auprès des jeunes, Harry et Meghan auraient cependant "beaucoup à perdre" s'ils continuaient à critiquer ouvertement la monarchie, risquant même selon l'expert d'être lâchés par leurs soutiens américains.
En ces temps de deuil national, "ça ne fait aucun doute que les faits et gestes des Sussex seront passés au crible" par le public, ajoute-t-il, estimant que le couple "assistera évidemment aux funérailles" de la reine, même si rien n'a été confirmé.
Le bain de foule conjoint des deux frères et de leurs épouses samedi après-midi devant Windsor, hautement symbolique, accrédite l'hypothèse selon laquelle la famille royale britannique espère offrir désormais au monde un front uni.
Pour autant, cet espoir reste fragile et le rameau d'olivier offert par Charles III l'est avec "une grande prudence", estime M. Fitzwilliams, car "il sait que (les Sussex) sont imprévisibles".
La monarchie craint en effet que le livre d'Harry, qui doit être publié d'ici la fin de l'année, ne contienne règlements de comptes et révélations. Mais "si Harry arrête d'être critique dans ses mémoires, alors c'est différent", juge-t-il, "C'est à eux de décider".