GENÈVE : Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, qui se réunit lundi pour un mois, semble paralysé par l'incertitude sur la route à suivre face aux allégations de graves violations en Chine et en Russie.
Le plus haut organe onusien de défense des droits de l'homme lance régulièrement des enquêtes sur des exactions commises à travers le monde, mais cela semble plus difficile à mettre en œuvre lorsqu'il s'agit de la Chine et de la Russie, deux membres permanents du Conseil de sécurité.
Les ONG ont pourtant redoublé de pression sur le Conseil des droits de l'homme (CDH), pointant du doigt les exactions commises dans la région chinoise du Xinjiang et l'intensification de la répression de la société civile par le Kremlin à la suite de l'invasion russe en Ukraine.
Mais construire une majorité au CDH n'est pas une partie gagnée d'avance.
«La façon dont le Conseil construit sa réponse va influer sur sa capacité à traiter des situations les plus graves dans les années qui viennent», indique un diplomate européen à l'AFP.
«Ce qui est en cause c'est la vision de l'universalité des droits de l'homme, c'est la vision du rôle du Conseil des droits de l'homme», relève-t-il.
- Nouvel ordre mondial? -
Ces derniers jours, l'attention s'est particulièrement portée sur la situation au Xinjiang, à la suite de la publication d'un rapport fin août par l'ancienne cheffe des droits de l'homme de l'ONU Michelle Bachelet évoquant des «crimes contre l'humanité».
Des études occidentales accusent depuis plusieurs années la Chine d'avoir interné plus d'un million de Ouïghours et de membres d'autres groupes ethniques musulmans dans des «camps de rééducation», voire d'imposer du «travail forcé» ou des «stérilisations forcées».
La Chine parle de «centres de formation professionnelle» et affirme que ce dispositif fait partie de la lutte contre l'extrémisme au Xinjiang, longtemps frappé par des attentats sanglants attribués à des séparatistes et islamistes ouïghours.
Le rapport exhorte l'ensemble des organes onusiens spécialisés en droits humains à se saisir du dossier.
Si la majorité des pays du Conseil «décidait qu'il ne fallait pas agir sur une situation aussi grave que celle que décrit le rapport (...) cela voudrait dire que nous sommes dans un autre ordre du monde, qui n'en serait que plus fragilisé», estime le diplomate européen.
Certaines ONG ont appelé les pays membres du CDH à organiser un débat urgent ou lancer une résolution pour nommer un expert.
- «L'inaction a un coût» -
«Les gouvernements devraient s'empresser d'ouvrir une enquête indépendante et de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les responsables rendent des comptes», assure John Fisher de Human Rights Watch.
Mais les pays occidentaux et leurs alliés ne sont pas sûrs d'obtenir la majorité au Conseil, constitué de 47 Etats membres.
«L'inaction a un coût, mais une action avortée à également un coût», fait remarquer un diplomate occidental.
Selon des observateurs, la Chine exerce en coulisse d'importantes pressions sur les pays pour contrer toute initiative à son encontre.
«Nous sommes prêts à être constructifs, mais si quiconque lance des actions conjointes contre nous, nous devons être pleinement préparés», a déclaré vendredi aux journalistes l'ambassadeur chinois Chen Xu auprès des Nations unies.
Les pays occidentaux pourraient reporter tout projet de résolution s'ils savent que les soutiens seront insuffisants.
«Il faut qu'on regarde attentivement si nous avons une majorité ou pas», reconnaît le diplomate européen.
Il en va de même sur le dossier russe.
Le CDH a lancé en mai une enquête de haut niveau sur les violations commises par les troupes russes en Ukraine. Mais des pressions croissantes s'exercent pour que l'organe s'intéresse également aux violations des droits de l'homme en Russie et crée un poste de Rapporteur spécial.
«Tout le monde est d'accord pour dire que c'est nécessaire... mais nous ne sommes pas tombés d'accord sur le calendrier», indique le diplomate occidental.
La Russie a été expulsée du CDH à la suite de l'invasion en Ukraine mais elle «ne manque pas de soutien et il faut avoir cela à l'esprit», pointe le diplomate européen.
«L'impact d'une résolution rejetée se ferait sentir pendant longtemps», prévient-il.