LYON: Après plusieurs mois de crispations sur les questions de sécurité à Lyon, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin revient dans cette ville vendredi pour rencontrer le maire écologiste Grégory Doucet et faire le point sur l'action de la police dans la troisième ville de France.
Fin juillet, les tensions se sont traduites par un boycott par le maire de la visite ministérielle organisée après l'agression de trois policiers, violemment pris à partie par une foule dans le quartier sensible de la Guillotière pendant l'interpellation d'un suspect.
Au coeur du contentieux: la question des effectifs de police nationale. "Ce n'est pas de ministre dont nous avons besoin mais de plus d'effectif", avait twitté Grégory Doucet en marge de la visite ministérielle, rappelant la promesse faite voici deux ans par M. Darmanin d'un renfort de 300 policiers nationaux.
Le ministre avait alors répondu avoir déjà envoyé "plus de 100 policiers" à Lyon en 2021, puis cette année une nouvelle CRS "à demeure" (soit 80 hommes) et 40 autres policiers.
Ces effectifs doivent être encore renforcés en 2023 par 200 policiers de la Police aux frontières (PAF), affectés dans un nouveau centre de rétention administrative. En annonçant l'ouverture de ce centre, M. Darmanin avait affirmé que "35% des faits de délinquance dans la métropole lyonnaise sont commis par des personnes étrangères".
Selon le préfet du Rhône Pascal Mailhos, l'arrivée d'une deuxième compagnie CRS a déjà permis d'accroitre les opérations à La Guillotière, avec quelque 4.000 contrôles et 400 interpellations depuis février. Il n'a pas été possible d'obtenir de chiffres sur l'évolution de la délinquance.
Ce quartier historiquement cosmopolite et animé, proche de l'hyper-centre de Lyon, polarise depuis plusieurs mois l'attention médiatique et donne des maux de tête aux autorités, du fait d'une recrudescence des petits trafics (cigarettes, drogue), des agressions et des incivilités.
Ces neufs derniers mois, la présence policière y a été accrue et, si certains alertent sur le déplacement de la délinquance, la situation semble peu à peu se normaliser.
«Deux jambes»
Le maire écologiste réclame des effectifs, mais le ministre lui, "attend des gestes notamment en matière d'aménagements et de vidéoprotection", a rappelé le préfet fin août.
Les critiques de Beauvau se concentrent sur la stratégie de la mairie en terme de sécurité, mais surtout sur sa réticence à déployer de nouvelles caméras ou sur le déport des images réclamé par la police nationale.
En juillet, Gérald Darmanin pointait même "la naïveté et le militantisme du maire", en écho aux reproches de l'opposition municipale et du président LR de la région Auvergne-Rhône- Alpes Laurent Wauquiez, qui fustigent un discours municipal très orienté vers la prévention.
Le maire, lui, a démenti toute forme d'angélisme, assurant vouloir marcher sur "deux jambes: la prévention et la répression".
Au printemps, dans le feu des campagnes présidentielle et législatives, M. Wauquiez était allé jusqu'à qualifier Lyon de "ville la plus dangereuse de France".
"Cela ne correspond pas à la réalité, il suffit de regarder les statistiques" qui placent Paris et Marseille devant Lyon, conteste Mohamed Chihi. L'adjoint au maire délégué à la sûreté fait en revanche amende honorable quant aux carences en agents municipaux pointées par le ministère.
"Nous rencontrons des difficultés dans le recrutement", admet M. Chihi, rappelant que la mairie a consenti un gros effort budgétaire pour faire grimper ses effectifs à 365 agents - contre 288 aujourd'hui - et "améliorer le sentiment de sécurité" des Lyonnais.
La visite ministérielle coïncide avec l'examen à venir du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi) qui prévoit la création de 8.500 postes de policiers et gendarmes supplémentaires en cinq ans.