PARIS: Dans le sillage de "Grand Prix", opus encensé, Benjamin Biolay sort "Saint-Clair", album "frontal et rock" baigné dans la lumière de Sète, une de ses villes de cœur à "l'identité forte".
"J'aime les diptyques", confesse à l'AFP le grand gagnant des Victoires de la musique 2021, rencontré à Paris. Il est d'ailleurs assis dans la même position sur les pochettes de "Grand Prix" (l'artiste est fan de Formule 1) et "Saint-Clair", 10e album prévu vendredi, au nom tiré du Mont Saint-Clair, point culminant de Sète.
Après le cycle argentin de celui qui possède aussi une maison à Buenos Aires (les albums "Palermo Hollywood" et "Volver") voici donc le second volet d'une période électrique où suinte l'amour des groupes à guitares comme The Strokes.
Cette énergie rock a été amplifiée par la frustration née de la crise sanitaire, entre report de la sortie de "Grand Prix" et annulation de la première tournée prévue pour le défendre sur scène.
"Se sentir mis hors jeu a déclenché une pulsion de survie alors que je commençais à avoir envie de refaire des chansons", décortique l'auteur-compositeur-interprète, bientôt 50 ans.
Le temps passé à répéter avec ses musiciens de scène en résidence puis à jouer quand les concerts ont enfin repris, a poussé "BB" à parer de l'intensité du live les nouvelles chansons nées en studio pour "Saint-Clair".
«Créer de la puissance»
"Après 18 mois de pause, un guitariste est timoré quand il rentre en studio; quand on est en tournée, on a un son particulier, alors en studio on peut créer de la puissance sans problème; ma voix, par exemple, est chaude, musclée".
"Saint-Clair" est riche en riffs, d'entrée avec "Les joues roses". Voilà pour la forme. Pour le fond, le charme de Sète, "cette ville spectaculaire, à l'identité très forte", colore une partie des textes.
"Ce n'est pas un hasard si cette ville a créé autant d'artistes, Georges Brassens, Paul Valéry, Jean Vilar, Agnès Varda -- Sétoise d'adoption -- Demi Portion -- un rappeur que j'adore -- les frères Di Rosa, Combas, né à Lyon, mais grandi à Sète", déroule Biolay.
Sur la pochette de "Saint-Clair", outre des adeptes des joutes nautiques de Sète (avec lances et boucliers), on voit une statue qui renvoie à "Sainte-Rita", un des morceaux. "C'est la sainte patronne des causes désespérées, la plus sollicitée en pensées et prières depuis la crise sanitaire", glisse-t-il, toujours furieux de l'absence de mention du secteur de la nuit dans les discours officiels durant les confinements.
«Censure pas de mise»
A propos de sainte, "Santa Clara" est un beau duo avec Clara Luciani évoquant "une fin d'été entre adultes". Car chez Biolay, les réflexions sur la foi côtoie son versant "païen" assumé.
Si le tandem avec Clara Luciani est sensuel, d'autres chansons sont plus crues, comme "Rends l'Amour !" ou "Numéros Magiques".
"Pour les textes, la censure n'était pas de mise sur cet album si on voulait un truc frontal, rock, en sueur", décrit l'artiste.
"Numéros Magiques" se distingue aussi avec des claviers rétro-futuristes capables de transformer les salles de concerts en boîtes de nuit. Une sorte de prolongement du "Nightclubbing" d'Iggy Pop.
Il y a aussi toujours des miniatures délicates chez Biolay, comme sur le titre "(Un) Ravel". L'occasion de rendre hommage en interview aux compositeurs classiques "Fauré, Debussy, Ravel, Poulenc qui étaient les Beatles de la France aux 19e-20e siècles".
Et pour la suite, dans quel décor pourrait être planté le prochain album ? Il y a plusieurs pistes. Mais parfois, quand Biolay se prélasse sur une plage à Sète et que ses pensées divaguent, le Mont Saint-Clair prend des allures "de Pain de Sucre à Rio". "Si je veux faire un truc là-bas, il faut attendre que Bolsonaro dégage pour que mes copains brésiliens musiciens reviennent à Rio, car ils sont exilés à Los Angeles", conclut-il.