FAZILPUR, Pakistan: Chauffeur routier dans le Pendjab, au Pakistan, Mureed Hussain, père de sept enfants, préparait le mariage de sa fille prévu en octobre, jusqu'à ce que les pluies inondent sa maison et détruisent avec elle la dot durement gagnée de la future mariée.
"Je constituais sa dot depuis près de trois ans", se lamente Hussain dans la cour de sa maison de quatre pièces, qu'il partage avec la famille de son frère. "Je subvenais aux besoins de la maison et dépensais aussi un peu pour sa dot", explique-t-il.
Des pluies de mousson record ont provoqué des inondations dévastatrices à travers le Pakistan, tuant plus de 1.200 personnes et recouvrant d'eau près d'un tiers du pays. Au total, plus de 33 millions de personnes ont été affectées.
Les habitants pauvres des régions rurales du pays, qui ont vu leur maison, leurs biens, leurs économies et leurs récoltes emportés par les eaux, ont été les plus touchés.
Le village de Hussain, près de la ville de Fazilpur dans la province du Pendjab, n'a pas échappé à la catastrophe. Des dizaines de bâtiments ont été détruits ou endommagés par les crues. Mais la pluie a aussi emporté le projet de mariage de la fille d'Hussain, Nousheen.
Chaque mois, le chauffeur de camion, qui gagne 17.000 roupies (80 euros), mettait de côté quelques milliers de roupies pour sa fille.
Au Pakistan, il est de coutume que les familles offrent des dots extravagantes lorsqu'une fille se marie.
Dans de nombreuses régions, il est d'usage que les parents commencent à économiser pour la dot de leurs filles dès le jour de leur naissance, et bien que le fait d'exiger une dot importante soit officiellement interdit par la loi, cette pratique est encore largement observée.
Les familles des mariés présentent souvent aux parents de leur future belle-fille une longue liste de demandes - y compris des meubles, des objets ménagers ou encore des vêtements. Dans le cas des familles aisées, cette liste peut même inclure des voitures et des maisons.
Ne pas fournir ces biens est considéré comme une honte et la future mariée est souvent maltraitée par sa belle-famille si cette dernière ne reçoit pas une dot décente.
«Tout recommencer»
"Je voulais ensuite marier mes deux autres filles et mon dernier fils. Je pensais que je pourrais le faire progressivement", relate Hussain.
A l'arrivée des inondations près de sa maison, le père de famille a fui avec sa femme et ses proches vers une gare voisine située sur un terrain surélevé. Lorsqu'il est revenu chez lui, il y a deux jours, avec sa femme et ses filles, ils n'ont pu que constater les ravages.
"Elles ont commencé à pleurer quand elles ont vu les dégâts", raconte-t-il.
Au fil des ans, sa femme Sughra Bibi avait acheté un lit et une coiffeuse réalisée sur mesure, ainsi qu'un presse-agrumes, une machine à laver, un fer à repasser, des draps et des édredons. Tout a été gravement endommagé par les eaux.
"C'est noirci, alors quiconque verra ça, dira que nous lui avons donné de vieilles choses", s'inquiète Sughra.
Le mariage a dû être annulé, mais Nousheen tente de faire bonne figure. "C'était censé être un moment heureux pour ma famille, et j'étais très excitée", confie à l'AFP la jeune femme de 25 ans.
"J'ai vu combien il était difficile pour mes parents de réunir cette dot pour moi. Maintenant, ils doivent tout recommencer", déplore la jeune femme.
"Devons-nous reconstruire notre maison, semer du blé ou marier nos enfants ? Ces trois choses sont si importantes pour nous", s'interroge désormais son père.