PARIS : «J’aimerais plus d’activités, avec plus d’éducateurs»: Assia, 9 ans, une enfant placée par l’Aide sociale à l’Enfance espère un quotidien meilleur au foyer «La Maison» à Charbonnières-les-Bains, près de Lyon, où elle vit avec 58 camarades.
«J’aimerais aussi plus de temps individuel avec les adultes pour parler des choses personnelles parce que ça me gêne un peu de parler devant tout le monde», poursuit la fillette en triturant son doudou.
Dans ce lieu géré par l'association Capso, les enfants sont répartis en quatre groupes selon leur âge et tous ceux interrogés par l'AFP demandent «plus d'éducateurs» - en écho des protestations des travailleurs sociaux qui dénoncent depuis longtemps la dégradation du système en France.
«On a tout le temps des remplaçants», regrette Inès, 13 ans, qui reproche à des éducateurs de «ne jamais jouer» avec les enfants.
«Ici, certains remplaçants sont un peu trop violents, ils ne donnent pas jusqu'à des coups mais leurs contentions sont un peu trop», confie l'adolescente.
Le manque d'éducateurs diplômés est un point noir pour les responsables de Capso, ici comme ailleurs en France.
Le responsable de «La Maison», Fabrice Jacquot, déplore «de grosses difficultés en terme de recrutement» en raison notamment des salaires et des contraintes horaires.
- «Repères et sécurité» -
Certains enfants «ont beaucoup de mal à dormir», ils ont «besoin d’énormément de sécurité et de repères», mais avec le roulement de personnel, ils «vont avoir encore plus de mal», explique Justine Ferrand, une éducatrice.
En cuisine, la maîtresse de maison Muriel Miagkoff, 52 ans, prépare une tarte pour les plus grands. En charge depuis 2015 de l'entretien, du linge ou des repas, elle se décrit comme «une maman à domicile».
Cette quinquagénaire dynamique qui dit travailler «avec son coeur» recueille les confidences: «j'étais loin d'imaginer que la détresse pouvait être aussi près de chez moi», lâche-t-elle.
«Ce que veulent les enfants, c'est qu'on les associe aux décisions qui les concernent et qu'on les aime», estime Gautier Arnaud-Melchiorre, un étudiant en droit placé dans sa jeunesse, auteur d'un rapport visant à accompagner «les professionnels qui essaient de bien faire» face aux logiques institutionnelles.
Pour lui, «l'avenir de la protection de l'enfance peut se construire autour de petites unités de vie», permettant notamment de cuisiner de manière familiale et non en commandant à une cuisine centrale, ou de se déplacer en voiture et non en minibus».
Ines, ainsi se plaint des moqueries dans son collège parce que le personnel du foyer vient la chercher dans «un gros van».
- «Grandir plus vite» -
«Il faut grandir plus vite que tout le monde quand t’arrives au foyer», confie Memet, 14 ans «et demi», placé dans un foyer Capso de la Loire, où il ne voit guère d'aspect positif au quotidien.
«Ce qui pourrait nous plaire, c'est qu'on soit beaucoup aidé, les +éducs+ sont là pour nous, mais voilà», résume-t-il. Il le sait: un éducateur qui a «11 enfants à coucher» ne peut «pas lire une histoire à tout le monde».
«Personne n'aimerait être au foyer. Ni moi, ni personne», confie Medina, 10 ans dont 7 en foyer. Cette frêle fillette nourrit deux rêves, «retourner chez (ses) parents» et être un jour «patronne» de son restaurant.
Ca l'inquiète de voir que «tellement» d'enfants «ont besoin du foyer, qu’on ne sait plus où les mettre». «Ces derniers temps, un petit de 2 ans et une petite de 4 ans sont venus dans le groupe des grands parce qu’il n’y avait plus de place et ça me fait de la peine», dit-elle, les joues mouillées de larmes.
En France, environ 300.000 enfants bénéficient d'une protection, dont 150.000 vivent en foyer ou en famille d'accueil.
Pour M. Arnaud-Melchiorre, «ce qui va améliorer la prise en charge des enfants, c'est le quotidien et la façon de prendre un enfant dans ses bras, de s'assurer qu'il a bien dormi, de jouer avec lui et cela, on ne peut pas l'inscrire dans une loi».
La loi la plus récente, votée en janvier, vise à améliorer les prises en charge avec notamment la proposition systématique d'un contrat aux jeunes majeurs, signant la fin des «sorties sèches» à 18 ans. Actuellement, selon l'Insee, près d'un SDF sur quatre (23 %) est un ancien enfant placé.