L'Autriche rattrapée par le jihadisme, ce n'était qu'une «question de temps»

L'Autriche a connu lundi, avec l'attaque au coeur de sa capitale, sa première tuerie de masse depuis des décennies (Photo, AFP)
L'Autriche a connu lundi, avec l'attaque au coeur de sa capitale, sa première tuerie de masse depuis des décennies (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 04 novembre 2020

L'Autriche rattrapée par le jihadisme, ce n'était qu'une «question de temps»

  • « Il s'agit d'une action d'ampleur, organisée, comme on en n'avait plus vu depuis les années 1980 »
  • « Il est évident que l'assaillant, malgré tous les signes extérieurs d'intégration dans la société, faisait exactement le contraire »

VIENNE : Jusqu'ici épargnée par la violence jihadiste, l'Autriche a connu lundi, avec l'attaque au coeur de sa capitale, sa première tuerie de masse depuis des décennies. Pour certains observateurs, ce n'était qu'une question de temps. 

« Il s'agit d'une action d'ampleur, organisée, comme on en n'avait plus vu depuis les années 1980, à l'époque des groupes palestiniens, un véritable test de résistance pour l'Autriche (...) un douloureux rappel que nous sommes désormais également en première ligne », écrivait dans son éditorial du jour d'après le journal libéral Der Standard. 

L'Autriche aime mettre en avant sa réputation de pays neutre, le fait qu'elle ne participe pas à des alliances militaires comme l'Otan mais cela ne l'empêche manifestement pas d'être une cible.

« Je ne suis pas surpris que cela arrive maintenant à Vienne étant donné que cela s'est produit à Nice, à Berlin ou à Bruxelles », analysait le professeur de Sciences politiques Thomas Schmidinger.

Selon ce spécialiste du jihadisme, « toute cette nébuleuse (de l'Etat islamique) est déjà présente depuis un certain temps à Vienne ». Mais sans passer à l'action, jusqu'à cette attaque qui a été pensée et menée selon lui « pour faire le plus de victimes possible ».

Technique de « dissimulation »

Cette attaque, la première que les Autrichiens ont eu à vivre en temps réel et revendiquée par l'organisation Etat islamique, a été menée lundi soir, dans le centre animé de Vienne par un jeune Autrichien radicalisé. 

L'assaillant, tué par la police, Kujtim Fejzulai, 20 ans, avait été condamné en avril 2019 à 22 mois de prison pour avoir tenté de rejoindre la Syrie mais avait été libéré de manière anticipée. 

Intégré dans un programme de « déradicalisation », il avait réussi à « tromper » les personnes chargés de son suivi, a déploré le ministre autrichien de l'Intérieur Karl Nehammer.

« Il est évident que l'assaillant, malgré tous les signes extérieurs d'intégration dans la société, faisait exactement le contraire » de ce qu'il voulait montrer en privé, a ajouté le ministre en référence à la « Taqiya », la technique de « dissimulation », prônée par certains recruteurs jihadistes.

Selon le ministère de l'Intérieur, entre 2011 et 2018, quelque 300 candidats au jihad ont quitté ou tenté de quitter le territoire pour aller combattre en Syrie et en Irak, dont 50 ont été interpellés en route, 40 ont trouvé la mort sur place et 90 sont rentrés en Autriche.

« Ce que l'on peut affirmer, c'est qu'il s'agit de terrorisme domestique, commis par une personne qui a grandi à Vienne et est ensuite passée à l'acte ici », estime Thomas Schmidinger.

« Île des bienheureux »

Né à Moedling, au sud de Vienne, Kujtim Fejzulai, nom à consonances albanaises, a des racines en Macédoine du Nord.

Dans un discours télévisé adressé à ses compatriotes au lendemain de la tragédie, le chancelier Sebastian Kurz a dit partager la vision de beaucoup de ses compatriotes d'une « île des bienheureux, où nous ne connaissons que la violence et la terreur qui se passent ailleurs ». 

Il faut remonter à 1995 pour retrouver trace d'un attentat aussi meurtrier que celui de lundi soir: une attaque raciste contre la minorité Rom avait alors fait 4 morts. 

Dans les années 1980, l'Autriche avait par ailleurs connu une série d'attentats par des militants palestiniens, notamment contre un bureau de la compagnie aérienne israélienne El-Al à l'aéroport de Vienne.

En décembre 1975, il y avait eu la prise en otage des ministres du pétrole des pays de l'Opep, à Vienne, par Ilich Ramirez Sanchez, alias Carlos.

Mais au cours des dernières années, l'Autriche a été plutôt épargnée par les attaques à caractère islamiste. Les crimes violents, règlements de comptes ou les agressions par armes à feu y sont extrêmement rares, malgré une législation laxiste sur le port des armes en raison d'une pratique répandue de la chasse. 

« La triste vérité est que même si nous avons la chance de vivre dans un pays essentiellement sûr, malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde sûr », a fait valoir Sebastian Kurz dans son adresse aux Autrichiens. 

Sur une note nettement plus politique, le chancelier conservateur a exhorté mardi soir, dans un entretien au quotidien allemand Die Welt, l'Union européenne à lutter contre l' « islam politique », une « idéologie » qui représente un « danger » pour le « modèle de vie européen ».


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.