ISLAMABAD: L'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan a accusé jeudi le gouvernement d'essayer d'obtenir un "KO technique" contre lui, après sa libération sous caution pour des accusations portées en vertu de la loi antiterroriste au Pakistan.
La comparution de M. Khan devant un tribunal antiterroriste est le dernier acte de mois de querelles politiques débutées en avril, quand l'ancien joueur star du cricket a été renversé par une motion de censure à l'Assemblée nationale.
Fort d'un soutien partisan intacte, il parvient depuis à organiser de vastes rassemblements contre le gouvernement du Premier ministre Shehbaz Sharif. Son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), a même remporté récemment un scrutin provincial.
Le jugement du tribunal n'était pas immédiatement disponible, mais M. Khan a bénéficié d'une "libération provisoire" jusqu'au 1er septembre, ont indiqué des responsables du PTI.
M. Khan et d'autres hauts responsables de son parti ont fait l'objet d'une série d'accusations depuis leur éviction du pouvoir.
La dernière en date contre M. Khan résulte de ses déclarations lors d'un rassemblement le week-end dernier, quand il a critiqué un magistrat signataire du mandat d'arrêt d'un responsable du PTI, détenu depuis une semaine et qui, selon les dirigeants du parti, a été torturé en détention.
À l'extérieur du tribunal jeudi, Imran Khan est apparu impénitent, assurant que le gouvernement avait peur à cause de sa popularité.
"C'est à cause de cette peur qu'ils cherchent un KO technique. Juste pour se sauver eux-mêmes, ils se moquent du pays", a-t-il déclaré.
La crise politique survient au moment où les autorités font face à d'importantes inondations dans une grande partie du pays, causées par des pluies de mousson records.
Selon les derniers chiffres publiés jeudi par l'agence nationale des catastrophes naturelles, 903 personnes sont mortes depuis juin, et plus de 180 000 ont dû évacuer leurs maisons.
L'économie est également souffrante, et le pays risque de ne pas rembourser ses prêts étrangers si le Fonds monétaire international n'approuve pas la reprise d'un plan de sauvetage de 6 milliards de dollars la semaine prochaine.
Le pays a l'habitude de voir les dirigeants politique utiliser la police et la justice pour étouffer des opposants, et l'actuel Premier ministre fait encore l'objet de plusieurs poursuites judiciaires du temps qu'il était dans l'opposition.
«République bananière»
Un haut responsable du PTI, Shahbaz Gill, est détenu depuis près de deux semaines après avoir été arrêté à la suite d'une interview télévisée dans laquelle il exhortait les officiers de l'armée à désobéir aux ordres contraires aux intérêts du pays.
M. Khan a affirmé que M. Gill avait été torturé et abusé sexuellement en détention, et a promis de prendre des mesures contre les responsables.
"Cela inclut l'inspecteur général et l'inspecteur général adjoint de la police, et un magistrat qui l'a envoyé en détention provisoire tout en sachant qu'il était torturé", a-t-il déclaré.
Pour M. Khan, le gouvernement a transformé le pays en une "république bananière". "Il n'y a pas de loi ici et n'importe quelle accusation peut être portée contre n'importe qui", a-t-il jugé.
Selon des analystes, le principal objectif de l'ancien Premier ministre est d'obtenir des élections législatives anticipées - les prochaines doivent se tenir d'ici octobre 2023-, mais le gouvernement n'a montré aucun signe en ce sens.
"Si une élection n'est pas convoquée rapidement, cela va encore accroître la popularité d'Imran Khan, il ne devrait donc pas s'inquiéter", estime Talat Masood, ancien général et désormais analyste politique, interrogé par l'AFP.
"Ces manifestations massives montrent qu'Imran Khan est soutenu par des millions de partisans, mais cela montre aussi que le public se désintéresse de la démocratie parlementaire", ajoute-t-il.
Imran Khan avait été élu en 2018 sur la promesse de mettre fin à la corruption. Mais le soutien populaire dont il bénéficiait s'est ensuite érodé face aux difficultés économiques.
Sous son règne, les indicateurs économiques du pays ont chuté, et le FMI a suspendu un programme de prêts de 6 milliards de dollars, que le nouveau gouvernement vient seulement de remettre sur les rails.
Khan a également perdu le soutien de l'armée.
Talat Masood doute que l'ancien Premier ministre soit emprisonné pour l'une des charges qui pèsent contre lui. "Les tribunaux pourraient lui infliger une amende, mais une action plus dure serait contre-productive", estime-t-il.