BEYROUTH: Le secteur public et le système juridique libanais sont soumis à des tensions croissantes en raison d'un mouvement de grève lié à la chute des salaires qui prend de plus en plus d’ampleur dans ce pays en crise.
Des centaines de juges ont poursuivi leur grève jeudi dernier pour protester contre le fait que leurs salaires sont basés sur un taux de change de 1 507 livres libanaises pour un dollar (1 dollar = 0,99 euro).
Les fonctionnaires ont également décidé de se mettre en grève pour la même raison, malgré l'octroi d'une aide mensuelle.
Pendant ce temps, les professeurs d'université libanais poursuivent leur grève illimitée, tandis que les étudiants attendent la reprise du travail pour pouvoir passer les examens finaux de l'année dernière.
Le Liban a pris des mesures préliminaires pour augmenter le taux douanier du dollar de 1 507 livres libanaises – le taux adopté avant que la crise économique ne frappe, il y a trois ans – à 20 000 livres.
Cette mesure a semé la confusion sur les marchés, ajoutant au chaos ambiant.
Le dollar des douanes est la devise utilisée pour calculer la valeur douanière des importations. Il est payé en livres libanaises.
Jeudi, le Premier ministre intérimaire, Najib Mikati, a envoyé une lettre au ministre des Finances, Youssef Khalil, pour lui demander d'adopter le taux du dollar douanier de 20 000 livres.
Khalil a fait part de cette décision lors d’une réunion consultative ministérielle élargie.
Le comité ministériel jouit de pouvoirs exceptionnels qui lui permettent d'ajuster le taux douanier du dollar sans avoir besoin de l'approbation du Cabinet.
Amin Salam, le ministre de l'Économie par intérim, a déclaré jeudi lors d'une conférence de presse que la décision préliminaire ferait l'objet de discussions entre le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque centrale.
M. Salam a déclaré que l'impact du nouveau taux du dollar douanier sur les prix des marchandises serait «insignifiant», ajoutant que le taux actuel n'était plus équitable.
«Nous voulons ajuster les salaires des fonctionnaires», a-t-il précisé.
Il a également exprimé la crainte que les commerçants ne stockent des marchandises pour les vendre plus tard selon le nouveau taux.
«Nous attendons que les commerçants nous fournissent les listes des marchandises qu'ils ont achetées précédemment», a indiqué le ministre.
Les denrées alimentaires qui seront soumises au dollar douanier peuvent être remplacées par des produits alternatifs disponibles au Liban afin d'encourager le secteur industriel et l'industrie libanaise, a-t-il ajouté.
M. Salam a fait savoir que les fromages et les légumes en conserve coûteux faisaient partie des produits qui seront soumis au dollar douanier.
Il a mis en garde les commerçants contre la fixation du prix des anciens produits en fonction du nouveau taux du dollar douanier.
Le dollar douanier est l'un des principaux éléments qui alimentent le Trésor libanais. Ce dernier perçoit un pourcentage du prix des marchandises importées.
Le député Ibrahim Kanaan, président de la Commission parlementaire des finances et du budget, a déclaré qu'il doutait que le dollar douanier tienne compte des moyens et des besoins des gens.
«Comment pouvons-nous établir le dollar douanier? Quels sont les biens couverts et non couverts, et qui va contrôler les prix?», a-t-il demandé.
Quatre taux sont actuellement adoptés au Liban par l'État et les banques, en plus du taux du marché noir, qui a atteint environ 33 000 livres libanaises pour un dollar jeudi dernier.
Les analystes économiques ont prédit que le pays allait connaître une nouvelle vague d'augmentation des prix alors que les mesures de Sécurité sociale apparaissent négligeables face à l'aggravation des pressions économiques.
Les observateurs redoutent que cela n'encourage les contrebandiers à traverser la frontière libano-syrienne.
Hani Bohsali, chef du syndicat des importateurs de produits alimentaires, a confié à Arab News: «Il n'y a plus de produits de luxe. Si l'on veut parler logiquement et mettre les choses en perspective, les intérêts des Libanais passent avant ceux des commerçants.»
M. Bohsali a indiqué que le dollar douanier «affecterait les huiles et les légumes en conserve, et nous craignons que ceux qui réclament une augmentation de salaire n'en demandent une autre après quelque temps».
Il a ajouté: «Nous allons tous payer le prix de décisions irréfléchies et en subir les conséquences.»
«Savons-nous quelles sont les répercussions de l'augmentation du dollar douanier? Est-ce que cela va vraiment profiter à l'État? Ils l'ont calculé sur la base de la situation actuelle, mais que se passerait-il si la valeur des importations diminuait de moitié en raison du faible pouvoir d'achat des Libanais?»
Le député Ziad Hawat a précisé que l'augmentation du taux sans un plan économique complet ne permettrait pas d'atteindre les objectifs souhaités.
Il a appelé à une consolidation du taux de change au lieu de «voler les dépôts des gens».