En Ukraine, les combats autour de la centrale nucléaire ravivent les souvenirs de Tchernobyl

Anastasia Roudenko, veuve d'un «liquidateur» décédé de Tchernobyl, coupe une pastèque dans son jardin à Vyschetarasivka, de l'autre côté de la rivière depuis la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, le 13 août 2022 (Photo, AFP).
Anastasia Roudenko, veuve d'un «liquidateur» décédé de Tchernobyl, coupe une pastèque dans son jardin à Vyschetarasivka, de l'autre côté de la rivière depuis la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, le 13 août 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 14 août 2022

En Ukraine, les combats autour de la centrale nucléaire ravivent les souvenirs de Tchernobyl

  • Depuis le 5 août, Kiev et Moscou s'y accusent mutuellement de bombardements
  • Les frappes ont atterri une fois près d'un bâtiment de stockage radioactif, et ont une autre fois provoqué l'arrêt automatique du réacteur n°3 de la plus grande centrale nucléaire d'Europe

VYCHTCHETARASSIVKA, Ukraine: Anastasia Roudenko serre la médaille en or que son mari Viktor a reçue pour avoir travaillé comme "liquidateur" après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Il est mort en 2014, d'un cancer de la vessie, conséquence selon elle des radiations.

Dans son village de Vychtchetarassivka, à une poignée de kilomètres de la centrale nucléaire de Zaporijjia, Mme Roudenko s'emploie maintenant à faire reconnaître le rôle des radiations dans le décès de son époux.

De l'autre côté du fleuve, à 14 kilomètres à peine, impossible de ne pas voir la silhouette imposante de la centrale.

Depuis le 5 août, Kiev et Moscou s'y accusent mutuellement de bombardements. Les frappes ont atterri une fois près d'un bâtiment de stockage radioactif, et ont une autre fois provoqué l'arrêt automatique du réacteur n°3 de la plus grande centrale nucléaire d'Europe.

L'Ukraine affirme que Moscou lance des attaques et stocke armes et soldats près de la centrale, profitant de l'impossibilité pour l'armée ukrainienne de riposter.

"Nous pourrions connaître le même sort que les habitants de Tchernobyl", soupire Mme Roudenko, 63 ans. "Il ne se passe rien de bon et nous ne savons pas comment ça va se terminer".

Dans «la zone»

L'Ukraine reste profondément marquée par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, dans le nord de l'Ukraine, en avril 1986. Un réacteur a explosé, provoquant le plus important accident nucléaire civil de l'histoire et dégageant un nuage radioactif qui s'est propagé sur toute l'Europe.

En quatre ans, 600 000 "liquidateurs" ont été dépêchés sur les lieux avec une faible, voire aucune, protection pour éteindre l'incendie et nettoyer les territoires alentour.

Le bilan humain de la catastrophe fait toujours débat. L'ONU ne reconnaît qu'une trentaine de morts chez les opérateurs et pompiers tués par des radiations aiguës juste après l'explosion, quand l'ONG antinucléaire Greenpeace a évalué en 2006 à 100 000 le nombre de décès.

Viktor Roudenko a conduit un camion dans "la zone" pendant 18 jours. Un ruban en or lui a été décerné par l'Union soviétique, montrant des atomes tournant autour de la "cloche de Tchernobyl", un symbole des lieux.

Un document en mauvais état, provenant des archives du ministère ukrainien de la Défense, certifie le travail de Viktor et la dose de radiation qu'il a absorbée: 24,80 roentgen.

"Quand je vois les papiers de mon mari, je ressens de la douleur", explique Anastasia Roudenko: "De nombreuses personnes sont mortes ou ont été blessées pour toujours".

Evoquant les bombardements sur le terrain de la centrale, visibles de chez elle, elle affirme que "les gens disent qu'il y a des fuites, mais ils évitent de l'avouer publiquement".

«Liquidateurs» vivants

Au début de l'invasion de l'Ukraine, les troupes russes se sont aussi emparées de la centrale de Tchernobyl, toujours en activité, mais les lieux ont été abandonnés quelques semaines plus tard, quand l'échec de la prise de Kiev a poussé Moscou à replier ses soldats.

La centrale de Zaporijjia a elle aussi été occupée dès les premiers jours de la guerre, au terme de brefs combats ayant déjà créé la peur. Elle est depuis resté aux mains des Russes: le fleuve Dnipro trace la limite des territoires occupés par Moscou et ceux aux mains de Kiev.

Vassyl Davidov affirme que trois "liquidateurs" vivent encore à Vychtchetarassivka, un ensemble bucolique de petites cabines ayant une vue imprenable sur le fleuve, immense à cet endroit, et au loin sur les tours de refroidissement de la centrale.

Il est l'un d'eux: il a passé trois mois et demi à travailler à la décontamination de Tchernobyl, effectuant 102 voyages dans la "zone", utilisant un dosimètre pour mesurer les niveaux de radiation tandis qu'il rasait les maisons contaminées.

Dans son jardin, sur un congélateur transformé en table de fortune, l'homme de 65 ans déballe ses médailles. L'une d'elles représente la figure mythologique d'Atlas tenant le monde, l'image du globe terrestre remplacée par la centrale de Tchernobyl.

Il y a aussi des photos. De Vassyl Davidov en uniforme militaire, posant avec des camarades devant un panneau déclarant "Soldat! Nous allons redonner vie au sol de Tchernobyl."

"J'étais là. J'ai tout vu, et j'ai vu l'ampleur" des dégâts, assure M. Davidov.

Il en faut plus pour l'effrayer. Quelques jours après la prise de la centrale par les troupes russes en mars, des comprimés d'iode ont été distribués dans le village en cas d'urgence mais le temps passé dans "la zone" semble l'avoir habitué à la menace.

"Si vous croyez tout ce qu'on vous dit, il y a de quoi devenir fou", sourit-il: "Alors vous utilisez votre expérience comme un filtre. Qu'est-ce que la peur va me faire? Comment pourrait-elle m'aider?"


Iran: la lauréate du prix Nobel de la Paix Mohammadi se dit «menacée d'élimination physique», selon le comité Nobel

La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique" par les autorités iraniennes, a indiqué vendredi le comité Nobel qui s'est entretenu avec elle par téléphone. (AFP)
La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique" par les autorités iraniennes, a indiqué vendredi le comité Nobel qui s'est entretenu avec elle par téléphone. (AFP)
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  • La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique"
  • Ces menaces "montrent clairement que sa sécurité est en jeu, à moins qu'elle ne s'engage à mettre fin à tout engagement public en Iran"

OSLO: La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique" par les autorités iraniennes, a indiqué vendredi le comité Nobel qui s'est entretenu avec elle par téléphone.

Ces menaces "montrent clairement que sa sécurité est en jeu, à moins qu'elle ne s'engage à mettre fin à tout engagement public en Iran" ainsi qu'à "toute apparition dans les médias", ajoute le comité Nobel dans un communiqué. Mme Mohammadi a été récompensée en 2023 pour "son combat contre l'oppression des femmes en Iran et pour la promotion des droits de l'homme".

 


Accord franco-britannique sur un échange de migrants au dernier jour de la visite d'Etat de Macron

Le Premier ministre britannique Keir Starmer (G) et le président français Emmanuel Macron s'adressent à une conférence de presse conjointe à la suite d'une réunion de la Coalition des volontaires sur une base militaire au quartier général de Northwood, au nord-ouest de Londres, le 10 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre britannique Keir Starmer (G) et le président français Emmanuel Macron s'adressent à une conférence de presse conjointe à la suite d'une réunion de la Coalition des volontaires sur une base militaire au quartier général de Northwood, au nord-ouest de Londres, le 10 juillet 2025. (AFP)
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  • La France et le Royaume-Uni se sont mis d'accord jeudi sur un "projet pilote" d'échange de migrants à l'issue de la visite d'Etat du président français Emmanuel Macron
  • L'accord prévoit le renvoi en France d'un migrant arrivant au Royaume-Uni par petit bateau, en échange de quoi Londres s'engage à accepter un migrant se trouvant en France

Northwood, Royaume-Uni: La France et le Royaume-Uni se sont mis d'accord jeudi sur un "projet pilote" d'échange de migrants à l'issue de la visite d'Etat du président français Emmanuel Macron, alors que les traversées de la Manche atteignent des chiffres record.

Cet accord, qui doit encore être soumis à la Commission européenne avant d'être signé, repose sur le principe de "un pour un".

Il prévoit le renvoi en France d'un migrant arrivant au Royaume-Uni par petit bateau, en échange de quoi Londres s'engage à accepter un migrant se trouvant en France et exprimant sa volonté, via une plateforme en ligne, de s'installer au Royaume-Uni et justifiant de liens avec ce pays.

"Pour la première fois, les migrants arrivant par petits bateaux seront arrêtés puis renvoyés rapidement en France", a déclaré le Premier ministre britannique Keir Starmer, lors d'une conférence de presse sur la base militaire de Northwood (nord-ouest de Londres), se réjouissant d'un accord "révolutionnaire" sur un projet susceptible de démarrer "dans les prochaines semaines".

Plus de 21.000 migrants ont traversé la Manche depuis le début de l'année, un niveau record qui accroît la pression sur le dirigeant travailliste, au moment où le parti anti-immigration Reform UK de Nigel Farage monte en puissance dans l'opinion.

Emmanuel Macron a quant à lui mis en cause le Brexit, soulignant qu'il n'existait plus depuis lors "aucun accord migratoire avec l'Union européenne" et que cela créait une "incitation" à traverser la Manche. Il a estimé que ce projet pilote "exercera un effet très dissuasif sur le modèle des passeurs et sur les traversées".

Aucune précision chiffrée n'a été apportée sur cet accord, trouvé après d'intenses négociations lors d'un sommet bilatéral en conclusion d'une visite d'Etat de trois jours du président français, la première pour un chef d'Etat de l'UE depuis le Brexit en 2020.

Le chiffre évoqué dans la presse de 50 migrants par semaine échangés - jugé insuffisant par l'opposition conservatrice - n'a pas été confirmé.

- Dissuasion nucléaire -

"Cet accord est une humiliation", a fustigé Nigel Farage. "Nous avons agi comme un membre de l'Union européenne et nous sommes inclinés devant un président français arrogant", a-t-il écrit sur X.

L'ONG Médecins sans frontières a de son côté jugé que ce projet n'était "pas seulement absurde", mais "aussi extrêmement dangereux".

Pour sa part, le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a salué un projet qui, "s'il est mis en œuvre de manière appropriée", pourrait "offrir un accès à la protection aux demandeurs d’asile et réfugiés des deux côtés de la Manche".

Reste que cinq pays de l'UE -Espagne, Grèce, Italie, Malte et Chypre- avaient exprimé en juin leur "préoccupation", craignant que la France ne renvoie ensuite les migrants vers le premier pays de l'UE dans lequel ils sont arrivés.

La France et le Royaume-Uni ont aussi acté un rapprochement d'ampleur en matière de dissuasion nucléaire, en signant une déclaration stipulant que leurs moyens respectifs pourront "être coordonnés".

La souveraineté des deux pays - seuls à disposer du feu nucléaire en Europe - restera entière, mais "tout adversaire menaçant les intérêts vitaux du Royaume-Uni ou de la France pourrait être confronté à la puissance des forces nucléaires des deux nations".

Les deux Etats stipulent aussi "qu'il n'existe aucune menace extrême sur l'Europe qui ne susciterait une réponse des deux pays".

Un message à destination de Moscou, quand plusieurs pays de l'est de l'Europe craignent de possibles velléités expansionnistes russes.

- Satellites -

Outre le volet nucléaire, le Royaume-Uni et la France doivent accélérer le programme conjoint de missiles de croisière Scalp/Storm Shadow, et lanceront une nouvelle phase du projet de futurs missiles de croisière et de missiles antinavires, dont le développement s'était quelque peu enlisé.

Les accords de Lancaster House encadrant la coopération militaire bilatérale depuis 2010 avaient entériné la création d'une force expéditionnaire conjointe franco-britannique.

Cette force, qui pourrait servir de socle à une future force internationale de garantie d'un cessez-le-feu en Ukraine, va voir ses effectifs renforcés pour atteindre "jusqu'à 50.000 hommes" mobilisables "dans un engagement majeur", a indiqué Emmanuel Macron.

Les deux dirigeants ont assuré que les plans de la coalition des pays volontaires pour garantir un futur cessez-le-feu entre Kiev et Moscou étaient "prêts", à l'occasion d'une réunion en visioconférence de représentants de ces pays, à laquelle ont également pris part l'émissaire américain Keith Kellogg, ainsi que le sénateur républicain Lindsay Graham et le sénateur démocrate Richard Blumenthal qui prônent des sanctions drastiques contre la Russie.

Cette coalition a un nouveau quartier général à Paris, coprésidé par le Royaume-Uni et la France, qui sera transféré à Londres au bout de douze mois.

Sur le Proche-Orient, le chef de l'Etat français a appelé à une reconnaissance commune de l'Etat de Palestine par la France et le Royaume-Uni, pour "initier (une) dynamique politique qui est la seule conforme à une perspective de paix".

Mais Keir Starmer a semblé peu convaincu de l'urgence d'une telle décision, estimant que "l'accent doit maintenant être mis sans relâche sur l'obtention d'un cessez-le-feu".


Pourparlers de paix sans résultats entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan à Abou Dhabi

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azerbaïdjanais Ilham Aliev se sont retrouvés jeudi dans la capitale des Emirats arabes unis, ont annoncé leurs cabinets. (AFP)
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azerbaïdjanais Ilham Aliev se sont retrouvés jeudi dans la capitale des Emirats arabes unis, ont annoncé leurs cabinets. (AFP)
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  • Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azerbaïdjanais Ilham Aliev se sont retrouvés jeudi dans la capitale des Emirats arabes unis, ont annoncé leurs cabinets
  • A l'issue de cette rencontre, deux communiqués séparés ont été publiés, qui ne comportent aucun signe d'avancée en vue d'une finalisation de l'accord de paix sur lequel les deux Etats voisins s'étaient pourtant entendus en mars

ABOU DHABI: Aucun progrès tangible vers un accord de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan n'a été réalisé à l'issue d'une rencontre jeudi à Abou Dhabi entre les dirigeants de ces deux pays du Caucase, empêtrés dans un conflit territorial depuis des décennies.

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azerbaïdjanais Ilham Aliev se sont retrouvés jeudi dans la capitale des Emirats arabes unis, ont annoncé leurs cabinets.

A l'issue de cette rencontre, deux communiqués séparés ont été publiés, qui ne comportent aucun signe d'avancée en vue d'une finalisation de l'accord de paix sur lequel les deux Etats voisins s'étaient pourtant entendus en mars après de très longues négociations.

Le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères a cependant indiqué que les dirigeants "se sont mis d'accord pour poursuivre les négociations bilatérales et mettre en place des mesures destinées à renforcer la confiance entre les deux pays".

Avant toute signature, l'Azerbaïdjan avait présenté une liste d'exigences à l'Arménie dont l'ajout d'amendements à la Constitution arménienne incluant l'abandon de toute revendication territoriale sur la région contestée du Karabakh.

Bakou et Erevan se sont affrontés lors de deux guerres pour le contrôle de ce territoire montagneux que l'Azerbaïdjan a finalement repris aux séparatistes arméniens lors d'une offensive éclair en 2023.

En début de semaine, le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio avait exprimé l'espoir de la conclusion d'un accord de paix rapide entre Bakou et Erevan.

La dernière rencontre entre MM. Aliev et Pachinian remonte à mai, lors du sommet de la Communauté politique européenne en Albanie, où les dirigeants de l'UE avaient également appelé à conclure un accord au plus vite.