Afghanistan: dans les écoles clandestines, les filles défient les talibans

Dans cette combinaison d'images, les femmes afghanes persistent à poursuivre leurs études malgré les dures restrictions imposées par les dirigeants talibans. (Photos, AFP)
Dans cette combinaison d'images, les femmes afghanes persistent à poursuivre leurs études malgré les dures restrictions imposées par les dirigeants talibans. (Photos, AFP)
Short Url
Publié le Samedi 13 août 2022

Afghanistan: dans les écoles clandestines, les filles défient les talibans

  • Pour les talibans, en règle générale, les femmes ne doivent quitter leur domicile qu'en cas d'absolue nécessité
  • Des centaines de milliers de filles et de jeunes femmes afghanes comme Nafeesa sont privées de toute possibilité de suivre une scolarité depuis le retour au pouvoir des talibans à Kaboul il y a un an

KABOUL: Nafeesa a trouvé l'endroit idéal pour cacher ses manuels scolaires: dans la cuisine, où les hommes s'aventurent rarement, et à l'abri du regard désapprobateur de son frère taliban.

"Les garçons n'ont rien à faire dans la cuisine, alors j'y range mes livres", explique Nafeesa, 20 ans, qui fréquente une école clandestine dans un village rural de l'est de l'Afghanistan.

"Si mon frère l'apprenait, il me battrait", lance-t-elle.

Des centaines de milliers de filles et de jeunes femmes afghanes comme Nafeesa sont privées de toute possibilité de suivre une scolarité depuis le retour au pouvoir des talibans à Kaboul il y a un an.

Les fondamentalistes islamistes ont imposé de sévères restrictions aux filles et aux femmes afin de les soumettre à leur conception intégriste de l'islam.

Elles ont été largement exclues des emplois publics et ne sont pas autorisées à faire de longs trajets sans être accompagnées d'un proche parent masculin.

Elles doivent se couvrir entièrement en public, y compris le visage, idéalement avec la burqa, un voile intégral avec une grille en tissu au niveau des yeux, largement porté dans les régions les plus isolées et conservatrices du pays.

Avant même le retour au pouvoir des talibans, l'immense majorité des Afghanes étaient déjà voilées, ne serait-ce qu'avec un foulard lâche.

Pour les talibans, en règle générale, les femmes ne doivent quitter leur domicile qu'en cas d'absolue nécessité.

Mais la privation sans doute la plus brutale a été la fermeture en mars des écoles secondaires pour filles dans de nombreuses régions, juste après leur réouverture pourtant annoncée de longue date.

En dépit des risques et parce que la soif d'apprendre reste intacte, des écoles clandestines ont rapidement vu le jour à travers tout le pays, souvent dans les pièces de maisons privées ordinaires.

Des journalistes de l'AFP ont pu se rendre dans trois d'entre elles, à la rencontre des élèves et des enseignantes, dont les prénoms ont été modifiés pour préserver leur sécurité.

Voici leur histoire.

«Nous voulons la liberté»

A 20 ans, Nafeesa étudie encore les matières du secondaire, mais le système éducatif afghan a été bouleversé par des décennies de guerres dans le pays.

Seules sa mère et sa sœur aînée savent qu'elle suit des cours. Pas son frère, qui a combattu dans les montagnes pendant des années avec les talibans contre l'ancien gouvernement et les forces étrangères, et n'est rentré chez lui qu'après la victoire des islamistes en août dernier.

Le matin, il lui permet de fréquenter une madrassa pour étudier le coran, mais l'après-midi, à son insu, elle se faufile dans une salle de classe clandestine organisée par l'Association révolutionnaire des femmes d'Afghanistan (RAWA).

"Nous avons accepté ce risque, sinon nous resterions sans éducation", explique Nafeesa.

"Je veux être médecin (...) Nous voulons faire quelque chose pour nous-mêmes, nous voulons avoir la liberté, être utile à la société et construire notre avenir", clame la jeune femme.

Lorsque l'AFP s'est rendue à son cours, Nafeesa et neuf autres filles discutaient de la liberté d'expression avec leur enseignante, assises côte à côte sur un tapis et lisant à tour de rôle un manuel à haute voix.

Pour se rendre en classe, elles quittent souvent leur maison des heures plus tôt, empruntant des itinéraires différents pour éviter d'être remarquées, dans une région où les pachtounes sont l'ethnie majoritaire - comme au sein des talibans -, de tradition patriarcale conservatrice.

Si un combattant taliban leur demande où elles vont, les filles répondent qu'elles sont inscrites dans un atelier de couture, et elles cachent leurs manuels scolaires dans des sacs à provisions ou sous leurs abayas (ample robe noire).

Non seulement elles prennent des risques, mais elles font aussi parfois des sacrifices, comme la sœur de Nafeesa, qui a abandonné l'école pour déjouer les soupçons que son frère pourrait avoir.

Pas justifié par l'islam 

Selon les érudits religieux, rien dans l'islam ne justifie l'interdiction de l'enseignement secondaire pour les filles. Un an après leur arrivée au pouvoir, les talibans insistent toujours sur le fait que les cours seront autorisés à reprendre, sans toutefois donner de calendrier.

La question a divisé le mouvement. Selon plusieurs sources interrogées par l'AFP, une faction radicale qui conseille le chef suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada, s'oppose à toute scolarisation des filles, ou au mieux, souhaite qu'elle soit limitée aux études religieuses et aux cours pratiques tels que la cuisine et la couture.

L'explication officielle de l'arrêt du secondaire, avancée depuis le début, est qu'il s'agit d'une simple question "technique", et que les filles reprendront le chemin des collèges et lycées dès qu'un programme établi sur les règles islamiques sera défini.

Aujourd'hui, les filles vont toujours à l'école primaire et, jusqu'ici, les étudiantes peuvent fréquenter l'université, même si les cours y sont non mixtes.

Mais sans diplôme d'études secondaires, les adolescentes ne pourront pas passer les examens d'entrée à l'université. Les promotions actuelles d'étudiantes du supérieur pourraient être les dernières du pays dans un avenir proche.

«Génération sacrifiée»

Pour le chercheur Abdul Bari Madani, "l'éducation est un droit inaliénable dans l'islam, pour les hommes comme pour les femmes", dit-il à l'AFP. "Si cette interdiction continue, l'Afghanistan retournera à l'époque médiévale (...) Une génération entière de filles sera sacrifiée", s'inquiète-t-il.

C'est cette peur de perdre une génération qui a poussé l'enseignante Tamkin à transformer sa maison de Kaboul en école.

La quadragénaire a failli elle-même être sacrifiée, quand elle a été forcée d'arrêter ses études lorsque les talibans ont exercé pour la première fois le pouvoir, de 1996 à 2001, et qu'ils avaient alors interdit la scolarisation de toutes les filles.

Il a fallu des années à Tamkin pour se former elle-même, en autodidacte, et devenir enseignante avant d'être privée de son travail au ministère de l'Éducation, quand les talibans sont revenus au pouvoir en août dernier et ont renvoyé à leur domicile les femmes exerçant un emploi public, à quelques exceptions près.

"Je ne voulais pas que ces filles soient comme moi", explique Tamkin à l'AFP, les larmes aux yeux. "Elles doivent avoir un meilleur avenir", plaide-t-elle.

Avec le soutien de son mari, elle a d'abord transformé un débarras en salle de classe. Puis elle a vendu une vache familiale pour pouvoir acheter des livres scolaires, car la plupart de ses élèves viennent de familles pauvres et n'ont pas les moyens de s'en payer.

Aujourd'hui, elle enseigne l'anglais et les sciences à environ 25 élèves enthousiastes.

Récemment, un jour de pluie à Kaboul, les filles sont arrivées dans sa classe pour un cours de biologie.

"Je veux juste apprendre. Peu importe à quoi ressemble le lieu d'étude", déclare Narwan, assise avec des camarades de tous âges, et qui devrait théoriquement être dans un lycée en terminale.

Derrière elle, une affiche accrochée au mur incite les élèves à être bienveillantes : "La langue n'a pas d'os, mais elle est si forte qu'elle peut briser le cœur, alors faites attention à vos paroles".

C'est la bienveillance de ses voisins qui a permis à Tamkin de pouvoir dissimuler le véritable objet de l'école. "Les talibans ont demandé à plusieurs reprises +Qu'y a-t-il ici ?+ J'ai dit aux voisins de dire que c'était une madrassa", une école religieuse, explique la professeure.

Maliha, élève de 17 ans, croit fermement à l'idée qu'un jour les talibans ne seront plus au pouvoir. "Alors, nous ferons bon usage de nos connaissances", espère-t-elle.

«Pas peur des talibans»

À la périphérie de Kaboul, dans un labyrinthe de maisons en terre, Laila dirige une autre classe clandestine.

En voyant le visage de sa fille après l'annulation brutale en mars de la réouverture annoncée des écoles secondaires, elle a su qu'elle devait faire quelque chose.

"Si ma fille pleurait, alors les filles des autres parents devaient aussi pleurer", se souvient l'enseignante de 38 ans.

Une dizaine de filles se retrouvent deux jours par semaine chez Laila, qui possède une cour et un jardin où elle cultive des légumes.

Dans la salle de classe, une large fenêtre donne sur le jardin. Ses élèves, dont les livres et cahiers sont placés dans des pochettes en plastique bleu, sont assises sur un tapis, enjouées et studieuses. Au début du cours, c'est la correction des devoirs faits à la maison.

"Nous n'avons pas peur des talibans", assure Kawsar, 18 ans. "S'ils disent quoi que ce soit, nous nous battrons mais nous continuerons à étudier", poursuit la jeune fille.

Les études ne sont pas le seul objectif de certaines filles et femmes afghanes, souvent mariées dans des relations abusives ou restrictives, et qui souhaitent gagner un peu de liberté.

Zahra, qui fréquente l'école clandestine du village rural dans l'est de l'Afghanistan, s'est mariée à 14 ans et vit maintenant avec des beaux-parents qui s'opposent à l'idée qu'elle suive des cours.

Elle prend des somnifères pour lutter contre son anxiété et craint de voir la famille de son mari l'obliger à rester à la maison.

"Je leur dis que je vais au bazar local, et je viens ici", à l'école, explique Zahra, pour qui c'est aussi la seule façon de se faire des amies.


L'ONU fustige l'«apathie» du monde en lançant son appel humanitaire 2026

L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre. (AFP)
L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre. (AFP)
Short Url
  • Alors que quelque 240 millions de personnes, victimes de guerres, d'épidémies, de séismes ou de l'impact du changement climatique, ont besoin d'aide urgente, l'ONU réclame 33 millions de dollars pour soutenir 135 millions d'entre elles en 2026
  • Mais dans un contexte de coupe drastique de l'aide extérieure américaine décidée par Donald Trump, l'ONU a réduit d'emblée ses propres ambitions, en présentant en même temps un plan resserré demandant 23 milliards de dollars

NATIONS-UNIES: L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre.

"C'est une époque de brutalité, d'impunité et d'indifférence", s'est emporté lors d'une conférence de presse à New York le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher, dénonçant la "férocité et l'intensité des tueries", le "mépris total du droit international "et les "niveaux terrifiants de violences sexuelles".

"Une époque où notre sens de la survie a été engourdi par les distractions et corrodé par l'apathie, où nous mettons plus d'énergie et d'argent pour trouver de nouveaux moyens de nous entretuer, tout en démantelant les moyens durement gagnés de nous protéger de nos pires instincts, où les politiciens se vantent de couper les aides", a-t-il accusé, en présentant le plan humanitaire 2026.

Alors que quelque 240 millions de personnes, victimes de guerres, d'épidémies, de séismes ou de l'impact du changement climatique, ont besoin d'aide urgente, l'ONU réclame 33 millions de dollars pour soutenir 135 millions d'entre elles en 2026 à Gaza, au Soudan, en Haïti, en Birmanie, en RDC ou en Ukraine.

Mais dans un contexte de coupe drastique de l'aide extérieure américaine décidée par Donald Trump, l'ONU a réduit d'emblée ses propres ambitions, en présentant en même temps un plan resserré demandant 23 milliards de dollars pour sauver au moins 87 millions des personnes les plus en danger.

Ce plan "hyperpriorisé", qui passe également par des réformes pour améliorer l'efficacité du système humanitaire, est "basé sur des choix insoutenables de vie ou de mort", a commenté Tom Fletcher, espérant qu'avoir pris ces "décisions difficiles qu'ils nous ont encouragés à prendre" convaincra les Américains de revenir.

"Le plus bas en une décennie" 

En 2025, l'appel humanitaire de plus de 45 milliards de dollars n'a été financé qu'à hauteur d'un peu plus de 12 milliards, "le plus bas en une décennie". Permettant d'aider seulement 98 millions de personnes, soit 25 millions de moins que l'année précédente.

Selon les chiffres de l'ONU, les Etats-Unis sont restés en 2025 le premier pays donateur des plans humanitaires dans le monde, mais avec une chute majeure: 2,7 milliards de dollars, contre 11 milliards en 2024.

En haut des crises prioritaires en 2026, Gaza et la Cisjordanie pour lesquels l'ONU réclame 4,1 milliards de dollars pour aider 3 millions de personnes, ainsi que le Soudan (2,9 milliards pour 20 millions de personnes) où le nombre de déplacés par le conflit sanglant entre généraux rivaux ne cesse d'augmenter.

Parmi ces déplacés, cette jeune mère que Tom Fletcher a récemment rencontrée au Darfour, à Tawila, où affluent les survivants des combats dans la grande ville voisine d'El-Facher.

Elle a vu son mari et son enfant tués sous ses yeux, avant de s'enfuir, avec le bébé affamé de ses voisins morts eux-aussi, puis d'être attaquée et violée "sur la route la plus dangereuse du monde" qui la conduira enfin à Tawila, a-t-il raconté.

"Est-ce que quiconque, quel que soit d'où vous venez, ce que vous pensez, pour qui vous votez, pense qu'on ne devrait pas l'aider!".

L'ONU va désormais frapper à la porte des gouvernements de la planète, pendant les 87 prochains jours, un jour pour chaque million de vie à sauver.

Et s'il y a toujours un trou, Tom Fletcher prévoit une campagne plus large vers la société civile, les entreprises et les gens normaux qu'il estime abreuvés par de fausses informations surestimant la part de leurs impôts destinés à l'aide à l'étranger.

"Nous ne demandons qu'à peine un peu plus de 1% de ce que le monde dépense en armes et en programmes de défense. Je ne demande pas aux gens de choisir entre un hôpital à Brooklyn ou un hôpital à Kandahar. Je demande au monde de dépenser moins en défense et plus en humanitaire".


Kajsa Ollongren : Cessez d’armer le Soudan, la CPI doit agir à Gaza

Kajsa Ollongren, représentante spéciale de l'UE pour les droits de l'homme. (Fourni)
Kajsa Ollongren, représentante spéciale de l'UE pour les droits de l'homme. (Fourni)
Short Url
  • La représentante spéciale de l’UE pour les droits de l'homme avertit que des gouvernements bafouent les règles multilatérales conçues pour protéger les civils en temps de conflit
  • Kajsa Ollongren déclare que l’UE doit travailler avec des États engagés dans le multilatéralisme et le droit humanitaire pour préserver un ordre mondial fondé sur des règles

​​​​​​NEW YORK CITY : Kajsa Ollongren, la représentante spéciale de l’UE pour les droits de l'homme, a averti que le Soudan endure des « atrocités inimaginables », appelant tous les pays fournissant des armes aux factions belligérantes à cesser immédiatement leurs transferts.

S’exprimant à Arab News après des missions au Liban et en Égypte et un dialogue sur les droits humains avec l’Arabie saoudite, Ollongren a déclaré que les armes étrangères alimentent l’un des conflits les plus dévastateurs et les moins médiatisés au monde, sans issue politique en vue.

Ses propos interviennent peu après que Volker Turk, haut-commissaire des Nations unies aux droits humains, ait lancé l’un de ses avertissements les plus sévères, estimant que le Soudan pourrait connaître « une nouvelle vague d’atrocités », avec des civils confrontés à l’épuration ethnique et aux déplacements massifs.

Turk a à plusieurs reprises prévenu que la violence pourrait atteindre des « niveaux catastrophiques » si le flux d’armes se poursuivait. Ollongren a déclaré que ces avertissements correspondaient à ce qu’elle avait entendu de la part du personnel régional des droits humains.

« Les atrocités dépassent vraiment l’imagination », a-t-elle confié à Arab News. « Pendant longtemps, le monde n’a pas prêté suffisamment attention à ce qui se passait au Soudan. Nous y prêtons attention maintenant, au moins, mais l’attention seule ne suffira pas à les arrêter. »

-
Des familles soudanaises déplacées depuis El-Fasher tendent la main alors que des travailleurs humanitaires distribuent des vivres dans le camp nouvellement créé d’El-Afadh à Al Dabbah, dans l’État du Nord du Soudan, le 16 novembre 2025. (Photo AP/Archives)

Elle a affirmé que les gouvernements facilitant le conflit devaient être confrontés. « Il doit également y avoir une véritable interaction avec ces pays qui fournissent des armes. Sans ces armes, nous verrions la fin des atrocités plus rapidement … C’est inacceptable. »

Elle a ajouté que la pression coordonnée de l’Europe, du Golfe et de la communauté internationale au sens large est essentielle. « Il est très important, au niveau du Golfe, en Europe et globalement, d’appeler à l’arrêt des exportations d’armes », a-t-elle souligné.

Le conflit au Soudan a débuté en avril 2023 lorsqu’une lutte de pouvoir entre le chef des forces armées Abdel Fattah Al-Burhan et son ancien adjoint Mohammed Hamdan Dagalo, chef des Forces de soutien rapide (RSF), a dégénéré en conflit ouvert.

Selon les chiffres de l’ONU, environ 12 millions de personnes ont été déplacées, créant ce que beaucoup considèrent comme la pire catastrophe humanitaire au monde. Les estimations du nombre de morts varient largement, l’ancien envoyé américain pour le Soudan évoquant jusqu’à 400 000 victimes.

Bien que les forces armées soudanaises aient repris la capitale, Khartoum, aux RSF, le pays est effectivement divisé en deux, le gouvernement dirigé par les SAF contrôlant l’est et les RSF et milices alliées dominant l’ouest, y compris la région troublée du Darfour.

-

En octobre, l’un des épisodes les plus brutaux du conflit a eu lieu lorsque les combattants des RSF ont capturé El-Fasher, capitale du Nord-Darfour, et ont commencé à massacrer des civils, déclenchant des déplacements massifs.

Le Soudan est revenu sur le devant de la scène diplomatique après la récente visite du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Washington, où il a discuté des développements avec le président américain Donald Trump et a appelé à un rôle plus actif pour mettre fin au conflit et prévenir les répercussions régionales.

Peu après, Trump a annoncé que les États-Unis « allaient immédiatement lancer un nouvel effort » pour mettre fin au conflit au Soudan, qu’il a qualifié de « lieu le plus violent sur Terre et de plus grande crise humanitaire », une décision largement interprétée comme une réponse à l’appel du prince héritier.

« Le fait que le président américain s’exprime ainsi sur les atrocités est important et sera entendu au Soudan », a déclaré Ollongren.

Mais elle a averti que les déclarations seules sont vaines sans suivi sérieux. « Il ne suffit pas de déclarer la fin d’une guerre ou d’un conflit », a-t-elle précisé. « Il doit y avoir un plan — qui inclut la reconstruction, la responsabilité et la reconstruction des sociétés tout en donnant du pouvoir aux victimes. »

Concernant le Liban, Ollongren a indiqué avoir ressenti un « élan » lors de ses récentes rencontres à Beyrouth, où l’engagement diplomatique s’est intensifié depuis le cessez-le-feu dans la guerre Israël-Hezbollah il y a un an.

-
Kajsa Ollongren rencontre le président libanais Joseph Aoun. (Fournie)

Cela intervient malgré le refus d’Israël de se retirer du sud du Liban et ses frappes continues contre des positions supposées du Hezbollah, y compris l’attaque du mois dernier dans un quartier de Beyrouth qui a tué un commandant de milice.

Les dirigeants du Hezbollah insistent pour ne pas se désarmer tant qu’Israël n’aura pas retiré ses troupes.

« Il y a un élan pour davantage de paix et de stabilité et pour un avenir stable pour de nombreux pays de la région », a déclaré Ollongren. « Je vois le rôle que l’Arabie saoudite joue dans tout cela, ainsi que les efforts de l’Égypte pour négocier entre les parties. »

Elle a toutefois souligné la fragilité de la situation. « Il reste une incertitude quant au respect du cessez-le-feu et il n’existe pas encore de plan clair pour le désarmement du Hezbollah », a-t-elle dit.

« La responsabilité est cruciale. Au Liban, nous avons beaucoup parlé des assassinats politiques et de l’explosion au port de Beyrouth. Tout cela doit être traité avec justice, car sans cela l’impunité persiste, ce qui peut entraîner d’autres problèmes à l’avenir. »

Concernant la Syrie, qu’elle prévoit de visiter début 2026, Ollongren a déclaré que la situation reste instable.

« Nous avons constaté des violences et des victimes dans plusieurs régions du pays. La situation n’est pas sous contrôle », a-t-elle indiqué, en faisant référence aux attaques contre les minorités ethniques et religieuses au cours de l’année écoulée depuis que le régime d’Assad a été évincé.

-
Des habitants agitent des drapeaux syriens dans le centre de Hama le 5 décembre 2025, lors des célébrations marquant un an depuis une offensive éclair menée par des islamistes ayant renversé le dirigeant de longue date du pays. (AFP)

Bien qu’elle se soit félicitée du retour récent de réfugiés syriens depuis le Liban comme d’un « bon signe », elle a averti que la stabilisation plus large reste lointaine alors que le gouvernement de transition du président Ahmad Al-Sharaa poursuit la réintégration nationale et l’allégement des sanctions.

Ollongren a également souligné l’influence diplomatique croissante de l’Arabie saoudite comme l’un des changements les plus significatifs dans la région. « L’Arabie saoudite suit une voie différente », a-t-elle dit, évoquant les réformes Vision 2030 et l’engagement mondial accru du Royaume.

« L’Arabie saoudite s’engage également avec l’Europe et l’UE, établissant des liens qui pourraient être très importants pour un Moyen-Orient plus stable. »

« Bien sûr, cela reconfigure aussi l’influence d’autres puissances. L’Égypte joue un rôle de longue date mais lutte avec son économie et la pression démographique. L’engagement saoudien pourrait être très impactant. »

À Gaza, Ollongren a décrit une « destruction complète » et un accès extrêmement limité comme des obstacles pour les médias et les efforts humanitaires. « Nous n’avons pas eu de journalistes indépendants pouvant rendre compte des victimes ou des destructions », a-t-elle dit.

« Petit à petit, les informations émergent, et nous voyons une destruction complète dans de nombreuses parties de Gaza. Les habitants n’ont plus de maisons où retourner et ont perdu un très grand nombre de civils, y compris des enfants. Il doit y avoir des comptes à rendre. »

-
Des Palestiniens recherchent des décombres dans des bâtiments lourdement détruits par les bombardements israéliens à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, alors qu’un cessez-le-feu tient le 12 octobre 2025. (AFP/Archives)

Israël a lancé ses opérations militaires à Gaza après l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas dans le sud d’Israël, qui a fait 1 200 morts et 250 otages. Depuis lors, environ 70 000 Palestiniens ont été tués, selon le ministère de la Santé de Gaza.

Un cessez-le-feu fragile est entré en vigueur le 10 octobre, avec un recul des opérations israéliennes en échange de la libération des otages restants par le Hamas. Un petit flux d’aide humanitaire a été autorisé dans le territoire, mais les besoins médicaux, alimentaires et en abris restent immenses.

Ollongren a insisté sur le fait que la responsabilité pour les crimes de guerre allégués par les deux parties doit être assurée par la Cour pénale internationale.

« La CPI doit jouer un rôle dans ce dossier », a-t-elle déclaré. « Ils ont examiné à la fois le Hamas et Israël. C’est le bon lieu pour chercher justice et responsabilité. »

Interrogée sur le soutien des États européens aux mandats d’arrêt de la CPI visant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, Ollongren a répondu : « Nous sommes signataires du Statut de Rome, donc nous sommes liés par le traité.

« La cour décide des arrestations, des affaires et des poursuites de manière indépendante. Notre rôle est de garantir son indépendance et son bon fonctionnement. Donc oui. »

--
Des manifestants défilent devant le siège des Nations unies à New York alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'exprime le 26 septembre 2025. (AFP/Archives)

Un nombre croissant de juristes, y compris une commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU, ont conclu qu’un génocide a eu lieu à Gaza au cours des deux dernières années.

Francesca Albanese, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens, a récemment déclaré à Arab News que les réponses de l’UE et de l’Occident au génocide à Gaza ont été « pathétiques, hypocrites et marquées par des doubles standards ».

Elle a ajouté que les mêmes gouvernements invoquant le droit international pour condamner les actions de la Russie en Ukraine sont restés largement silencieux sur Gaza, permettant à des « violations flagrantes » de se dérouler.

Ollongren a répondu à cette critique. « Nous devrions, et nous devons, appliquer le droit international de manière cohérente dans tous les cas », a-t-elle affirmé.

« Nous ressentons l’accusation de doubles standards. Après les attaques du 7 octobre par le Hamas, l’Europe a soutenu Israël, reconnaissant son droit à se défendre. Mais au fur et à mesure que la guerre à Gaza se déroulait et que les victimes civiles augmentaient, nous sommes devenus plus critiques.

« L’UE a de plus en plus appelé Israël à respecter le droit humanitaire international et a travaillé pour garantir que l’aide humanitaire parvienne aux personnes dans le besoin.

« En même temps, nous soutenons l’Autorité palestinienne dans son rôle de gouvernance. Je pense que nous sommes désormais un partenaire beaucoup plus critique et équitable pour les deux parties. »

--
Des Palestiniens font la queue pour un repas chaud dans une cuisine caritative gérée par le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) au camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de Gaza, le 26 avril 2025. (AFP/Archives)

Interrogée sur l’échec du système international, elle a indiqué que le problème ne vient pas des institutions mais des gouvernements.

« L’architecture que nous avons doit être protégée », a-t-elle déclaré. « Nous n’avons pas besoin d’un nouveau système. Le problème est qu’il n’est pas respecté. C’est pourquoi il est important que l’UE s’engage avec les pays qui soutiennent le système multilatéral, l’état de droit et le droit humanitaire international.

« Ces cadres ont été conçus pour protéger les plus vulnérables dans les conflits, pas pour empêcher les guerres. »

Elle a conclu par un message aux civils de Gaza et du Soudan.

« Je comprends que vous ayez perdu confiance dans le système international car il n’était pas là pour vous protéger lorsque vous avez été attaqués et que vous avez perdu vos proches », a-t-elle déclaré.

« C’est encore le meilleur système dont nous disposons. De mon côté, je me concentrerai sur la responsabilité et la justice, car du point de vue des droits de l'homme, c’est ce que je dois faire pour vous. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Plus de 200 personnalités demandent la libération du dirigeant palestinien Marwan Barghouti

Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
Short Url
  • Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille
  • La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza

PARIS: Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002.

Marwan Barghouti, 66 ans et ancien cadre du Fatah, défend une résolution politique au conflit israélo-palestinien. Parfois surnommé par ses partisans le "Mandela palestinien", il est connu pour sa lutte contre la corruption et est cité comme un possible successeur du président palestinien Mahmoud Abbas.

La lettre ouverte, consultée par l'AFP, réunit des stars du cinéma comme Josh O'Connor, Benedict Cumberbatch et Javier Bardem, ainsi que des musiciens tels que Fontaines D.C. et Sting. Les autrices à succès Sally Rooney, Annie Ernaux ou Margaret Atwood ont également apporté leur soutien, tout comme les anciens footballeurs Éric Cantona et Gary Lineker.

"Nous exprimons notre vive inquiétude face à la détention continue de Marwan Barghouti, à ses mauvais traitements et au déni de ses droits légaux en prison", écrivent-ils, appelant "les Nations Unies et les gouvernements du monde à œuvrer activement" pour sa libération.

Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille. La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza.

Marwan Barghouti a été condamné à cinq peines de prison à vie par un tribunal israélien, qui l'a reconnu coupable d'implication dans des attaques meurtrières durant la seconde intifada (2000-2005).

Israël a refusé de le libérer dans le cadre des échanges de prisonniers, effectués depuis le début de la guerre à Gaza déclenchée après l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Son fils a déclaré en octobre qu'il avait été violemment battu par des gardiens israéliens lors d'un transfert de prison. En août, le ministre israélien d'extrême droite Itamar Ben Gvir a diffusé une vidéo où il prend à partie et sermonne Marwan Barghouti, apparaissant affaibli dans sa cellule.