Les Palestiniens de Gaza pansent leurs plaies au premier jour de la trêve

Des Palestiniens inspectent un cratère après les trois derniers jours de conflit avec Israël avant une trêve, dans la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 8 août 2022 (Photo, AFP).
Des Palestiniens inspectent un cratère après les trois derniers jours de conflit avec Israël avant une trêve, dans la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 8 août 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 08 août 2022

Les Palestiniens de Gaza pansent leurs plaies au premier jour de la trêve

  • Le président américain Joe Biden a salué le cessez-le-feu négocié par l'Egypte et entré en vigueur à 20H30 GMT dimanche
  • En Israël, trois personnes ont été blessées par les tirs de roquettes, selon des secouristes

GAZA: Les habitants de la bande de Gaza pansent leurs plaies lundi, au premier jour d'une trêve entre le Djihad islamique et Israël qui a mis fin à trois jours de bombardements ayant fait 44 morts palestiniens et d'importantes destructions dans l'enclave paupérisée.

La vie reprenait doucement son cours avec la réouverture du passage entre le territoire palestinien sous blocus et Israël qui a permis à l'unique centrale électrique de l'enclave de redémarrer.

"Nous nous sommes réjouis de l'annonce du cessez-le-feu, et avons repris le travail", raconte Hazem Douima qui tient une boutique à Gaza. "Plus d'effusion de sang!"

La "situation est tragique et difficile", raconte à l'AFP Mohamed Alai, un autre habitant. "Nous avons beaucoup de morts et de blessés, des destructions (...) mais Gaza panse ses plaies", dit-il.

Entre le début de l'opération israélienne vendredi et dimanche soir, 44 Palestiniens dont 15 enfants sont morts et 360 ont été blessés, selon le ministère de la Santé à Gaza, qui a fait en outre état d'immeubles entiers détruits dans les frappes.

Lundi, des camions de carburant sont entrés dans la bande de Gaza par le passage de Kerem Shalom fermé par Israël depuis le 2 août, a constaté l'AFP.

L'unique centrale électrique de ce micro-territoire surpeuplé, paupérisé et sous blocus israélien depuis plus de 15 ans, qui avait cessé de marcher samedi faute de carburant livré par Israël, a recommencé "à générer de l'électricité", selon le porte-parole de la compagnie d'électricité, Mohammed Thabet.

Les passages entre l'Etat hébreu et la bande de Gaza ont rouvert "pour des besoins humanitaires lundi", a indiqué dans un communiqué le Cogat, organe du ministère israélien de la Défense qui supervise les activités civiles dans les Territoires palestiniens.

«Guerre tous les six mois»

A Gaza, Souhail al-Baouab a "vécu trois jours dans la peur". "Nous ne voulons pas de guerre tous les six mois et quand on a entendu parler de la trêve, on était si contents malgré le deuil pour les martyrs car la vie reprend son cours normal", a dit cette résidente de 56 ans.

Lundi, des familles ont enterré leurs morts, comme à Jabalia (nord) où des centaines de personnes ont assisté aux funérailles de quatre jeunes d'une même famille tués dans les bombardements.

Dans le sud de l'Etat hébreu frontalier avec Gaza où a repris la circulation ferroviaire et routière, un habitant d'Askhelon, Davit Shitrit, a indiqué ne "pas faire confiance" au Djihad islamique. "Ils promettent toujours mais attaquent chaque fois de nouveau (...) j'espère que cette fois, ça va tenir".

Selon le Djihad islamique, l'accord de trêve prévoit entre autres "l'engagement de l'Egypte à oeuvrer en faveur de la libération de deux prisonniers" du groupe aux mains d'Israël, notamment Bassem al-Saadi, dont l'arrestation le 1er août en Cisjordanie occupée a mené à cette flambée de violences.

Le président américain Joe Biden a salué le cessez-le-feu négocié par l'Egypte et entré en vigueur à 20H30 GMT dimanche, demandant que des enquêtes soient menées sur les victimes civiles.

Le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, a lui prévenu qu'il était "essentiel d'oeuvrer à consolider le cessez-le-feu".

En Israël, trois personnes ont été blessées par les tirs de roquettes, selon des secouristes, l'armée faisant état de centaines de roquettes tirées à partir de Gaza depuis vendredi, la grande majorité ayant été interceptée.

Les autorités israéliennes ont par ailleurs affirmé que certains Palestiniens tués auraient péri à cause de tirs de roquettes ratés du Djihad islamique vers Israël, tombées dans l'enclave palestinienne.

«Attaque préventive»

L'armée israélienne a présenté son opération lancée vendredi comme une "attaque préventive", craignant des représailles du Djihad islamique après l'arrestation d'un de ses chefs, Bassem al-Saadi, le 1er août en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël.

Au cours de cette opération, les principaux chefs militaires du groupe à Gaza, Tayssir Al-Jabari et Khaled Mansour, ont été tués.

La branche militaire du Djihad islamique a confirmé lundi dans un communiqué que 12 de ses hommes avaient été tués dans les frappes.

Ces derniers jours, quelque 40 membres du Djihad islamique ont été arrêtés par les forces israéliennes en Cisjordanie.

La confrontation entre Israël et le Djihad islamique est la pire depuis celle entre Israël et le Hamas en mai 2021. Cette dernière avait fait en onze jours 260 morts côté palestinien dont des combattants et 14 morts en Israël, dont un soldat, d'après les autorités locales.


L’Arabie saoudite et ses partenaires régionaux rejettent tout déplacement forcé des Palestiniens de Gaza

Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
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  • Les ministres ont exprimé une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes sur l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens

RIYAD : Les ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens, rapporte l’Agence de presse saoudienne.

Dans une déclaration conjointe, les ministres ont estimé que cette mesure pourrait faciliter le déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza vers l’Égypte.

Ils ont fermement rejeté toute tentative de forcer les Palestiniens à quitter leurs terres, soulignant la nécessité d’une pleine application du plan proposé par le président américain Donald Trump, qui prévoyait l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et garantissait la liberté de circulation sans coercition.

Les ministres ont insisté sur la création de conditions permettant aux Palestiniens de rester sur leurs terres et de participer à la reconstruction de leur pays, dans le cadre d’un plan global visant à restaurer la stabilité et à répondre à la crise humanitaire à Gaza.

Ils ont réitéré leur appréciation pour l’engagement de Trump en faveur de la paix régionale et ont souligné l’importance de la mise en œuvre complète de son plan, sans entrave.

La déclaration a également mis en avant l’urgence d’un cessez-le-feu durable, de la fin des souffrances des civils, de l’accès humanitaire sans restriction à Gaza, ainsi que du lancement d’efforts de relèvement et de reconstruction précoces.

Les ministres ont en outre demandé la mise en place de conditions permettant à l’Autorité palestinienne de reprendre ses responsabilités dans l’enclave.

Les huit pays ont réaffirmé leur volonté de continuer à coordonner leurs actions avec les États-Unis et les partenaires internationaux pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU et des autres résolutions pertinentes, en vue d’une paix juste et durable fondée sur le droit international et la solution à deux États, incluant la création d’un État palestinien indépendant selon les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Nouveaux bombardements israéliens au Liban malgré des discussions «positives»

Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
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  • Le président libanais Joseph Aoun, saluant les réactions "positives" à la réunion de mercredi, a annoncé que les discussions reprendraient le 19 décembre afin d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban
  • "Il n'y a pas d'autre option que la négociation", a-t-il ajouté

JBAA: Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays.

L'armée israélienne, qui a multiplié ses frappes ces dernières semaines, a encore frappé jeudi le sud du Liban après avoir appelé des habitants de plusieurs villages à évacuer.

Les bombardements ont touché quatre localités, où des photographes de l'AFP ont vu de la fumée et des maisons en ruines.

Dans le village de Jbaa, Yassir Madir, responsable local, a assuré qu'il n'y avait "que des civils" dans la zone. "Quant aux dégâts, il n'y a plus une fenêtre à 300 mètres à la ronde. Tout le monde est sous le choc", a-t-il ajouté. 


« La Syrie n’est pas condamnée » : les leçons d’un an de transition, selon Hakim Khaldi

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  • Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
  • Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide

PARIS: La Syrie post-Assad, carnets de bord, de Hakim Khaldi, humanitaire chez Médecins sans frontières, publié chez L’Harmattan, n’est pas seulement un récit de témoins, mais une immersion dans la réalité d’un pays brisé mais pas vaincu, où la chute d’un pouvoir omnipotent n’a pas suffi à étouffer l’exigence de dignité.
Ce qu’il raconte, c’est l’envers des discours diplomatiques, la géographie vécue d’une société projetée brutalement hors d’un demi-siècle d’autoritarisme dans un vide politique, économique et moral.

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel.

Dans ses carnets, comme dans ses réponses à Arab News en français, revient une même conviction : la chute d’un régime ne signifie pas la naissance immédiate d’un pays. La Syrie, aujourd’hui, est entre les deux, « en état de transformation ».

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel : « On ne savait pas si c’était la fin d’une époque ou le début d’une autre tragédie », confie-t-il.
Dans les villes « libérées », les scènes oscillent entre euphorie et sidération ; la population découvre, sans y croire encore, la possibilité de parler librement, de respirer autrement.

Il raconte ces familles qui, pendant quarante ans, n’avaient jamais osé prononcer le mot « moukhabarat » (services secrets en arabe), ne serait-ce qu’à voix basse chez elles.
Et brusquement, les voilà qui se mettent à raconter : les disparitions, les tortures, les humiliations, et la peur devenue routine.
Des parents ressortent des photos d’adolescents morts sous la torture, des certificats de décès maquillés, des lettres écrites depuis la prison mais jamais envoyées.

Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
Ce qui l’a le plus frappé, c’est « ce sentiment presque physique d’un poids qui tombe. C’est ce que j’ai le plus entendu », affirme-t-il.

Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide. En quelques jours, l’État s’est évaporé : plus de police, plus d’électricité, plus d’école, plus de justice.
Les anciens bourreaux disparaissent dans la nature, mais les réseaux de corruption se reconstituent, et les premières milices locales émergent, prêtes à occuper le terrain déserté par les institutions.

Pourtant, au fil de ses déplacements, Khaldi est frappé par la force de résilience et d’auto-organisation de la population : « Les Syriens n’ont jamais cessé d’exister comme société, même quand l’État les avait réduits au silence », assure-t-il.
Dans les villages, des comités improvisés se forment et organisent la distribution alimentaire, la remise en marche d’une station d’eau, la sécurité ou la scolarisation d’urgence.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides.

Cette responsabilité populaire est, pour Khaldi, l’un des rares points lumineux du paysage syrien, la preuve qu’une société peut exister en dehors de l’appareil répressif qui prétendait être l’État.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides, de milices rivales, de zones d’influence et d’ingérences étrangères. « Une mosaïque qui ne ressemble plus au pays d’avant », estime Khaldi.
Le territoire est éclaté entre forces locales, groupes armés (notamment les milices druzes à Soueida, au nord-est du pays), gouvernances provisoires ou structures étrangères. Les routes sont coupées, les administrations doublées ou contradictoires.

Avec des infrastructures détruites, une monnaie en chute libre et un secteur productif quasi paralysé, la survie quotidienne est devenue un exercice d’équilibriste.
Les Syriens ne nourrissent plus d’illusions sur l’arrivée immédiate d’un modèle démocratique idéal : il s’agit d’abord de survivre, de reconstruire, de retrouver un minimum de continuité.

Le traumatisme est profond, à cause des disparitions massives, de l’exil et des destructions psychologiques. Pourtant, affirme Khaldi, « jamais je n’ai entendu un Syrien regretter que la dictature soit tombée ».

De ses observations et des témoignages qu’il a collectés en arpentant le pays, Khaldi tire les priorités pour éviter que la Syrie ne devienne ni un conflit gelé ni un espace livré aux milices.
De son point de vue, la reconstruction politique ne peut se réduire à remplacer un gouvernement par un autre : il faut rebâtir les fondations, à savoir une justice indépendante, une police professionnelle et des administrations locales.

Des dizaines de groupes armés contrôlent aujourd’hui une partie du territoire, et une transition politique sérieuse est impensable sans un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, soutenu par une autorité légitime et par un cadre international solide.
Au-delà des aides internationales, la Syrie a besoin d’un cadre empêchant la capture des fonds par les anciens réseaux de corruption ou les factions armées.
Elle doit donner la priorité à la relance de l’agriculture, au rétablissement de l’électricité, des réseaux routiers et des petites industries, les seules capables à court terme de soutenir la vie quotidienne.

Le pays porte une blessure immense : celle des prisons secrètes, des fosses communes, des disparitions et des exactions documentées. « Sans justice, il n’y aura pas de paix durable », affirme Khaldi.
Il ne s’agit ni de vengeance ni de tribunaux-spectacle, mais de vérité et de reconnaissance, conditions indispensables à une réconciliation nationale.

De cet entretien se dégage une idée forte : malgré la faim, la peur, les ruines, malgré la fragmentation politique et l’ingérence étrangère, les Syriens n’ont pas renoncé à eux-mêmes.
Ils ouvrent des écoles improvisées, réparent des routes avec des moyens dérisoires, organisent l’entraide, résistent au chaos. « La Syrie n’est plus la Syrie d’avant, mais elle n’est pas condamnée pour autant », affirme Khaldi.
Son témoignage rappelle qu’un pays ne meurt pas quand un régime tombe ; il meurt lorsque plus personne ne croit possible de le reconstruire. Et les Syriens, eux, y croient encore.