WASHINGTON: Après 18 mois de négociations et une nuit marathon de débats, le Sénat américain semblait sur le point d'approuver dimanche le grand plan de Joe Biden sur le climat et la santé, et offrir ainsi une victoire d'étape au président, à moins de 100 jours d'élections cruciales.
"Je pense qu'il va être adopté", a déclaré le président démocrate à des journalistes dimanche matin au sujet de ce plan d'investissements de plus de 430 milliards de dollars.
Les démocrates disposent d'une courte majorité au Sénat et n'ont besoin que de leurs seules voix pour adopter le texte. S'il est approuvé, le projet de loi retournera ensuite vendredi à la Chambre des représentants, à majorité démocrate, pour un vote final, avant d'être promulgué par Joe Biden.
Voitures électriques
Fruit de difficiles compromis avec l'aile droite du parti démocrate, cette enveloppe comprend le plus grand investissement jamais engagé aux Etats-Unis pour le climat -- 370 milliards de dollars pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% d'ici à 2030.
Avec cette réforme, un Américain recevrait jusqu'à 7 500 dollars en crédits d'impôts pour l'achat d'une voiture électrique. L'installation de panneaux solaires sur son toit serait prise en charge à 30%.
Cette enveloppe doit aussi permettre de renforcer la résilience des forêts face aux incendies monstres qui ravagent l'Ouest américain et dont la multiplication a été directement attribuée au réchauffement de la planète.
Plusieurs milliards de dollars de crédits d'impôts seront également proposés aux industries les plus polluantes afin de les assister dans leur transition énergétique, une mesure vivement critiquée par l'aile gauche du parti, qui a dû se ranger derrière ce texte, faute d'être parvenue à un accord plus ambitieux après de longs mois de tractations.
Arrivé au pouvoir avec d'immenses ambitions de réformes, Joe Biden les a vues être enterrées, ressuscitées, puis enterrées à nouveau par un sénateur très modéré de son camp, Joe Manchin. Au vu de la très fine majorité démocrate au Sénat, l'élu de Virginie-Occidentale possède virtuellement un droit de veto sur ses projets.
Fin juillet, le chef des démocrates au Sénat Chuck Schumer a finalement réussi à arracher un compromis à M. Manchin, connu pour ses mines à charbon. Samedi, les sénateurs ont enfin commencé à débattre du texte dans l'hémicycle.
«Vote-a-rama»
Dans la soirée, les élus sont entrés dans une procédure-marathon baptisée "vote-a-rama", lors de laquelle ils peuvent proposer des dizaines d'amendements et exiger un vote sur chacun.
L'occasion pour l'opposition républicaine, qui juge le plan Biden trop coûteux et l'aile gauche démocrate, qui le voudrait plus ambitieux, de présenter leurs doléances.
Influent sénateur de gauche, Bernie Sanders a proposé au cours de la nuit plusieurs amendements censés renforcer le volet social du texte, qui au cours des derniers mois, a été considérablement rogné.
Dans l'état, le texte prévoit 64 milliards de dollars d'investissements dans la santé et la baisse progressive du prix de certains médicaments, qui peuvent être jusqu'à dix fois plus chers que dans d'autres pays riches. Mais les progressistes ont dû abandonner leurs ambitions de maternelles et universités publiques gratuites et de meilleurs soins pour les personnes âgées.
"Des millions de retraités vont continuer à avoir des dents pourries et à ne pas recevoir les prothèses dentaires, auditives ou les lunettes qu'ils méritent", a critiqué M. Sanders depuis l'hémicycle. "Ce projet de loi ne fait rien pour résoudre ce problème", a assuré l'ancien candidat à la présidentielle.
Mais le camp démocrate, soucieux de mettre en oeuvre ce plan avant les périlleuses élections législatives de novembre, a fait bloc et rejeté toute modification du texte.
En parallèle de ces investissements massifs, le projet de loi entend réduire le déficit public avec un nouvel impôt minimal de 15% pour toutes les sociétés dont les bénéfices dépassent le milliard de dollars. Il vise à empêcher certaines grosses sociétés d'utiliser les niches fiscales qui leur permettaient jusqu'ici de payer beaucoup moins que le taux théorique.
Selon les estimations, cette mesure pourrait générer plus de 258 milliards de dollars en recettes pour l'Etat fédéral américain au cours des 10 prochaines années.