L'Iran gagne-t-il à nouveau le jeu des prises d'otages?

Le régime iranien semble être toujours le gagnant dans le jeu de prise d'otages que l’état théocratique a commencé lorsqu'il est arrivé au pouvoir (Photo fournie).
Le régime iranien semble être toujours le gagnant dans le jeu de prise d'otages que l’état théocratique a commencé lorsqu'il est arrivé au pouvoir (Photo fournie).
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Publié le Samedi 06 août 2022

L'Iran gagne-t-il à nouveau le jeu des prises d'otages?

L'Iran gagne-t-il à nouveau le jeu des prises d'otages?
  • Nouri a été le premier ancien fonctionnaire iranien jugé hors d'Iran pour crimes contre l'humanité
  • «Les autorités iraniennes tentent de détourner le cours de la justice en Suède et en Belgique et devraient faire l'objet d'une enquête pour le crime de prise d'otages», a souligné Diana Eltahawy

Le régime iranien semble être toujours le gagnant dans le jeu de prise d'otages que l’état théocratique a commencé lorsqu'il est arrivé au pouvoir il y a près de quatre décennies. Et, dernièrement, le régime a intensifié ce dangereux stratagème.

Les autorités iraniennes ont annoncé cette semaine qu'elles avaient arrêté un autre citoyen suédois. Ces derniers mois, le nombre de ressortissants européens détenus par le régime iranien a considérablement augmenté. Téhéran détient généralement les citoyens européens sur la base de vagues accusations liées à la sécurité, comme le fait d'avoir un «comportement et des contacts suspects», d'agir comme un ennemi de l'État ou de «mettre en danger la sécurité nationale».

En mai, le régime a également déclaré qu'il allait exécuter un autre Suédois, Ahmadreza Djalali. Le ministère suédois des Affaires étrangères déconseille à ses ressortissants de se rendre en Iran «en raison de la situation sécuritaire», ajoutant que «les activités des forces de l'ordre et l'interprétation de la loi peuvent être illégales (en Iran). Les voyageurs étrangers peuvent être détenus de manière arbitraire et poursuivis sans raisons claires».

Le nombre croissant d'arrestations de ressortissants suédois est très probablement lié à l'affaire Hamid Nouri et constitue une tentative du régime iranien de faire pression sur la Suède et son système judiciaire pour qu'ils modifient leur position et leurs décisions.

Nouri a été le premier ancien fonctionnaire iranien jugé hors d'Iran pour crimes contre l'humanité. L'ancien interrogateur et tortionnaire de la prison de Gohardasht à Karaj, à l'ouest de Téhéran, a été reconnu coupable d'avoir facilité et même personnellement procédé à des exécutions. Il s'est également avéré être un personnage clé dans le massacre des prisonniers politiques en Iran en 1988, lorsqu'au moins 30 000 dissidents ont été tués et enterrés secrètement dans des fosses communes. Les survivants de cette purge et les familles des victimes — dont l'écrasante majorité étaient des partisans de la principale opposition iranienne — réclament justice depuis plus de trente ans, mais Nouri est le premier responsable à être traduit en justice.

Il est important de souligner que le massacre de 1988 était un carnage impitoyable et sanglant de prisonniers politiques, un horrible crime contre l'humanité qui pourrait être qualifié de génocide, selon les experts du droit international des droits de l'homme.

 

«La communauté mondiale doit faire front et ne doit pas s'effondrer face aux tentatives d'extorsion de l'Iran.»

    Dr. Majid Rafizadeh

 

 

Comme l'a souligné Geoffrey Robertson, le premier président du Tribunal spécial des Nations unies pour la Sierra Leone: «Tuer des prisonniers est un crime depuis des siècles. La différence est que si cela équivaut à un crime particulier de génocide, il existe une convention internationale qui oblige les pays à prendre des mesures et à punir les auteurs de ce génocide. Il est évident qu'il y a une raison de poursuivre le président iranien Ebrahim Raisi et d'autres personnes. Un crime a été commis qui engage la responsabilité internationale. Il faut agir comme il a été fait contre les auteurs du massacre de Srebrenica.»

Le 14 juillet, Nouri a été condamné à la prison à vie par un tribunal suédois. Le principal responsable iranien des droits de l'homme, Kazem Gharibabadi, a averti que le pays «ne restera pas les bras croisés», ajoutant qu'il a «plusieurs options à sa disposition» pour répondre à la Suède. Peu de temps après, l'Iran a arrêté un autre citoyen suédois.

Le régime iranien croit qu'il peut ramener Nouri de la Suède parce qu'il a récemment remporté une victoire contre la Belgique. Le gouvernement belge a adopté une loi qui semble ouvrir la voie au retour en Iran d'autres terroristes condamnés. Le prétendu traité entre le gouvernement belge et le régime iranien vise très probablement à obtenir la libération du diplomate-terroriste iranien Assadollah Assadi, qui a été arrêté en 2018 pour avoir voulu faire exploser un rassemblement en région parisienne organisé par le groupe d'opposition iranien, le Conseil national de la résistance iranienne. L'année dernière, Assadi a été reconnu coupable et condamné à 20 ans de prison par un tribunal belge pour avoir orchestré le complot qui, s'il avait réussi, aurait peut-être été le pire incident terroriste de l'histoire récente de l'Europe.

Bien que le régime iranien soit signataire de la Convention internationale contre la prise d'otages, Téhéran s'empare depuis longtemps d'otages étrangers afin d'obtenir des concessions économiques et de réaliser des gains géopolitiques et financiers. Comme l'a souligné Diana Eltahawy, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International: «Les autorités iraniennes se servent de la vie d'Ahmadreza Djalali comme un pion dans un jeu politique cruel, intensifiant leurs menaces de l'exécuter en représailles à la non-satisfaction de leurs exigences. Les autorités iraniennes tentent de détourner le cours de la justice en Suède et en Belgique et devraient faire l'objet d'une enquête pour le crime de prise d'otages.»

En un mot, la réponse aux violations flagrantes du droit international par Téhéran ne peut se résumer à un nouvel apaisement et à une soumission à ses exigences. La communauté internationale doit faire front et ne doit pas s'effondrer face aux tentatives d'extorsion de l'Iran.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.

Twitter : @Dr_Rafizadeh

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs de cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com