MALA ROGAN : Remorqué tranquillement par un tracteur comme s'il était stationné illégalement, le blindé de transport de troupes russe n'a plus l'air si intimidant, et est même paradé devant des Ukrainiens ravis, réunis pour célébrer cette prise.
Ce MT-LB des années 1970 a été abandonné fin mars par les forces russes après leur retrait du nord-est de l'Ukraine, à 30 kilomètres de la frontière entre les deux pays.
Le véhicule a été trouvé par le conducteur de tracteur Vitali Denyssenko, souriant, avec une étincelle malicieuse dans les yeux, lorsqu'il tire son trophée autour d'un champ du village de Mala Rogan.
"Nous avions besoin de deux tracteurs pour l'extraire, ce que nous avons pu faire après que les militaires ont déminé le champ", raconte cet homme de 44 ans à un groupe de journalistes réunis pour couvrir le spectacle.
Des images de chars russes et d'autres véhicules militaires remorqués par des tracteurs ukrainiens font régulièrement le tour des réseaux sociaux, devenant un symbole de la résistance face à l'invasion lancée le 24 février.
Vitali Denyssenko a suivi l'exemple d'autres agriculteurs en faisant don de sa prise à l'armée ukrainienne.
"Nous ne pouvons pas l'utiliser. Qu'est-ce qu'on pourrait en faire? Le conduire à la discothèque du village?", plaisante-t-il.
Les agriculteurs ukrainiens ont réquisitionné tant de véhicules russes dans les zones occupées puis abandonnées par les forces de Moscou que des blagues sur Internet ont commencé à les appeler la "cinquième plus grande armée" d'Europe.
Engouement
Leur courage est désormais célébré par la poste ukrainienne, présente jeudi à Mala Rogan pour lancer un nouveau timbre représentant un tracteur remorquant un char russe sous un ciel jaune.
Selon Tetyana Fomenko, directrice du magasin de collection de timbres du service postal régional de Kharkiv, il s'agit du quatrième timbre à thème militaire émis pendant la guerre. Cinq millions d'exemplaires doivent être mis en vente.
Si l'identité du premier Ukrainien ayant remorqué un char russe n'est pas connue, l'engouement s'est vraiment installé lorsque Viktor Kytchouk et ses amis ont pris un char T-80 soviétique le 1er mars à Slatyné, un village de quelque 6.000 habitants à une dizaine de kilomètres de la frontière russe.
"Nous avons trouvé beaucoup de véhicules et d'équipements dans notre village une fois qu'il a été libéré", a déclaré cet homme de 44 ans, se souvenant que les tirs d'obus pleuvaient alors qu'ils menaient leur audacieuse opération.
Une fois le char en leur possession, ils ont coupé tout le câblage, percé les optiques et dépecé le char pièce après pièce pour les emporter.
Viktor Kytchouk a envoyé une vidéo de lui et de ses amis chevauchant le char au chef militaire régional Volodymyr Oussov, qui l'a diffusé sur YouTube, où le clip est rapidement devenu viral avec quelque 350.000 vues.
Le service postal ukrainien aime les symboles de défiance face à l'armée russe. En avril, il a émis un timbre représentant un soldat faisant un doigt d'honneur au navire amiral de la flotte russe de la mer Noire.
Ce navire, le Moskva, a coulé après un incendie à bord qui a été causé, selon Kiev, par une frappe de missile ukrainien. La Russie assure de son côté que l'accident est dû à une explosion de munitions à bord.
Jeudi à Kiev, une énorme file d'attente s'est formée devant la poste centrale pour acquérir le dernier timbre à la mode, malgré les trois heures d'attente estimées.
"C'est ainsi que nous soutenons la lutte de notre peuple contre l'agresseur russe", a déclaré Vitali, collectionneur de timbres de longue date de 60 ans.
Une partie de l'argent récolté par la vente de ces timbres doit aller aux forces armées ukrainiennes.