Nuit de débrouille à Lagos où «tout s'effondre»

Des vendeurs de cigarettes et de chewing-gum se bousculent devant une boîte de nuit à Ikoyi, Lagos, le 23 juillet 2022. Dans le quartier aisé d'Ikoyi, le flux de personnes courant après l'argent ne s'arrête jamais. (Photo : Benson Ibeabuchi / AFP)
Des vendeurs de cigarettes et de chewing-gum se bousculent devant une boîte de nuit à Ikoyi, Lagos, le 23 juillet 2022. Dans le quartier aisé d'Ikoyi, le flux de personnes courant après l'argent ne s'arrête jamais. (Photo : Benson Ibeabuchi / AFP)
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Publié le Vendredi 29 juillet 2022

Nuit de débrouille à Lagos où «tout s'effondre»

  • Dans la mégalopole de 20 millions d'habitants, ils sont plusieurs millions à vivre de l'économie informelle, à enchaîner les «bons» jours - quand au moins, ils mangent à leur faim - et les «mauvais», plus courants - quand la nourriture vient à manquer
  • Depuis la pandémie de coronavirus, suivie de l'invasion russe en Ukraine, le coût de la vie s'envole, notamment les prix sur les marchés alimentaires

LAGOS : Minuit. Les premières voitures se garent sur le parking du «Cocoon», boîte de nuit de Lagos, vibrante capitale économique du Nigeria. Très vite, plusieurs hommes entourent les véhicules dans l'espoir de glaner une poignée de nairas, de quoi survivre en pleine crise économique.

«Au Nigeria, c'est simple. Soi tu te débrouilles, soi tu meurs. Donc même 100 nairas (23 centimes d'euro), on prend», lance Musa Omar sur le trottoir d'en face.

Dans le quartier d'Ikoyi, l'un des plus riches de Lagos, assis dans l'obscurité, à l'affût, ils sont une vingtaine à attendre les clients. Tous vivent de petits boulots dans la rue.

Ils donnent un coup de main à gauche à droite et font la circulation la journée, puis aident les clients à se garer à la nuit tombée. Le tout, pour seulement quelques euros par jour.

Dans la mégalopole de 20 millions d'habitants, ils sont plusieurs millions à vivre de l'économie informelle, à enchaîner les «bons» jours - quand au moins, ils mangent à leur faim - et les «mauvais», plus courants - quand la nourriture vient à manquer.

Les «hustlers», ces «débrouillards» visibles à quasi chaque intersection, incarnent la devise informelle de la ville : «No Food for Lazy Man» («Pas de bouffe pour les paresseux»).

«Je suis prêt à faire n’importe quel travail pour gagner décemment ma vie mais il n’y a pas d’opportunités», se lamente M. Omar, 36 ans, avant de souffler: «C'est pire qu'avant, tous les prix ont augmenté».

Car depuis la pandémie de coronavirus, suivie de l'invasion russe en Ukraine, le coût de la vie s'envole, notamment les prix sur les marchés alimentaires.

Or dans le pays le plus peuplé d'Afrique, déjà près de 80 millions de personnes vivent sous le seuil de l'extrême pauvreté (moins de 1.90 dollar par jour).

La plupart de ces pauvres habitent dans les campagnes minées par une insécurité croissante, dégradant un peu plus des conditions de vie déjà dramatiques.

- «Dieu, seul «espoir» -

Alors chaque jour, des milliers de jeunes continuent d'affluer dans les grandes villes du Nigeria, et d'abord la fulgurante Lagos, espérant y capter une infime part de l'immense richesse de l'industrie pétrolière concentrée entre les mains de quelques-uns.

C'est le cas de Kasheem Sadiq qui a fui Kaduna (nord) pour Lagos après la mort de son fils Yusuf, âgé d'à peine un an. A la lueur de l'unique lampadaire de la rue, il raconte comment son bébé est tombé malade.

Sans travail «nulle part» et avec les prix qui explosaient, l'homme de 44 ans n'a «pas réussi» à trouver les 20 euros nécessaires pour payer ses soins.

A Lagos, il ne gagne en moyenne que 2.500 nairas (6 euros) par jour. Une somme dérisoire pourtant trois fois supérieure à celle que touchent près de la moitié des Nigérians.

2H30. Sur le parking, les voitures affluent. Une Porsche se gare. Une partie du groupe vocifère des instructions au conducteur pour éviter que le véhicule ne tombe dans un égout à ciel ouvert.

«Les riches s'enrichissent tellement et tout le monde se fout des pauvres», souffle le chef informel de la bande, Abdul Musa, 35 ans.

Avec seulement 1.800 nairas (4 euros) gagnés par jour, «je ne peux rien mettre de côté. J'ai perdu espoir. Seul Dieu peut nous aider», lâche-t-il.

- «Survivre en enfer» -

Ce chrétien originaire de l'État de Benue (est) se débrouille dans les rues d'Ikoyi depuis cinq ans. Il dit passer ses nuits dans une étable, avec des ânes.

«Je ne veux pas d’enfants pour ne pas qu’ils souffrent dans ce pays», assure M. Musa. «Ici, on survit en enfer».

5H00. Les voitures s'en vont une à une. Même à cette heure tardive, trois syllabes suffisent à déclencher la colère générale : Bu-ha-ri, en référence au président Muhammadu Buhari. L'ancien général élu une première fois en 2015 termine son deuxième mandat sous le feu des critiques.

Devant le «Cocoon», tous dénoncent des difficultés économiques «jamais vécues auparavant» et un gouvernement de «corrompus», qui ne «fait rien pour sa population».

Anita Obasi, la seule femme du groupe, regarde les véhicules disparaître, un joint à la main. Au Nigeria, beaucoup consomment du cannabis ou d'autres drogues pour échapper à leur quotidien difficile.

Sous sa casquette noire, la jeune femme de 24 ans, souriante «malgré tout», explique fumer pour «atténuer la douleur». La douleur de devoir se prostituer depuis deux ans, de tarifer 9 euros la passe. «11 quand je me déplace».

Après deux décennies de croissance, le Nigeria est tombé en 2016 dans une grave récession provoquée par la chute des prix du pétrole. Trois ans plus tard, la première économie d'Afrique commençait tout juste à sortir la tête de l'eau quand la pandémie de coronavirus, puis l'offensive russe en Ukraine ont remis à genoux ses habitants.

Anita Obasi vit dans une angoisse quotidienne, celle de ne pas savoir si elle réussira à nourrir sa fille.

«Chaque jour, j’essaie de rester positive», dit-elle. «Mais autour de moi, tout s'effondre.»


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.