PARIS: Premiers nuages au-dessus du projet de mariage entre TF1 et M6 : une instance de l'Autorité de la concurrence s'est dite défavorable à cette union censée créer un géant français de la télévision, mais les chaînes ont affirmé vouloir maintenir leurs fiançailles.
Ce rapport, très attendu, pointe des "problèmes de concurrence significatifs", notamment dans la publicité télévisuelle, a indiqué mardi soir le président du directoire du groupe M6, Nicolas de Tavernost, en marge de la publication des résultats semestriels de son groupe.
"La nature et l'étendue des remèdes requis dans le rapport d'instruction feraient perdre toute pertinence au projet des parties qui, dans ce cas, l'abandonneraient", ont ensuite déclaré de concert TF1, M6 et leurs actionnaires respectifs --les groupes Bouygues et RTL--, dans plusieurs communiqués.
Ces mesures "ne permettraient pas de bâtir un projet industriel cohérent", a insisté M. de Tavernost, proposé comme futur PDG du nouvel ensemble. Les deux chaînes comptent sur ce rapprochement pour peser face aux nouveaux acteurs du numérique, comme Netflix, qui grignotent la durée d'écoute de la télévision traditionnelle, font monter le prix des programmes audiovisuels et investissent désormais le marché de la publicité.
TF1 et M6 demandent à l'Autorité de la concurrence de considérer leur part de marché en prenant en compte ces nouveaux acteurs mondiaux. Les deux groupes espéraient initialement des "synergies" estimées entre 250 et 350 millions d'euros.
Toutefois, les parties concernées ne comptent pas baisser les bras et entendent pour l'heure "maintenir le projet tel qu'il a été présenté". Elles prévoient de répondre à l'Autorité de la concurrence dans un délai de trois semaines, avant de défendre leur rapprochement lors d'auditions prévues devant le collège de l'Autorité les 5 et 6 septembre.
Perspectives publicitaires pénalisées
La décision finale attendue en octobre reviendra à ce collège, qui n'est pas tenu de suivre l'avis des services d'instruction.
Un regroupement de TF1 et de M6 donnerait naissance à un géant français sur le marché des droits audiovisuels, de la distribution de chaînes et de la publicité télévisuelle, avec environ 75% du chiffre d'affaires français de ce dernier secteur.
Annoncé en mai 2021, le projet est censé être finalisé début 2023, après avoir également reçu l'accord de l'Arcom (ex-CSA), prévu pour novembre.
Les deux groupes ont déjà commencé à se mettre en ordre pour permettre leur fusion. Ils ont notamment annoncé la cession des chaînes TFX et 6ter au groupe Altice et la libération de la fréquence TNT de Paris Première pour se conformer à la réglementation sur la concentration des médias.
TF1 s'est de son côté désengagé d'un certain nombre d'activités liées au marketing et à la presse en ligne.
Le groupe M6 a présenté mardi des résultats en demi-teinte pour le premier semestre. Son chiffre d'affaires, à 664 millions d'euros, a grimpé de 3% sur un an, grâce notamment à la reprise de l'activité cinéma, a indiqué M. de Tavernost.
Mais les recettes publicitaires, stables de janvier à juin avec 530 millions d'euros, présentent des perspectives moins réjouissantes pour la seconde moitié de l'année. Ceci s'explique pour partie par l'absence d'évènement sportif durant l'été par rapport à l'année précédente, où M6 avait diffusé 8 matches de l'Euro 2020 de football, et par le contexte économique qui conduit les annonceurs à un certain "attentisme", a précisé le dirigeant.
L'augmentation des charges liées au projet de fusion et la diminution d'un crédit d'impôt audiovisuel a par ailleurs pesé sur le bénéfice net du groupe, qui a baissé au premier semestre de 22,4%, à 92,5 millions d'euros.