BERLIN : La raréfaction des livraisons de gaz russe en Allemagne remet sur le tapis la question de l'énergie nucléaire, en principe bientôt abandonnée, mais dont une prolongation n'est plus désormais complètement exclue.
Le gouvernement allemand a indiqué lundi qu'il trancherait "dans les prochaines semaines" sur une possible prolongation des dernières centrales nucléaires, prévues pour s'arrêter définitivement en fin d'année, en s'appuyant sur une nouvelle expertise en cours.
Pour prendre position, le gouvernement allemand attend désormais le résultat "d'un stress-test qui est en cours" pour connaître le niveau de sécurité actuel des centrales, a indiqué une porte-parole du gouvernement.
Un premier test en mars avait conclu que les trois centrales nucléaires encore en activité en Allemagne n'étaient pas nécessaires pour assurer la sécurité énergétique de la première économie européenne.
L'héritage Merkel
C'est l'ancienne chancelière conservatrice Angela Merkel qui, sous la pression de l'opinion, a engagé l'Allemagne dans la sortie du nucléaire après la catastrophe de Fukushima en 2011.
Les écologistes en particulier, membres de la coalition gouvernementale du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, ont longtemps plaidé contre tout changement de cap, la lutte contre l'atome faisant partie de l'ADN des Grünen depuis leur création il y a plus de 40 ans.
Mais depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, la situation énergétique du pays n'a eu de cesse d'empirer.
La flambée des coûts de l'énergie et la crainte d'une pénurie de gaz russe - Gazprom a annoncé lundi vouloir réduire ses livraisons à seulement 20% de la normale via le gazoduc Nord Stream - poussent la propre famille politique d'Angela Merkel désormais à réexaminer le tabou de l'énergie nucléaire.
Elle réclame que les dernières centrales restent en activité plus longtemps que prévu.
"Ceux qui ont décider de rester dans l'énergie nucléaire", comme la France, "ne sont pas forcément plus idiots" que les Allemands, a récemment affirmé leur chef de file, Friedrich Merz.
"Je peux déjà l'anticiper, vous verrez que les centrales nucléaires seront prolongées en fin d'année", a-t-il martelé ce week-end.
La pression monte au sein même de la coalition gouvernementale, en provenance des Libéraux du FDP.
"La durée de vie des centrales nucléaires devrait être prolongée jusqu'au printemps 2024. C'est la période pendant laquelle nous risquons de manquer d'énergie", a plaidé dans Bild mardi un responsable de ce parti de droite, Michael Kruse.
Même du côté des écologistes et des sociaux-démocrates, les propos sur le nucléaire se font moins intransigeants.
Les Verts moins inflexibles
Dimanche, l'influente vice-présidente du Bundestag, l'écologiste Katrin Göring-Eckardt, a ainsi jugé qu'en cas de réelle situation d'urgence, l'idée de terminer de brûler les barres de combustible des centrales nucléaires encore en service, ce qui permettrait de prolonger leur durée d'exploitation, restait une option.
A défaut, a-t-elle relevé, certaines institutions critiques comme les hôpitaux, pouvaient connaître des difficultés de fonctionnement.
Cette possibilité a été aussi avancée par les représentants sociaux-démocrates et écologistes de Munich et de Basse-Saxe où se trouvent les centrales Isar 2 et Emsland. La troisième, Neckarwestheim 2, est située dans le Bade-Wurtemberg.
Selon le maire de Munich, Dieter Reiter, Isar 2 pourrait être exploitée "jusqu'au milieu de l'année prochaine au plus tard", ce qui permettrait de "détendre la situation d'approvisionnement des habitants de Munich, même en cas d'aggravation de la situation" en Ukraine.
Même la ministre des Affaires étrangères l'écologiste Annalena Baerbock, a estimé que la "situation d'urgence" que connaît l'Allemagne obligeait à "réfléchir à toutes les solutions".
Si le pays venait à décider de prolonger la durée de vie de ses centrales restantes, cela constituerait une nouvelle volte-face en matière d'énergie à la portée politiquement très forte.
Il y a quelques semaines déjà, Berlin a annoncé qu'il aurait davantage recours pour son mix énergétique au charbon, prévu pour disparaître en 2030, pour compenser la baisse du gaz russe.