LONDRES : Un parti politique dont les membres tendent à être des hommes blancs va choisir entre une femme et un homme d'origine indienne pour succéder à Boris Johnson et devenir le Premier ministre du Royaume-Uni.
L'ex-ministre des Finances Rishi Sunak ou la cheffe de la diplomatie Liz Truss deviendra en septembre le nouveau dirigeant du pays.
"Treize des quinze Premiers ministres depuis la guerre ont été des hommes blancs, mais ce n'est plus quelque chose d'inévitable", explique à l'AFP Sunder Katwala, du groupe de recherche British Future.
Liz Truss, si elle est élue, sera la troisième femme Première ministre britannique, après Margaret Thatcher et Teresa May, toutes les deux également des Tories.
Quant à Rishi Sunak, hindou pratiquant, il deviendrait le premier chef du gouvernement non blanc, à la tête d'un pays qui, fut un temps, régnait sur le pays d'origine de sa famille.
Les minorités ethniques, dont les conditions de vie sont moins bonnes que celles de personnes blanches dans de nombreux domaines, "restent sceptiques sur le programme des conservateurs, même si la diversité s'affiche tout en haut", souligne M. Katwala.
Et elles "votent comme tout le monde: sur les taxes, l'économie, le Brexit".
S'il a fait l'objet d'attaques racistes sur les réseaux sociaux, M. Sunak et son ascension soulignent malgré tout un changement de mentalité chez les Tories.
Evoquant les insultes racistes qu'il a reçues enfant, Rishi Sunak avait affirmé en 2020 qu'elles "faisaient plus mal que d'autres". "Mais ça ne m'est pas arrivé depuis longtemps", avait-il dit en soulignant les "énormes progrès" en la matière.
En 1968, alors que de nombreux migrants venus des Caraïbes et d'Asie du Sud sont en train de changer le visage du pays, le député conservateur Enoch Powell prédit une guerre civile si l'immigration continue. Les sondages de l'époque montrent qu'une majorité des Britanniques blancs sont d'accord avec lui.
Scandales racistes et sexistes
Les conservateurs présentent désormais un visage plus inclusif, mais "le parti a ses nouveaux dossiers, comme Windrush et la campagne raciste contre Sadiq Khan", le maire travailliste et musulman de Londres, souligne M. Katwala.
En 2018, le "scandale Windrush" met en lumière la politique migratoire -"raciste" selon les association de défense des droits humains- des Tories quand des immigrés caribéens arrivés légalement il y a plus d'un demi-siècle se voient privés de droits, voire expulsés.
Plus récemment, le projet gouvernemental pour déporter au Rwanda des demandeurs d'asile, soutenu par Liz Truss comme par Rishi Sunak, a encore souligné la ligne dure des Tories concernant l'immigration.
Les Tories ont également multiplié les scandales sexistes et sexuels, avec plusieurs députés accusés de viols ou d'agressions sexuelles. Et des parlementaires conservateurs ont récemment accusé une députée de l'opposition de détourner l'attention du Premier ministre en croisant et décroisant les jambes au Parlement.
Oxford encore et toujours
Rishi Sunak et Liz Truss sont les deux derniers candidats en lice pour succéder au Premier ministre Boris Johnson qui a démissionné après une série de scandales et de mensonges. Les membres du parti voteront en août par correspondance pour déterminer le nouveau leader.
Selon une étude réalisée l'année dernière, les membres du parti sont plutôt des hommes blancs relativement âgés.
Il y avait au départ huit candidats pour succéder à Boris Johnson: quatre femmes et quatre prétendants non blancs.
Quand il a gagné l'élection à la tête du parti en 2005, David Cameron et ses six rivaux étaient tous des hommes blancs, a récemment noté l'ancien Premier ministre dans le Sunday Times, encourageant les minorités à se lancer sans complexe.
"Certains considèrent la cohésion (sociale) comme un concept mou et une politique de second rang", a-t-il déclaré. "Ce n'est pas le cas."
Quand il était au pouvoir, David Cameron a mis en place des réformes pour féminiser et diversifier les rangs conservateurs. Liz Truss comme Rishi Sunak en ont bénéficié.
Mais certaines choses ne changent pas: parmi les 15 derniers chefs du gouvernement, 11 ont étudiés à Oxford. C'est le cas de Rishi Sunak et de Liz Truss.
"L'élite est plus ouverte, à condition d'avoir l'éducation qu'il faut", souligne M. Katwala.
"Il faut encore trouver le moyen de faire de même pour les personnes de la classe ouvrière", a-t-il ajouté. "Mais c'est quand même un progrès."