PARIS: Une statue majestueuse façonnée par les trois frères de l'atelier Assaf se trouve devant l'entrée de la Bibliothèque nationale de Baakline. C'est celle de l'émir Fakhreddine qui dirigea l'émirat du Mont-Liban et qui fut exécuté par l'Empire ottoman à Istanbul en 1635. L'emplacement de cette statue est symbolique car elle se trouve devant un bâtiment qui était auparavant un sérail ottoman puis une prison, après l’indépendance du Liban. Cette transformation s'inscrit dans une démarche locale qui a pour objectif de promouvoir la culture et le dialogue dans un pays où le secteur culturel a été profondément touché par une crise socio-économique sans précédent.
Le choix de la culture pour tous
Cette démarche a été l'œuvre des habitants de Baakline et surtout de Walid Joumblatt, président du Parti socialiste progressiste et baron politique de la région du Chouf. La bibliothèque a été fondée le 13 mars 1987 alors que le Liban était encore en pleine guerre civile. «Les habitants ne voulaient plus de la présence de la prison. Walid Joumblatt eut l'idée d'y fonder une bibliothèque», explique Ghazi Saab, directeur des lieux.
Ce lieu historique compte plus de 190 000 livres répartis en trois langues principales: arabe, français et anglais. Le site Internet est par ailleurs très accessible. «La particularité de cette bibliothèque est d’être la seule au Liban à proposer des prêts de documents et d’ouvrages sans aucune contrepartie financière», précise le directeur de la Bibliothèque nationale de Baakline. En effet, pour y emprunter un livre, il suffit de résider au Liban.
La pandémie de coronavirus puis la crise socio-économique ont cependant eu comme conséquence une réduction des prêts, passant de 50 000 prêts en 2019 à 24 000 en 2021.
Un exemple à suivre au Liban
L'État libanais dont dépend la bibliothèque ne l'aide plus financièrement depuis trois ans. Elle continue toutefois d'accueillir les visiteurs provenant des quatre coins du Liban et de proposer une offre culturelle riche. De nombreuses conférences ainsi que des représentations théâtrales ont lieu tout au long de l’année. «Le théâtre a été inauguré en 2019. L'année suivante, la bibliothèque a organisé plus de 252 activités culturelles. En juin dernier, nous avons accueilli quatre représentations théâtrales jouées par les enfants du Centre national de réadaptation et de développement», indique fièrement Ghazi Saab.
La Bibliothèque nationale de Baakline est ainsi devenue un havre de culture mais aussi de dialogue. À la suite de ce retentissant succès, Ghazi Saab a été nommé conseiller du ministre de la Culture. Il partage sa riche expérience dans le cadre de ses nombreuses responsabilités, y compris en tant que responsable des Centres de lecture et d'animation culturelle qui dépendent de l'Organisation internationale de la francophonie. La Bibliothèque nationale de Baakline a aidé plus de 96 bibliothèques au Liban.
Ce lieu emblématique niché au cœur du berceau historique du Liban devient progressivement un phare de culture.