VARSOVIE: A Global Expo, une ancienne halle commerciale au nord de Varsovie, entre un échangeur routier et une centrale à charbon, le petit Kyrill, assis sur un lit de camp, démonte une trottinette pour tuer le temps.
Géré par un prestataire privé, cet ancien grand site d'exposition a été reconverti en centre humanitaire au tout début de l’invasion de l'Ukraine par Moscou, en février. Depuis quatre mois, Kyrill y vit avec sa mère, Olena Polonitska, et sa tante Oksana.
Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), sur les quelque 1,2 million d'Ukrainiens réfugiés en Pologne, 40% sont logés par des familles polonaises, et environ autant louent des logements. Mais ils sont encore des milliers à vivre dans des centres d'hébergement humanitaires à l'instar de Global Expo.
Pour de nombreux réfugiés, ce lieu représentait une solution temporaire, qui s'est prolongée en même temps que le conflit.
Pour beaucoup, il est hors de question de s’éloigner de l’Ukraine, où leurs proches sont restés. Faute de perspectives, ils y patientent en sursis.
“Tout ce que j’espère pour l’instant, c’est rentrer chez moi (...) ou être relogée quelque part en Pologne”, explique Olena à l’AFP.
Selon le HCR, 79% des réfugiés ukrainiens installés en Pologne comptent y rester dans les mois à venir.
Les résidents du centre affirment recevoir régulièrement des offres d'hébergement à l'étranger, avec, parfois, des emplois à la clé.
A l'entrée, un drapeau japonais flotte au dessus d'un stand estampillé "recherche logement".
"Nous avons monté un partenariat avec le Japon, pour y faire venir et travailler 2.000 réfugiés", explique Maksym Demidov, bénévole à la tête d'un fond caritatif polono-ukrainien.
Maksym affirme avoir trouvé une cinquantaine de réfugiés prêts à sauter le pas. Mais les volontaires au départ sont minoritaires, toutes destinations confondues.
Offres plus rares
Pour l'heure, beaucoup de résidents de Global Expo, attendent toujours une offre d’hébergement chez une famille polonaise.
Mais si les propositions ont abondé à l’aube du conflit, elles se font aujourd'hui plus rares, selon plusieurs bénévoles du centre interrogés par l'AFP.
"Il y a toujours des propositions de logement par les particuliers polonais, mais elles n'émanent plus des grandes villes", nuance Angelika, coordinatrice d'un programme de relogement.
"Or les Ukrainiens veulent rester dans les grandes villes. Ils pensent y trouver du travail plus facilement", ajoute-t-elle.
Mardi, le gouvernement polonais a annoncé un programme visant à inciter les réfugiés à rejoindre des zones peu urbanisées en manque de main-d'oeuvre.
Les foyers polonais qui accueillent des réfugiés obtiennent une indemnisation journalière de 40 zlotys (8,40 EUR) par personne hébergée, versés pour une durée de 120 jours (reconduite dans certains cas).
Ce délai devrait permettre aux réfugiés de s’autonomiser, trouver un emploi et un logement.
Mais beaucoup restent sans emploi. Le marché locatif est par ailleurs saturé dans plusieurs grandes villes polonaises.
"Des réfugiés rejoignent le centre après avoir habité chez des familles qui n’ont plus les moyens ou la volonté de les héberger", indique le bénévole Marcin Kulicki.
Ni l'Ukraine, ni la Pologne
Au milieu des longues allées de lits de camp, Daniel Lupanov et Angelina Yelenchuk jouent une partie de cartes émaillée de pauses cigarettes.
"Ici, nous nous sentons déconsidérés", soupire Angelina, qui venait de commencer des études de droit quand la guerre a éclaté.
Le centre-ville de Varsovie est à une demi-heure de tramway. Dans la journée, ces jeunes à peine sortis de l'adolescence vont s'y changer les idées et prendre quelques clichés désinvoltes qu’ils postent sur Instagram.
Au détour de taquineries teintées d'humour noir, ils évoquent leurs plans futurs.
"Je ne rentrerai pas en Ukraine. Je viens de Marioupol. Mon appartement a été rasé, plus rien ne m’y attend", lâche Daniel entre deux tours de cartes.
Ceux qui, comme lui, viennent des territoires désormais occupés par la Russie, envisagent leur avenir loin de l’Ukraine, et de la Pologne.
“Ça tombe bien, je suis jeune, j’avais envie de voyager", ironise amèrement le jeune homme, qui espère obtenir un visa pour le Canada.