Après un conflit tribal sanglant, la colère des Haoussas gagne une bonne part du Soudan

Un véhicule brûle lors d'affrontements dans la ville de Kassala, dans l'est du Soudan (Photo, AFP).
Un véhicule brûle lors d'affrontements dans la ville de Kassala, dans l'est du Soudan (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 20 juillet 2022

Après un conflit tribal sanglant, la colère des Haoussas gagne une bonne part du Soudan

  • À Khartoum, sur l'avenue de l'aéroport, la police a tiré des grenades lacrymogènes sur des centaines de manifestants
  • La semaine dernière, les affrontements dans le Nil Bleu ont fait, officiellement, 79 morts et 199 blessés

KHARTOUM: Des milliers de Haoussas, ethnie impliquée dans un récent conflit tribal qui a fait 79 morts, défilent mardi à travers le Soudan aux cris de "Vengeance", "les Haoussas aussi sont des citoyens", illustrant un peu plus la fragilité d'un pays déjà au bord du gouffre.

À Khartoum, sur l'avenue de l'aéroport, l'une des principales artères du centre-ville, la police a tiré des grenades lacrymogènes sur des centaines de manifestants qui brandissaient des banderoles disant "Non aux tueries de Haoussas", a constaté un journaliste de l'AFP.

Car la question tribale est sensible dans ce pays, un des plus pauvres au monde, sorti seulement en 2019 de 30 ans d'une dictature militaro-islamiste qui jouait régulièrement sur la corde sensible des divisions ethniques et tribales. Sous son règne, Omar el-Béchir a combattu des guérillas régionales en envoyant des miliciens de tribus rivales.

En 2020, le nouveau pouvoir composé de civils et de militaires censé mener le pays vers la démocratie signait la paix avec plusieurs de ces groupes rebelles, promettant paix et développement jusqu'aux confins les plus reculés du pays.

Mais en octobre 2021, un coup d'Etat militaire a rompu l'alliance entre civils et militaires et, surtout, l'accord de paix n'a pas mis fin aux conflits tribaux qui ont fait ces derniers mois des centaines de morts, particulièrement au Darfour, dans l'ouest frontalier du Tchad.

Défilés et routes bloquées

La semaine dernière, les affrontements dans le Nil Bleu ont fait, officiellement, 79 morts et 199 blessés. Ce qui a entrainé le déplacement de 17 000 personnes, dont 14 000 survivent désormais dans trois écoles d'al-Damazine, chef-lieu du Nil Bleu, rapporte mardi l'ONU.

Ces affrontements éclatent généralement pour l'accès à l'eau et aux terres, vitales pour agriculteurs et éleveurs – souvent issus de tribus rivales – dans un pays où de très nombreuses armes circulent après des décennies de guerre civile.

De nouveau, c'est pour l'accès à des terres que la violence a éclaté lundi dernier entre les Haoussas – l'une des plus grandes ethnies d'Afrique présente du Sénégal au Soudan – et le clan des Bartis – au Nil Bleu, frontalier de l'Ethiopie.

Si le calme y est désormais revenu, la violence a gagné plusieurs autres Etats, notamment Kassala, plus au nord, où lundi des milliers de Haoussas ont incendié des bâtiments publics.

Mardi, ils étaient des milliers à manifester à Khartoum, au Kordofan-Nord (centre) ou à Kessala, Gedaref et Port-Soudan sur l'est côtier, ont constaté des journalistes de l'AFP.

A el-Obeid, chef-lieu du Kordofan-Nord à l'ouest de Khartoum, et à Port-Soudan, sur la mer Rouge, ils étaient dans chaque ville plusieurs milliers à converger vers le siège du gouvernorat aux cris de "les Haoussas vaincront".

Là, ils ont remis aux deux gouverneurs des lettres de doléance réclamant "justice pour les martyrs", ont rapporté les photographes de l'AFP.

À Gedaref, où vivent nombre des trois millions de Haoussas du pays, ils étaient 4 000 à scander "Les Haoussas sont aussi des citoyens" et "vengeance".

À al-Chouak, dans le même Etat, "500 Haoussas bloquent l'autoroute Khartoum-Kassala", a rapporté un habitant, Saleh Abbas.

Tribu et politique

Les Haoussas, musulmans comme la plupart des Soudanais, ont leur propre langue, le haoussa, et vivent principalement de l'agriculture au Darfour, dans l'Etat d'al-Jazira, au sud de Khartoum, ainsi que dans les Etats de Kessala, de Gedaref, de Sennar et du Nil Bleu, qui bordent l'Erythrée et l'Ethiopie.

D'autres tribus avant eux ont déjà paralysé le pays avec des blocus sur les routes et les docks de l'Est, les Beja, qui réclament une meilleure représentation au sein des nouvelles autorités. A l'automne dernier, ils avaient empêché des semaines durant tout commerce dans le pays.

Les violences – tribales ou insurrectionnelles – connaissent un regain, notent les experts, depuis le putsch du chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, qui a créé un vide sécuritaire.

Et elles servent, accusent les pro-démocratie, le pouvoir militaire et ses alliés ex-rebelles qui font ainsi pression pour obtenir des gains politiques. Et repousser l'échéance d'un retour au partage du pouvoir avec les civils comme le réclame la communauté internationale.

Les pro-démocratie, qui manifestent régulièrement depuis le putsch, ont annoncé mardi qu'ils défileraient dimanche sous le slogan "une seule nation" en hommage aux victimes et "contre le tribalisme".


Au Liban, la plupart des sites militaires du Hezbollah ont été cédés à l'armée dans le sud du pays

L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
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  • « Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.
  • Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

BEYROUTH : Selon une source proche du mouvement pro-iranien, l'AFP a appris samedi que la plupart des sites militaires du Hezbollah dans le sud du Liban avaient été placés sous le contrôle de l'armée libanaise.

« Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.

Dimanche, une émissaire américaine en visite à Beyrouth a exhorté les autorités libanaises à accélérer le désarmement du Hezbollah.

« Nous continuons d'exhorter le gouvernement à aller jusqu'au bout pour mettre fin aux hostilités, ce qui inclut le désarmement du Hezbollah et de toutes les milices », a déclaré Morgan Ortagus sur la chaîne locale LBCI. 

Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

« Nous allons bientôt élaborer une stratégie de défense nationale dans ce cadre », a-t-il ajouté.

Le Hezbollah est le seul groupe libanais à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile en 1990, au nom de la « résistance » contre Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban pour soutenir son allié palestinien.

Ces hostilités ont dégénéré en guerre ouverte en septembre 2006 avec des bombardements israéliens intenses au Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, dont la direction a été quasiment décimée. La guerre a fait plus de 4 000 morts.

Israël, qui a maintenu sa présence militaire au Liban dans cinq points « stratégiques » le long de la frontière, continue de mener régulièrement des frappes au Liban, disant viser des infrastructures et des membres du Hezbollah.


Gaza : une délégation du Hamas est attendue au Caire samedi pour discuter d'une trêve

Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
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  • « Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat.
  • « Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

LE CAIRE : Une délégation du Hamas est attendue samedi au Caire pour des discussions avec les médiateurs égyptiens en vue d'une nouvelle trêve dans la bande de Gaza, a indiqué à l'AFP un responsable du mouvement islamiste palestinien.

« Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre et à l'agression, et garantissant le retrait complet des forces d'occupation de la bande de Gaza », a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat, en référence à Israël.

Selon lui, le Hamas n'a reçu aucune nouvelle offre de trêve, malgré des informations de médias israéliens rapportant que l'Égypte et Israël avaient échangé des projets de documents portant sur un accord de cessez-le-feu et de libération d'otages.

« Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

La délégation est conduite par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du Hamas, a-t-il précisé.

Selon le Times of Israel, la proposition égyptienne prévoirait le retour en Israël de 16 otages, huit vivants et huit morts, en échange d'une trêve de 40 à 70 jours ainsi que de la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens.


Reconnaissance de l'État palestinien : de nombreuses conditions à réunir pour que la France agisse

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
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  • - Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 
  • Il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

PARIS : Toute reconnaissance de l'État palestinien par la France ne contribuera à mettre la solution des deux États avec Israël sur les rails que si elle réunit une myriade de conditions qui semblent pour le moment inatteignables.

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique ». Les obstacles sont de taille.

- Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 

L'an passé, il avait déclaré que la reconnaissance d'un État palestinien n'était pas un tabou, à condition que ce geste symbolique soit « utile ».

Mercredi, il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

La conférence pour les deux États, prévue en juin à New York sous l'égide de la France et de l'Arabie saoudite, doit être « un tournant », a-t-il dit. 

Des frontières à définir 

« Les attributs juridico-politiques de l'État palestinien en question n'existent pas aujourd'hui. C'est une pure fiction diplomatique », souligne néanmoins David Khalfa, de la Fondation Jean-Jaurès à Paris.

« Pour qu'un État palestinien soit viable, il faut une continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie », note Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. Or, « on ne voit pas aujourd'hui le gouvernement israélien accepter d'entamer un processus de décolonisation, de mettre un terme à l'occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et de demander aux 700 ou 800 000 colons israéliens de quitter ces territoires occupés », dit-il. 

Une autre question épineuse est celle du désarmement du Hamas, qui a perpétré les attentats sanglants du 7 octobre 2023 en Israël et provoqué les représailles meurtrières de l'armée israélienne à Gaza.

Israël a fait de l'éradication du groupe sa priorité. 

Démilitarisation du Hamas et exfiltration

Quoiqu'affaibli, le groupe « a réussi à recruter des milliers de jeunes miliciens » et dispose encore d'un arsenal lui permettant de « mener des actions de guérilla contre les soldats israéliens et de réprimer dans le sang les leaders de la contestation anti-Hamas à Gaza », observe-t-il.

S'agissant de l'exfiltration de certains cadres du Hamas, la question est complexe à explorer avec ceux qui parlent au Hamas, reconnaît-on à Paris. Comment les exfiltrer et vers quelle destination, en plus du Qatar et de la Turquie ? Des interrogations  qui restent sans réponse actuellement. 

Revitaliser l'Autorité Palestinienne

« Les Israéliens doivent être convaincus que le Hamas va être désarmé, qu'il est exclu de la gouvernance de Gaza et que l'Autorité palestinienne va réellement se réformer », a expliqué à l'AFP une source diplomatique française.

Cela passe par le renforcement de la légitimité de l'Autorité palestinienne, alors que la popularité du Hamas augmente au sein de la population. 

Normalisation avec Israël

Selon Hasni Abidi, enseignant au Global Studies Institute de l'Université de Genève, il faut un changement de personnel politique en son sein pour qu'une Autorité palestinienne revitalisée soit en mesure d'assurer une gouvernance crédible dans la bande de Gaza. Or, ses dirigeants ne manifestent aucun désir de passer la main, ce qui permet à Israël d'entretenir l'idée qu'ils n'ont pas d'interlocuteur crédible.

La source diplomatique rappelle que la normalisation est un processus et pas un acte isolé. Elle souligne que ce processus peut se faire progressivement et que d'autres pays peuvent participer. Cependant, la France est réaliste et ne s'attend pas à un règlement immédiat du conflit israélo-palestinien.