PARIS : L’intervention russe en Ukraine a marqué le retour de la guerre de haute intensité en Europe. Elle confronte l’Occident et le monde à de multiples défis et menaces. Au cours des récentes réunions du G20 en Indonésie et lors des sommets du G7, de l’Otan et de l’Union européenne, la polarisation entre l’Occident et la Russie s’est accentuée à la lumière des développements de la guerre en Ukraine.
Face à cet élan occidental sous le leadership américain, et au risque d’une guerre prolongée, la Russie s’entête à réaliser ses objectifs. Ainsi, l’Europe entre dans une nouvelle phase stratégique perturbée et le désordre mondial continue de marquer cet épisode de relations internationales malgré la tentative de percée russe et la mobilisation occidentale.
L’endiguement de la Russie est contesté et freiné
La guerre russe en Ukraine tourne progressivement à la guerre d’épuisement. Elle ne sera pas tranchée de façon catégorique car, théoriquement, le camp qui gagnera sera celui qui résistera le plus longtemps aux rigueurs du conflit. Mais, compte tenu du rapport des forces et de la décision occidentale de ne pas entrer en conflit direct avec Moscou, la solution politique reste la seule alternative réaliste. En outre, l’élan occidental conduit par Washington se trouve freiné car la plupart des autres pays du monde – Amérique latine, Chine, Inde, Moyen-Orient et Afrique – trouvent peu d'intérêts nationaux dans le désir fondamentalement américain d’affaiblir la Russie.
Cette fracture mondiale s’est bien manifestée lors des réunions ministérielles du G20. La réunion des ministres des Affaires étrangères ressemblait à un jeu de somme nulle. Si la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, estime que «les Occidentaux avaient réussi à réunir un front uni face à la Russie qui paraissait tellement isolée», Moscou récuse ce constat, soulignant que les pays occidentaux ont «échoué» à imposer un boycott de la Russie lors de la réunion des chefs de diplomatie du G20.
À l’issue des réunions du G20, aucun communiqué commun ne fut publié: les Occidentaux dénoncent l'impact de la guerre en Ukraine sur l'économie mondiale, tandis que la Russie accuse les sanctions occidentales d'être à l'origine de la détérioration de la conjoncture.
Cette impasse incite le président serbe, Aleksandar Vucic, à sonner la charge en mettant en garde contre un dérapage de la crise en Ukraine qui n’est selon lui qu’«une guerre mondiale dans laquelle l'Occident combat la Russie avec l'aide de soldats ukrainiens».
L’impact du nouvel concept stratégique de l’Otan
Dans ce contexte, l’Occident ne lésine pas sur les moyens. L’électrochoc de l’intervention russe, d’un côté, et la présence des atlantismes à la Maison Blanche, de l’autre, ont conduit à redynamiser l’Otan. Ainsi, lors du sommet de Madrid, en juin dernier, l’unité et la cohérence ont été de mise, même parmi les plus réticents comme les présidents hongrois et turc (Erdogan a levé ses réserves à propos de l’adhésion de la Finlande et du Suède).
L’électrochoc de l’intervention russe, d’un côté, et la présence des atlantismes à la Maison Blanche, de l’autre, ont conduit à redynamiser l’Otan.
Khattar Abou Diab
Ce sommet marque un tournant dans l’histoire de l’organisation, avec l’adoption d’un nouveau concept stratégique de l’Otan, le premier depuis 2010 mentionnant les «défis systémiques» posés par la Chine et ses relations croissantes avec la Russie. Ce retour en arrière s’accompagne d’un renforcement de la présence américaine en Europe.
Pour Vladimir Poutine, c’est donc l’effet inverse: à la place d’un affaiblissement de l'Otan, il y aura une Otan forte et élargie. Pour les Occidentaux, tout soutien à l’Ukraine, toute riposte et toute réaction sont évidents. Mais pour la Russie «l’Occident déclenche une confrontation hybride féroce» et le vice-président du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, est allé plus loin en évoquant la «possibilité d'une guerre nucléaire».
Au-delà des menaces russes voilées et improbables, et des déclarations jusqu’au-boutistes de Washington, l’Ukraine a perdu près de 20% de son territoire et la Russie risque l’enlisement. Les sanctions américaines et occidentales s’avèrent insuffisantes pour faire plier Moscou, alors qu’elles sont nuisibles pour l’Europe. Le ralentissement de l’économie mondiale et les effets sociaux limitent aussi l’utilité de l’escalade occidentale face à l’offensive russe.
Les sanctions américaines et occidentales s’avèrent insuffisantes pour faire plier Moscou, alors qu’elles sont nuisibles pour l’Europe.
Khattar Abou Diab