BOGOTA : Ses sacs en peau de serpent ou de crocodile sont prisés des stars et vendus dans le monde entier: accusée d'avoir violé les règles d'importation aux Etats-Unis, la créatrice colombienne Nancy Gonzalez attend désormais dans une prison de Bogota que la justice se prononce sur une possible extradition.
La maroquinière, dont les pochettes, sacs à main et portefeuilles en cuir coloré sont vendus aux Etats-Unis, en Europe et en Asie, a été arrêtée le 8 juillet à Cali (sud-ouest) lors d'une perquisition de la police et du parquet à son domicile.
Selon la procureure Deicy Jaramillo, un tribunal de Floride accuse la créatrice d'"association visant à importer et envoyer des (marchandises à base d') animaux sauvages aux Etats-Unis de façon contraire à la loi" et de "contrebande de marchandises" en direction de ce pays.
Nancy Gonzalez, 77 ans, et deux de ses employés sont soupçonnés d'avoir organisé un réseau pour l'envoi aux Etats-Unis entre février 2016 et avril 2019 d'au moins deux cents articles en peaux de python et de caïman, obtenues légalement en Colombie, mais sans respecter les règles douanières américaines.
Ce type d'importation doit notamment obtenir une autorisation de la Convention pour le commerce international des espèces menacées de la faune et flore sauvage (Cites), qui garantit que ce commerce ne met pas en péril la survie des espèces.
Des images diffusées par le parquet ont montré la chef d'entreprise menottée après son arrestation. Elle est depuis emprisonnée à Bogota dans l'attente de la décision de la justice colombienne.
Les sacs de Nancy Gonzalez, notamment distribués dans les grands magasins Harrods à Londres et Bergdorf Goodman à New York, se vendent jusqu'à 4 200 dollars. Salma Hayek, Britney Spears ou Victoria Beckham ont arboré des accessoires de la marque, selon plusieurs sites spécialisés dans la mode.
«Quoi dire?»
L'acte d'accusation émis par la justice américaine, et dont l'AFP a eu copie, précise que Nancy Gonzalez a payé des billets d'avion à plusieurs personnes à destination de New York, Miami et du New Jersey pour que ces dernières emmènent les produits jusqu'aux Etats-Unis dans leurs bagages personnels.
Les accessoires se retrouvaient ensuite dans le showroom de la créatrice à New York.
Nancy Gonzalez a "donné des instructions" à ces personnes sur la "façon de voyager et de transporter" la marchandise et sur "quoi dire" aux autorités en cas de soupçon, selon l'accusation.
"Le problème fondamental c'est d'avoir envoyé les accessoires aux Etats-Unis (...) en violant les règles des Etats-Unis concernant les douanes", a expliqué à l'AFP Elmer Montaña, avocat d'un des deux employés de Mme Gonzalez, dont l'extradition est également demandée.
La justice américaine a précisé que les animaux concernés n'étaient pas en danger d'extinction, mais que le commerce autour de ces animaux devait être "contrôlé" pour éviter une utilisation "incompatible" avec la survie de l'espèce.
Sur son site internet, la créatrice indique que les sacs à main et autres accessoires distribués dans 300 boutiques dans le monde, sont réalisés par des artisans à Cali.
Selon Elmer Montaña, les peaux sont "obtenues par Mme Nancy Gonzalez (...) auprès de fermes certifiées, qui sont supervisées par le ministère colombien de l'Environnement".
"Ce ne sont pas des peaux qu'elle achète au marché noir", où ces reptiles font l'objet d'un trafic dans l'un des pays les plus riches en biodiversité au monde, assure l'avocat.
Une demande d'habeas corpus pour la libération de la créatrice a d'ores et déjà été rejetée par la justice colombienne. La maroquinière, dont les créations ont été exposées en 2018 au Metropolitan museum of art de New York, risque 25 ans de prison.
La décision de la justice colombienne pourrait prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois.