PARIS : Près de vingt ans après la canicule meurtrière de 2003, le système de soins est «rodé» et mieux préparé aux vagues de chaleur régulières, mais peine toujours à atteindre les personnes isolées, malgré le travail des associations.
La routine s'est installée. Pas un été sans une, voire plusieurs canicules ou vagues de fortes chaleurs depuis 2015. Déjà deux cette année, après celle de mi-juin.
A chaque fois, le souvenir d'août 2003 est convoqué: 15.000 morts, des hôpitaux débordés, des corps stockés jusqu'au marché de Rungis.
Manière de souligner les leçons tirées et les progrès accomplis. «Depuis, on a beaucoup appris», a encore répété mercredi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, lors d'un déplacement en maison de retraite devenu un passage obligé pour les ministres lorsque le mercure grimpe.
Les professionnels ne lui donnent pas tort. «On sait beaucoup mieux gérer les vagues de chaleur», confirme Pascal Champvert, président de l'AD-PA, association de directeurs d'Ehpad et de services à domicile.
D'abord parce que Météo-France envoie «des informations et des alertes bien plus à l'avance» qu'il y a deux décennies. Mais aussi parce que les pouvoirs publics ont organisé la réponse, avec un «plan canicule» échafaudé en 2004 et désormais activé durant toute la période estivale, du 1er juin au 15 septembre.
Les règles édictées par le ministère et son agence Santé publique France donnent aux directeurs «des éléments de marche à suivre», explique M. Champvert. Ainsi, «les personnes doivent aller dans les pièces climatisées, boire régulièrement, on leur rappelle qu'il ne faut pas sortir aux heures les plus chaudes».
Chez les soignants, «nous avons aussi des recommandations de bonnes pratiques et la formation des équipes s'est déployée», indique le Pr Claude Jeandel, président du Conseil national professionnel de gériatrie.
«On est mieux préparé, mais c'est la seule chose qui a changé», ajoute-t-il, soulignant que «la prise en charge reste strictement la même» et qu'il n'y a «pas de nouveau traitement».
- «Trous dans la raquette» -
Rien d'autre à faire que de surveiller l'hydratation des patients et d'arrêter certains médicaments comme les diurétiques pour préserver les reins et éviter le surdosage.
Simple en théorie, sauf qu'il reste «deux maillons faibles», selon le Pr Jeandel. D'une part «les tensions sur les ressources humaines, notamment dans les Ehpad», exacerbées par la crise sanitaire «avec un nombre important de postes vacants» actuellement, ce qui fait que «la surveillance est forcément moins bien assurée».
D'autre part l'angle mort du domicile, pour lequel «les mairies sont censées avoir établi des registres pour pouvoir aller vers les personnes isolées», mais «on peut considérer qu'ils ne sont pas exhaustifs», estime-t-il.
«Il y a des trous dans la raquette et c'est largement perfectible», reconnaît Isabelle Sénécal, responsable du pôle plaidoyer des Petits Frères des Pauvres, même si «le plan canicule est rodé, il marche».
Spécialisée dans l'aide aux seniors isolés, son association prête main forte aux centres municipaux d'action sociale «quand il y a besoin de passer des coups de fil en plus» et c'est «cette coordination d'acteurs qui fait que la prévention fonctionne».
«Il n'y aura pas zéro décès, mais on ne retrouvera pas des personnes mortes chez elles trois, quatre voire dix jours après» comme en 2003. «On a réglé cette problématique», dit-elle, «par contre on n'a pas soigné l'isolement».
Et de rappeler les constats de son dernier rapport deux millions de personnes de plus de 60 ans qui ne voient plus ni famille, ni amis, 530.000 autres en situation de «mort sociale», sans aucune interaction, hors des radars associatifs.
Des chiffres appelés à croître avec le vieillissement de la population, qui appelle selon Mme Sénécal «une réflexion sur la société qu'on veut, avec plein de vieux et un monde qui va connaitre de plus en plus de phénomènes météorologiques intenses».