PARIS : Ce sera sa 11e participation aux Francofolies, record absolu: Bernard Lavilliers se souvient de ses «dingueries» au festival, comme chanter du sommet des remparts de La Rochelle ou avec 1.789 enfants.
C'est une de ces images qui ont fait la légende des «Francos». Edition 1989: Lavilliers, chemise blanche et guitare acoustique en bandoulière, grimpe au sommet des murailles du port rochelais. Il y entonne «La complainte de Mandrin», chant traditionnel sur un contrebandier du XVIIIe siècle tendance Robin des Bois.
«Tout le monde a peur que je me casse la gueule mais je suis un genre de Belmondo, j'adore grimper partout», se souvient l'artiste, joint par téléphone avant son passage vendredi aux Francofolies.
«Chanter du haut des remparts, il y avait longtemps que j'y pensais. C'était un truc sportif mais ça valait le coup». Ce n'est pas la seule de ses «dingueries», comme il dit, au festival de Charente-Maritime.
Il faut dire que Lavilliers est encouragé dans ses folies aux «Francos» par le créateur de l'événement, un proche, Jean-Louis Foulquier (disparu en 2013).
«C'est la folie de Jean-Louis qui a permis ce festival, c'était un pari colossal quand il l'a créé en 1985», insiste le chanteur-baroudeur.
- «Je te laisse les clés» -
Les deux hommes sont derrière un spectacle insensé, toujours en 1989, bicentenaire de la Révolution française. Lavilliers chante un de ses morceaux, «Noir et blanc», accompagné de 1.789 «gamins» issus de plusieurs pays francophones, dans la cour de l'Elysée en présence du président de la République, François Mitterrand, puis le lendemain aux Francofolies.
«De n'importe quel pays, de n'importe quelle couleur/La musique est un cri qui vient de l'intérieur», retentit donc d'abord au palais présidentiel. «Mitterrand me demande: +Vous en avez une autre ?+. Je lui réponds: +On avait parlé d'une seule chanson+. Il me dit: +Redonnez-là+. On la rechante, avec lui qui bat la mesure à l'envers (rires)».
«Puis pour aller à La Rochelle, tous les mômes ont pris le train, rapidement transformé avec eux en discothèque m'avait raconté Jean-Louis», rapporte celui qui réédite une partie de sa discographie en vinyle (à commencer par «Les barbares» et «15e round» le 5 août).
Lavilliers, 75 ans aujourd'hui, n'est pas de la première édition du festival mais de la deuxième, en 1986.
«Jean-Louis m'avait dit: +Je te laisse les clés une soirée, tu vas faire ton programme+. C'était sympa», raconte l'artiste.
La nuit vibre aux rythmes antillais, africains et brésiliens avec Malavoi, Mory Kanté, Les Etoiles ou encore Manu Dibango.
-Il n'a que de bons souvenirs rochelais-
«Les Etoiles, c'étaient deux Brésiliens déguisés en femmes qui chantaient magnifiquement. Je les avais connus dans un petit cabaret parisien, le Discophage, et, là, ils étaient sur la grande scène des +Francos+», rembobine Lavilliers.
«Ils étaient un peu bourrés. C'est dommage mais tout le monde était un peu bourré aux +Francos+ dans ces années-là (rires)».
Il n'a que de bons souvenirs rochelais. Sauf peut-être en 1987. Le festival fête Léo Ferré en sa présence. «C'est moi qui ai présenté Ferré, mon ami, à Foulquier: je ne suis pas allé à cette soirée car y participaient des chanteurs qui ne me plaisaient pas mais je m'en voulais à mort après».
A La Rochelle, Lavilliers reste à l'écoute. Dans les dernières années, il y a découvert des artistes comme Pauline Croze ou Feu! Chatterton. Et peut toujours surprendre, comme en 2016 avec une relecture de son album «Pouvoirs» de 1979.
Pourquoi ? «Tout le monde parle de cet album mais personne ne l'a acheté», lâche-t-il goguenard.
Il est aux «Francos» comme chez lui, de toute façon. «Il fait partie de la famille bien avant moi», acquiesce l'actuel patron du festival, Gérard Pont. Qui le programme aussi pour son actualité: «Il revient avec élégance et il a un jeune groupe qui envoie».
Lavilliers défend sur scène un dernier album au titre-reflet du réchauffement climatique, «Sous un soleil énorme».