TUNIS: La Tunisie est malade, mais elle tente de se soigner – du moins dans le domaine de l’investissement. C’est en substance ce message que les dirigeants tunisiens ont voulu envoyer à la communauté des investisseurs internationaux à l’occasion du Tunisia Investment Forum (TIF), qui s’est déroulé à Tunis à la fin de juin 2020. Dans son allocation d’ouverture, Najla Bouden, chef du gouvernement, a affirmé: «Il y a aujourd’hui en Tunisie un climat d’affaires stimulant grâce à la consécration du principe de liberté d’investissement et de l’accès au marché.»
Mais elle reconnaît aussitôt que, «malgré ces acquis […], les indicateurs de l’investissement demeurent en deçà des capacités et des possibilités offertes à la Tunisie et de ce à quoi nous aspirons». Et, même si elle ne reconnaît pas clairement que les investissements, tunisiens comme étrangers, sont en baisse depuis des années, elle a le courage d’identifier les causes de ce mal.
Ces dernières vont des ratés de la phase de transition politique à une législation bancaire désuète et non conforme aux standards internationaux, en passant par le «retard dans la mise en œuvre de réformes, les complexités administratives, le difficile accès au financement et l’instabilité du système fiscal».
La stratégie de relance de l’investissement esquissée par Najla Bouden a été détaillée par le ministre de l’Économie et de la Planification, Samir Saïed. Elle s’articule autour de trois axes: Vision Tunisie 2035, Plan de développement 2023-2025 et Programme national des réformes. Elle prévoit en particulier, en plus du rétablissement d’une cellule d’écoute et d’accompagnement des investisseurs – démantelée il y a quelques années –, la mise en œuvre de 220 mesures destinées à améliorer le climat des affaires. Il s’agit, entre autres, de la révision du Code des changes, d’une réforme de la fiscalité destinée à baisser les taux et de l’élaboration d’un cadre réglementaire pour la logistique.
Se félicitant du «diagnostic franc» de Najla Bouden, le Tunisien Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région Mena, a déclaré que son institution et que ses partenaires s’alignaient «derrière toute stratégie visant à ouvrir davantage l’économie». Mais il a clairement signifié que les dispositions annoncées n’étaient pas suffisantes.
Selon lui, les autorités tunisiennes doivent prendre d’autres mesures afin que «l’investisseur tunisien ou étranger se sente chez lui» en Tunisie.
Il semble avant tout nécessaire de revoir le rôle de l’État dans l’économie. Ce dernier doit, pour M. Belhaj, «être un régulateur».
Malgré les privatisations, le pays du Jasmin compte encore près de 110 entreprises publiques. «Nous ne poussons pas à la privatisation à tout prix, mais il faut exposer l’entreprise publique à la concurrence du secteur privé. S’il s’avère qu’elle est compétitive, qu’elle reste, sinon, il faut trouver une solution», préconise M. Belhaj.
Ensuite, le pays doit devenir plus transparent aux niveaux de la prise de décision et de la gouvernance. «L’absence de décision est le premier repoussoir pour l’investisseur. La décision doit être prise rapidement. Si elle n’est pas bonne, il faut en prendre une autre», conseille le représentant de la Banque mondiale pour la région Mena. De même, il faut disposer d’un système de gouvernance qui permette «la prévisibilité des décisions».
Enfin, «il est essentiel de réfléchir à une justice commerciale compétente», car «ce n’est pas une bonne chose qu’un juge ait à traiter dans la même séance des cas de divorce, de vol et de litige commercial», observe M. Belhaj.